Malgré un discours vindicatif à la tribune de l’ONU, et sa détermination affichée quant à la poursuite du programme nucléaire «civil», les choses vont mal pour Ahmadinejad, le très controversé président de la République Islamique d’Iran.

Tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de ses frontières, le régime est aujourd’hui confronté à une crise économique sans précédant et à une contestation de plus en plus vive.Toujours plus de sanctions !

Les rapports successifs de l’AIEA ont mis en lumière la duplicité de Téhéran.

En dépit des négociations, le programme nucléaire progresse imperturbablement vers un objectif militaire.

Les ingénieurs perses ne seraient plus qu’à quelques mois de la bombe atomique, selon divers services de renseignements occidentaux et arabes.

Cette échéance proche inquiète non seulement les USA et l’Europe, mais également les monarchies pétrolières qui se sentent menacées par la politique hégémonique de la théocratie chiite.

Du fait de l’absence de progrès sur le dossier, la communauté internationale a mis en place une politique contraignante dont les effets commencent à se faire durement sentir.

Ainsi, le rial, la monnaie iranienne n’a jamais été aussi faible, ayant perdu plus de 70% de sa valeur depuis 2011.

De nouveaux trains de sanctions sont en préparation et la pression exercée par Israël sur ses alliés pour une intervention militaire est de plus en plus marquée.

La colère de la rue

Vivant quotidiennement la pénurie, le peuple iranien n’a pas oublié que c’est suite à de nombreuses irrégularités lors des dernières élections, qu’Ahmadinejad a pu ainsi obtenir un deuxième mandat, lequel s’achève en juin 2013.

Dans ce contexte, la «gestion calamiteuse» de l’équipe en place, additionnée au chômage et à l’inflation galopante sont autant de raisons qui nourrissent «la colère de la rue».

La contestation s’exprime à présent ouvertement à la fois au niveau politique et sur le plan social malgré un appareil répressif des plus actifs.

Désormais, l’on assiste à des rassemblements de plusieurs milliers de personnes bravant les forces de l’ordre qui ont arrêté pas moins 150 manifestants, rien que dans la capitale.

En réponse, le gouvernement essaye de détourner l’attention, en instrumentalisant le film «L’innocence des musulmans» ou les caricatures de «Charlie Hebdo», mais cela ne fait pas recette.

A titre d’exemple, la récente attaque de l’ambassade de France, même si on ne peut l’imputer directement aux milieux proches du pouvoir, n’a mobilisé qu’une dizaine de personnes. Cela démontre amplement que ce qui préoccupe la population est ailleurs.

Sur le fil du rasoir


La présidente des Moudjahidines du peuple Maryam Radjavi

Dans ce contexte, il devient urgent de trouver un bouc émissaire, car le régime ne peut reconnaitre ouvertement ses erreurs sans se mettre en danger.

Il affirme que «la situation économique n’explique pas la chute du rial».

Pour identifier et lutter contre les «vrais responsables» de la perturbation du marché des changes, une commission interministérielle incluant la police a été mise en place.

Dans le même temps on apprend que le groupe d’opposants iraniens les Moudjahidines du peuple a été retiré de la liste noire des organisations terroristes par les américains.

Cette décision, leur confère une nouvelle légitimité et une plus grande liberté d’action sur le plan politique à l’étranger. Les coupables sont donc tout trouvés !

Cependant, une autre lecture est possible.

Ainsi, deux évènements pourraient indiquer que les jours d’Ahmadinejad à son poste sont comptés.

Tout d’abord, Hassan Gul Hanban le cameraman qui accompagnait le président iranien à l’ONU, a demandé l’asile politique durant son séjour à New York.

Cela préfigurerait-il les défections auxquelles nous assistons parmi les proches de Bachar al-Assad en Syrie, le plus proche allié de Téhéran, alors que le régime chancelle ?

Plus inquiétant encore, Ali Akbar Javanfekr, conseiller à la communication de Mahmoud Ahmadinejad et responsable de l’agence de presse officielle Irna, vient d’être arrêté.

Les chefs d’inculpations seraient «d’avoir insulté Ali Khamenei, le Guide suprême de la révolution, et d’avoir publié des contenus contraires aux valeurs islamiques et à la morale publique», sans plus de précision.

Cela ressemble à s’y méprendre à un début de purge comme on en a connu sous d’autres dictatures.

Derrière le printemps perse, les Mollahs ?


