L’historien Jean-Christian Petitfils, auteur d’une biographie du Christ en 2011, nous raconte la vie de Jésus.

Peut-on encore aujourd’hui remettre en cause l’historicité de Jésus ?

Non, je ne le pense pas. Aucune source extérieure au christianisme des premiers siècles ne met en cause l’existence historique de Jésus. On dispose des textes de Flavius Josèphe, un juif romanisé du 1er siècle, qui a été en contact avec les premiers chrétiens. Il y parle de Jésus comme d’un homme accomplissant des choses prodigieuses. Ou des textes de Pline le Jeune, proconsul d’Asie mineure. On peut y ajouter Tacite, Suétone ou Celse, un philosophe grec du IIe siècle et adversaire très virulent du christianisme, qui pourtant ne remet pas en cause l’existence historique de Jésus. Et comment imaginer que douze pêcheurs de Galilée aient pu aller se faire tuer aux quatre coins du monde pour un simple mythe ? On a bien sûr aussi les Évangiles qui, pour un historien, sont une source globalement fiable, une fois qu’on a pris soin de ne pas se laisser polluer par la foi de leurs auteurs. Ces évangiles sont plus anciens qu’on ne l’a longtemps cru, ils datent des années 60 après J.-C. De plus, il y a eu récemment de nouvelles découvertes archéologiques : on a trouvé en 2009 une maison au centre du village de Nazareth, alors que beaucoup d’historiens prétendaient que Nazareth n’existait pas au 1er siècle. Elle a été authentifiée par l’Israël Antiquities Authority, comme étant la maison de Marie et Joseph.

Que sait-on de la naissance de Jésus ?

On sait qu’il n’est pas né à Noël, ni en l’an 0 qui n’existe pas, ni en l’an 1. Tout indique qu’il est né en – 7. On sait, par les évangiles de Mathieu et Luc, que Jésus est né du temps du roi Hérode le Grand. Or, Hérode est mort 4 ans avant notre ère. Si l’on se réfère à l’épisode de l’étoile de Bethléem, il serait né en – 7 ans car, cette année-là, il y a eu une triple conjonction de Jupiter et de Saturne dans la constellation des poissons. Il y a eu en fait trois rapprochements de ces planètes durant l’année – 7, en mai-juin, entre le 26 et le 30 octobre et en décembre. L’évangile de Matthieu nous parle de cette étoile qui apparaît aux mages, disparaît, réapparaît… On a découvert en Mésopotamie, le sud de l’Irak actuel, trois tablettes qui attestent de la triple apparition de cette conjonction. Les mages n’étaient pas des rois, mais des astrologues. Leur nom, bien sûr, est mythique, comme leur nombre. Quant à la crèche, elle vient d’une tradition, datant probablement de saint François d’Assise. Même si Justin de Naplouse, philosophe du 2e siècle, évoque la mangeoire dans un de ses textes.

Vous décrivez la mort de Jésus avec un réalisme saisissant. Sur quoi vous êtes-vous appuyé ?

À la fois sur l’histoire de Ponce Pilate, nommé préfet de Judée et de Samarie en 26 et aussi sur l’Évangile de Jean, qui est le plus historique, parce qu’il a été écrit par un témoin oculaire, et le plus précis quant aux détails, aux villages et aux lieux. Je me suis aussi fondé sur les trois reliques de la passion. Attention, il ne s’agit pas ici de foi, mais de science. Le linceul de Turin, le suaire d’Oviedo et la tunique d’Argenteuil ont longtemps été sujets à caution. Les analyses au carbone 14 menées sur la relique de Turin en 1988 sont aujourd’hui remises en cause (elles avaient daté le linge du Moyen âge, Ndlr). On a détecté sur le linge des pollens provenant d’arbustes qui ne poussent qu’entre Jérusalem et Hebron entre mars et avril. D’autres éléments comme des inscriptions détectées au microscope électronique sur le suaire ou le linceul, ou la méthode de tissage poussent à une datation de ces trois reliques au 1er siècle et les situent au Proche-Orient. Plus étonnant, les taches ferreuses (de sang) et d’humeurs qui apparaissent sur ces trois linges se superposent parfaitement et correspondent au même groupe sanguin, le groupe AB, le plus rare qui ne réunit que 4 % de la population mondiale. Pour l’historien que je suis, en l’état actuel, et jusqu’à preuve du contraire, elles renseignent sur l’aspect physique de Jésus et, à travers les épanchements dont elles portent la trace, sur ce que fut sa crucifixion.

