Un avion tire un missile sur des combattants en Afghanistan. Le pilote les surveillait depuis des semaines. Il les a abattus au moment opportun. Tout cela, il l’a fait à partir des Etats-Unis dans une salle bourrée d’écrans, contrôlant à distance son avion, un drone. Ce nouveau type de pilotes pourrait supplanter les pilotes traditionnels qui embarquent à bord de leur avion de chasse.Arrivera-t-on à ce jour où plus aucun avion de chasse ou bombardier ne sera piloté par un humain dans le cockpit, à même l’appareil ? Aujourd’hui, la Force aérienne des Etats-Unis forme plus de pilotes de drone (350 l’an passé) que de pilotes traditionnels. A l’heure actuelle, elle en compte déjà 1300 qui, à partir d’une salle sombre bourrée d’écrans vidéo au sein d’une base aérienne sur le territoire américain, conduisent à distance des avions volant à des milliers de kilomètres de là, principalement en Afghanistan. La demande de pilotes de chasse à distance est telle que les programmes de formation ont été accélérés. Jusqu’à cette année, les pilotes de drone accomplissaient une formation de pilotage traditionnelle avant d’apprendre à piloter les modèles de drone que sont les Predators, Reapers ou Global Hawks. Désormais, les pilotes ne passent que 40 heures de vol dans un petit avion basique de type Cessna avant de démarrer leur formation drone.

Les pilotes de drone travaillent principalement à des missions de surveillance mais ils peuvent aussi tirer des missiles pour éliminer l’ennemi ou protéger des troupes au sol. Ils sont accompagnés dans leur « vol » par un opérateur qui dirige la caméra. Seuls les pilotes sont habilités à tirer un missile. Tous sont officiers. Comme le colonel Scott Brenton de la base aérienne de Hancock Field à Syracuse dans l’état de New York. L’homme a piloté un F16 pendant 15 ans. Il dispose à son actif de 4000 heures de vol. Si, désormais, il se rend chaque jour dans sa salle de pilotage de la banlieue de la ville de Syracuse (147000 habitants), c’est parce qu’il voulait rester impliqué dans la zone de combat après sa retraite de pilote de chasse. « J’ai l’impression de faire la même chose qu’auparavant, c’est juste que je ne me déploie pas pour le faire », explique le colonel.

Pas un jeu vidéo

Lorsque le pilote Brenton a terminé sa mission, il n’atterrit plus sur un porte-avion avant de gagner le mess et se détendre avec les collègues. Dorénavant, le pilote Brenton se lève du siège rembourré, sur lequel il est parfois resté assis six heures en continu, il quitte la salle de commande, passe au magasin faire quelques courses avant de rentrer chez lui. Une vie de fonctionnaire ?

Pas vraiment. Si le colonel reconnait l’étrange déconnexion de cette télé-guerre avec un joystick et une manette qu’il pratique en Afghanistan depuis sa banlieue américaine, lui et ses collègues ne veulent pas entendre parler d’un jeu vidéo. Les ennemis abattus étaient bien vivants. Si les pilotes ont des bons jours, quand par exemple ils sauvent une patrouille au sol l’alertant d’une embûche repérée sur leurs écrans, ils ont aussi leurs mauvais, de ceux où le pilote quitte sa salle et ses écrans, avec des images d’un enfant tué par erreur ou le gros plan d’un Marine tué dans une mission qui a tourné mal. « C’est un sentiment étrange, personne dans mon entourage immédiat n’est conscient de ce qui m’arrive », décrit le colonel.

La Force aérienne mobilise aumôniers et médecins pour aider les pilotes à négocier ces moments difficiles. Si, lors d’une étude menée auprès d’une douzaine de pilotes et opérateurs, la plupart indiquaient ne pas ressentir pour leurs victimes afghanes un sentiment tel qu’ils n’en dormiraient plus la nuit, la plupart évoque néanmoins une certaine intimité avec la vie de familles afghanes, intimité que ne partageront jamais les pilotes traditionnels, dans les airs à 6km de hauteur, et rarement les troupes à terre.

Intimité avec la cible

Ce nouveau métier entraîne de nouveaux risques. Les pilotes de drone surveillent parfois plusieurs semaines des cibles afghanes. Ils partagent la vie au quotidien de personnes qu’ils devront tuer une fois le moment opportun arrivé, c’est-à-dire en général lorsque l’homme sera seul et que sa famille se sera éloignée, par exemple pour aller au marché. La cible joue avec ses enfants, parle avec sa femme, rend visite à ses voisins sous les yeux scrutateurs du pilote du drone. « Ils voient le type faire de mauvaises choses et puis les choses de sa vie régulière », expose le colonel Ortega, un médecin qui a participé à l’étude. « A un certain point, ces choses peuvent rappeler celles que vous faites vous-mêmes. Vous pouvez atteindre un niveau de familiarité avec la cible qui rend plus compliqué d’appuyer sur la détente », ajoute-t-il. Si le un formateur de la base aérienne de Creech place pour priorité d’inculquer aux futurs pilotes à distance que, derrière leur mur d’écrans, il pilote un véritable avion et que leurs actions auront de véritables de conséquences.