Mollahs iraniens

Contrairement à la Syrie, la répartition des rôles au sommet de l’État est complexe.

Le pouvoir ne repose pas sur un clan, un parti politique ou une personne, fut-elle le président.

Les mollahs en sont la vrai clé, et plus particulièrement le Guide suprême qui «fait et défait les rois».

L’ambition démesurée et le style populiste du président agacent profondément les religieux qui voient en lui non seulement un danger pour eux-mêmes, mais également pour le pays tout entier.

Ils ne sont pas plus modérés, mais semblent disposés à sacrifier ce cavalier encombrant sur l’échiquier du pouvoir.

Alors, derrière ces manifestations et le mécontentement bien réel de la population, il faut peut-être voir une main bienveillante des mollahs laissant se développer un mouvement de contestation, tout en le contrôlant de l’autre, pour ne pas qu’il dérape, les échéances électorales étant toutes proches.

L’objectif serait de préparer une transition sans trop de risque afin de mettre en place un candidat plus en phase avec leur politique et plus acceptable pour le occidentaux.

Cela aurait le double avantage de se débarrasser d’un adversaire redoutable et de donner quelques gages à l’occident, notamment sur le dossier nucléaire, histoire de desserrer quelque peu l’étau auquel la République islamique est soumise.

Un peuple en colère

Malgré un scénario bien huilé, il existe de nombreuses inconnues.

Tout d’abord, la crise syrienne risque d’affaiblir considérablement le régime en le privant d’un de ces meilleurs atouts, avec en perspective une dislocation de l’axe Iran – Syrie – Hezbollah – Hamas.

Ce dernier ayant déjà fortement distendu ses liens avec son autorité de tutelle.

Ensuite, la menace d’une attaque militaire des installations nucléaires reste toujours d’actualité, même si elle est suspendue aux résultats des présidentielles américaines, et de la coalition qui sera formée suite à l’anticipation des élections en Israël, comme vient de l’annoncer Benjamin Netanyahou.

Ce dernier devrait sans trop de surprise conserver son poste de premier ministre, ce qui est moins sûr pour l’actuel ministre de la défense, Ehud Barak.

Enfin et surtout, un peuple en colère, ne se manipule pas aussi facilement que le pouvoir le voudrait.

En est témoin le gouvernement islamiste en Tunisie, où la population se retourne désormais contre ceux qu’elle a mis en place, quelques mois auparavant.

Les minorités, telles que les sunnites et les kurdes, sont en embuscade.

Elles attendent la moindre faiblesse du pouvoir central pour faire valoir leurs revendications, voire obtenir une autonomie comparable à la région kurde d’Irak, si l’occasion venait à se présenter.

Indépendance nucléaire

Cependant, s’il advenait que les mollahs arrivent à leurs fins, il est à craindre que les occidentaux, ne relâchent leur attention.

Ces derniers, à l’image de Catherine Ashton considérant toujours «qu’il y assez de temps pour la négociation», pourraient se satisfaire de vagues promesses, trop heureux de clore cet embarrassant dossier.

Ce serait une erreur stratégique majeure, car depuis le Shah, tous les dirigeants ont placé en tête de leur préoccupation l’indépendance nucléaire.

Les religieux apparemment plus pragmatiques et moins ostentatoires qu’Ahmadinejad pourraient ainsi en toute quiétude poursuivre leur plan et franchir les étapes restantes jusqu’à la bombe.

Il n’y aurait alors plus aucune limite à leur expansionnisme avec les risques d’instabilité que cela entrainerait sur leurs voisins, et les menaces de l’approvisionnement mondial en brut, sans parler de la prolifération nucléaire qui en résulterait.

Aussi, face à ce réveil du peuple perse, il est de la plus haute importance d’agir en maintenant une pression sans faille contre le régime et de soutenir toutes les forces démocratiques.

C’est à l’opposé de la gestion actuelle de la crise syrienne, où l’attentisme et la désunion priment.

Les données du problème sont connues.

Il n’y a guère d’autre option, hormis une intervention militaire à l’issue indéterminée et qui pour l’heure divise, si l’on veut vraiment qu’une alternance réelle voit le jour en Iran.

Et comme disait le philosophe Alain :

«Savoir, et ne point faire usage de ce qu’on sait, c’est pire qu’ignorer».

Pr Hagay Sobol / Temps et Contretemps Article original

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TAGS: Iran Mollahs Khamenei Ahmadinejad Mahdi Sanctions

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