Lorsque le secrétaire d’Etat américain John Kerry imposa à Israël et à l’Autorité palestinienne (AP) la reprise des négociations en juillet 2013, il donna à Israël le choix entre le gel des constructions et la libération de prisonniers palestiniens.
Le gouvernement israélien choisit la seconde option (une grave erreur à mon sens). Et à présent, Kerry accuse partiellement Israël d’être responsable de l’échec des pourparlers parce qu’Israël n’a pas gelé la construction alors même qu’un tel gel ne faisait pas partie de l’accord de principe pour la reprise des pourparlers.

Kerry a également fait référence au refus d’Israël de relâcher la quatrième tranche de prisonniers. Il n’a pas mentionné le fait que, le 19 mars 2014, le porte-parole du Fatah Ahmad Assaf a publiquement déclaré que l’AP a fait du chantage pour obtenir d’Israël la libération de prisonniers (en menaçant de poursuivre l’adhésion à des organes de l’ONU) et que le seul but des négociations (ou des prétendues négociations) avec Israël était d’obtenir la libération de prisonniers.

On se demande où était Kerry pendant ces deux dernières décennies, et s’il s’est jamais entretenu avec des diplomates américains qui ont tiré les leçons des précédentes tentatives avortées d’arriver à un accord de paix entre Israël et l’AP.

Dans son livre La paix manquante, l’ex-émissaire au Proche-Orient Dennis Ross réfute l’allégation d’Arafat selon laquelle il s’était vu promettre 90% de la rive occidentale du Jourdain par l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin : “Dans une des réunions j’avais dit au Président qu’il s’agissait d’une des mythologies d’Arafat ; Rabin n’a jamais fait ça, et en réalité Rabin avait envisagé de céder entre 70 et 80% de la Judée-Samarie »>Article original”.

Non seulement Rabin n’avait pas envisagé de renoncer à plus de 80% de la Cisjordanie (sans “compensations” territoriales), mais sa vision d’un accord avec les Palestiniens n’allait pas aussi loin que ce que ses successeurs ont accepté en vain. Deux semaines avant son assassinat, Rabin précisa à la Knesset sa vision d’un accord final. Il indiqua qu’au bout du compte il y aurait une “entité palestinienne” qui serait “moins qu’un Etat.” Rabin promit également qu’Israël “ne retournerait pas aux lignes du 4 juin 1967” et conserverait le contrôle de la vallée du Jourdain “dans le plus large sens du terme.” Rabin promit également de ne jamais relâcher des prisonniers palestiniens condamnés pour meurtre.

En août 2000, Arafat dit à Dennis Ross que le Premier ministre Ehoud Barak était allé “plus loin” que ce qu’Yitzhak Rabin aurait accepté. “Beaucoup plus loin” le corrigea Ross. A Camp David, Barak accepta l’établissement d’un Etat palestinien sur 92% de la Cisjordanie et la souveraineté palestinienne sur les quartiers arabes de Jérusalem. Avant la conférence de Camp David, Osama Elbaz (conseiller diplomatique du président Hosni Moubarak) dit que le rêve des Palestiniens était d’obtenir 91% de la Cisjordanie. Interrogée par la suite par Dennis Ross sur la raison pour laquelle ils avaient refusé l’offre de Barak de 92%, Elbaz répondit : “L’appétit vient en mangeant.”

Les “paramètres” du Président Clinton de décembre 2000 allèrent encore plus loin que l’offre de Barak. Les Palestiniens obtenaient entre 94% et 96% de la Cisjordanie (avec 1 à 3% d’échanges territoriaux dans le territoire d’Israël d’avant 1967). Jérusalem-est (y compris le Mont du Temple) serait devenue la capitale d’un Etat palestinien. Israël aurait reconnu le “droit au retour” des Palestiniens tout en conservant le droit de décider quels Palestiniens pourraient obtenir la citoyenneté israélienne. Israël accepta les paramètres de Clinton. Arafat les rejeta.

Comme Dennis Ross l’a écrit : “Rabin et Pérès ont fait un choix historique ; Arafat n’a fait qu’un choix tactique. Arafat est arrivé à Oslo après la première guerre du Golfe non pas parce qu’il avait fait un choix mais parce qu’il n’avait pas le choix. Oslo était son salut. Ainsi, cela représentait moins une transformation qu’une transaction.”

Mahmoud Abbas n’est pas mieux. En mai 2008, il rejeta l’offre d’Ehoud Olmert, qui allait plus loin que les paramètres de Clinton. Avec les échanges de territoires, les Palestiniens obtenaient alors la totalité de la Cisjordanie (et de la bande de Gaza). Olmert accepta aussi de renoncer au Mont du Temple et accepta des milliers de réfugiés palestiniens. Mais, comme Abbas l’expliqua à la Secrétaire d’Etat américaine Condoleeza Rice, ce n’était pas assez parce que “cinq millions de réfugiés” et pas seulement quelques milliers devaient selon Abbas être autorisés à devenir citoyens israéliens.

Benyamin Netanyahou était prêt à aller beaucoup plus loin qu’Yitzhak Rabin dans les récents pourparlers avec les Palestiniens. Contrairement à Rabin, Netanyahou a accepté l’établissement d’un Etat palestinien. Contrairement à Rabin, Netanyahou a accepté de libérer des meurtriers. Et, contrairement à Rabin, Netanyahou semble avoir accepté le principe de “compensations” territoriales.

Le fait est que ces deux dernières décennies Israël a fait des concessions importantes, alors que les Palestiniens n’en ont fait aucune.

Dennis Ross conclut son livre La Paix manquante en écrivant que les Palestiniens devraient “ apprendre du passé et ne pas simplement le nier et le réinventer.” John Kerry ferait bien, lui aussi, de suivre ce conseil .

Emmanuel Navon dirige le département de science politique et de communication au Collège universitaire orthodoxe de Jérusalem et enseigne les relations internationales à l’Université de Tel Aviv et au Centre interdisciplinaire d’Herzliya. Il est également membre du Forum Kohelet de politique publique.

i24news.tv Article original

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