« Je vois des mères avec des enfants, je vois des pères avec des enfants, je vois des pères avec des mères, je vois des enfants jouer au football », raconte le colonel Brenton. Quand il lance un missile et tue un militant (seulement, dit le colonel Brenton, quand femmes et enfants ne se trouvent pas aux alentours), ses poils se hérissent, comme ils le faisaient quand il alignait sa cible dans son avion de chasse F16. Mais le militaire prend le dessus: « Je ne ressens aucun attachement émotionnel à l’ennemi », dit-il. Et il obéit aux ordre: « J’ai un devoir et j’exécute le devoir. »

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Dur, dur de faire la guerre à distance !

Les yeux vissés sur leurs écrans d’ordinateur à des milliers de kilomètres du front, les pilotes de drones militaires ne perdent pas une miette des combats et ne sont pas épargnés par le syndrome de stress post-traumatique.

Assis devant des ordinateurs à des milliers de kilomètres des aéronefs qu’ils contrôlent, les opérateurs de drones veillent à la protection des troupes américaines au sol vingt-quatre heures sur vingt-quatre en repérant de potentielles embuscades et en menant des missions d’observation. Il est rare qu’ils ouvrent le feu. La plupart du temps, ils se contentent de rester les yeux vissés sur leurs écrans, pendant des heures, jour après jour. C’est un travail monotone mais qui peut aussi se révéler très perturbant. Les opérateurs de drones voient des soldats au sol se faire attaquer et perdre des camarades. Ils zooment sur les morts pour confirmer le nombre de victimes. Physiquement, ils ne sont même pas sur le même continent mais, psychologiquement, ils sont sur le front et cela peut créer chez eux un profond sentiment d’impuissance.

“L’absence de contrôle est l’un des principaux facteurs de stress de cette profession”, explique Hernando Ortega, colonel de l’armée de l’air américaine.

La hiérarchie militaire commence tout juste à prendre la mesure du problème alors que l’utilisation des drones ne cesse d’augmenter. Ces dernières années, l’armée américaine a formé davantage d’opérateurs de drones que de pilotes conventionnels et le Pentagone mise de plus en plus sur ces appareils pour ses opérations militaires et antiterroristes à l’étranger. Les équipages de drones ont effectué 54 sorties quotidiennes en Afghanistan et en Irak l’année dernière, contre seulement 5 par jour en 2004. L’objectif est d’atteindre 65 sorties par jour d’ici à 2013. La terminologie militaire évolue elle aussi : autrefois appelés UAV Unmanned Aerial Vehicles, véhicules aériens sans pilote »>Article original, les drones sont aujourd’hui désignés dans le jargon militaire comme des RPA Remotely Piloted Aircraft, avions pilotés à distance »>Article original. “Ils ne sont pas ‘sans pilote’, insiste Ortega. Les opérateurs sont au cœur du système.”

Même si la plupart des pilotes de drones travaillent sur des bases militaires aux Etats-Unis, l’armée de l’air les considère comme des soldats déployés sur le terrain. “Un opérateur de Predator m’a dit : ‘Je passe douze heures sur le front à combattre des insurgés et vingt minutes plus tard je me retrouve chez moi à vérifier si mes enfants ont bien fait leurs devoirs’”, témoigne Ortega. De plus, même à distance, les équipages de drones développent des liens forts avec les troupes au sol car ils communiquent en permanence avec elles via une messagerie ou par radio. “En fait, ils se transportent vraiment sur la ligne de front”, souligne Ortega. Cela contribue à leur sentiment d’impuissance quand ils voient leurs camarades en danger.

“Ils peuvent se sentir coupables, même si aucun coup de feu n’est tiré, simplement parce qu’ils sentent qu’ils ne peuvent rien faire”, explique le colonel Kent McDonald, psychiatre de l’armée de l’air qui a participé à une récente étude sur 900 opérateurs de drones. Cette étude a révélé que 46 % des pilotes en service subissaient des niveaux de stress élevés et que 29 % manifestaient des signes d’épuisement.


De nombreux opérateurs de drones sont fortement exposés au risque de syndrome de stress post-traumatique (SSPT), notent des psychologues de l’armée de l’air, même si seule une poignée de cas ont été diagnostiqués chez ces soldats chargés de la surveillance vidéo.

La plupart des opérateurs se refusent toutefois à reconnaître cet état de fait. Après tout, ils ne sont pas en contact direct avec les combats, le bruit, les odeurs ou la menace imminente de la mort, autant de facteurs typiques du syndrome de stress post-traumatique.

Les pilotes stressés ne disent pas “c’est à cause des combats, parce qu’on a dû faire sauter un bâtiment ou bien parce qu’on a vu des gens se faire exploser”, ils se plaignent plutôt de leurs horaires de travail, du manque de personnel et de difficultés relationnelles avec leurs familles, souligne Ortega. Mais même si “c’est un genre de guerre différent, il s’agit bien de la guerre. En leur for intérieur, les opérateurs de drones le sentent bien”, conclut-il.

David Zucchino | Los Angeles Times Article original

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