Vous réfutez l’idée actuelle d’un Jésus plutôt mièvre et moralisateur, prêchant la paix et la fraternité universelles…

Elle n’est pas complètement fausse, puisque lui-même selon l’Évangile dit « Je suis doux et humble », mais il faut un peu rectifier cette image. Chaque époque a fabriqué son Jésus : on a eu le Jésus ésotérique du Da Vinci Code, en 1968, on l’a tiré vers le hippie. Au 19e siècle, on avait tendance à le voir comme un Révolutionnaire selon la théorie du libérateur. Or, Jésus n’était pas un chef zélote : s’il avait un caractère fort, il n’était pas un apôtre de la violence. Il faut le restituer comme un ancien prophète, il crie, il dénonce avec une certaine outrance orientale. Jésus était un rabbi, avec la force, l’énergie, la révolte et l’impatience d’un meneur d’hommes. L’image de Jésus est aujourd’hui un peu décalée : elle n’est pas assez juive, trop sulpicienne. En réalité, il échappe à toutes les définitions, et on ne peut pas réduire le mystère. Pour moi, parler de lui, c’est évoquer en historien le singulier rabbi juif du 1er siècle de notre ère qui parcourait les routes de Galilée en compagnie de ses disciples, appelant à l’amour du prochain, mais aussi, comme je suis croyant, le Christ de la foi.

Midi Libre “Dictionnaire amoureux de Jésus” (Editions Plon), 768 pages, 25 €.

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Lucien Rukevya

Mon humble avis est que toutes ces questions relatives à la Bible relèvent du libertinage dans sa lecture. A-t-on besoin de l`interpréter si ce n`est que pour créer des religions/églises à la mesure de ce qu`on veut ?

Philippe

Sur la date présumée de naissance de Yeshua, et sans trop entrer dans les détails, la « Besuras Hageulah » de Luc dans le Brit Hadasha, stipule que Zacharie, le père de jean Baptiste, sacrificateur de la classe d’Abyia, soit au mois de Tamuz, reçut la visite d’un ange annonçant que Elisabeth sa femme qui était stérile aurait un fils. Alors qu’elle était enceinte de 6 mois, elle reçut la visite de Myriam (Marie) sa cousine (parente) qui venait d’être enceinte. On était alors au mois de Tevet (Décembre-janvier). Plus 9 mois = Tishrey (Septembre-Octobre). S’agissant d’une fête solennelle, (voir les détails dans l’évangile de Luc) la naissance de Jésus se situe quasiment avec certitude, entre Rosh Hashana et Sukkot.
Le fête de Noël le 25/12 est une adaptation des fêtes Saturnales, et notamment le Sol Invictus où la lumière remporte la victoire sur les ténèbres, le jour commençant à s’allonger, et la nuit ipso facto, diminuant.
Comme la plupart des fêtes catholiques (ce qui ne veut pas dire automatiquement chrétiennes ou messianiques) qui ont remplacé et « christianisé » les fêtes païennes, celle de Noël en est un brillant exemple.
Maintenant, ce qui pour nous chrétiens (Christ = Mashia’h= oint) ou croyant dans le Mashia’h, le plus important est que Yeshua soit venu sur la Terre, quel que soit le jour.
Concernant la date de naissance, -7 avant l’ère commune, est très certainement réelle.

gaquier

Le Dieu des Chrétiens, des Juifs ou des Eglises « filles » est pour moi le même. Ce qui les différencie, ce sont tous les écrits ajoutés par les soi-disant Sages. C’est vrai que le Concile de Nicée a été une catastrophe pour les Chrétiens et en particulier pour l’église catholique romaine avec tous ses « saints » et un nombre considérable d’obligations et d’interdictions idiotes et non humaines comme le mariage interdit pour les prêtres; mariage pourtant autorisé par les textes sacrés. Je parle de la Thora. La caste des prêtres et Grands-Prêtres au Grand Temple était autorisé au mariage mais sous condition. En ce qui concerne la date et le lieu de naissance de Yeshua il m’est complètement indifférent de les connaître. Seul pour moi compte la vision profonde des textes de la Thora. Sans toutefois non plus les prendre au pied de la lettre comme l’a fait par ailleurs Yeshua dans certaines circonstances comme le Shabath Personnellement, je suis non juif mais je considère le peuple Juif comme le plus grand espoir de l’humanité et je tiens à leur côté.

Alexandre

J’ajoute que la volonté de faire naître Jésus – également – a betlehem découle de la volonté de lier Jésus à la prophétie le de la naissance du Messie fils ( descendant ) de david qui doit naître à bethlehem .. Beaucoup trop d’incohérences

Alexandre

Bravo
J’ajoute que la volonté de faire naître Jésus – également – a betlehem découle de la volonté de lier Jésus à la prophétie le de la naissance du Messie fils ( descendant ) de david qui doit naître à bethlehem .. Beaucoup trop d’incohérences

Dr Claude Salama

Compliments à l’auteur, Mr Petitfils, pour ce texte remarquable d’érudition et de souci de vérité et d’exactitude.
Cela donne très envie de lire le livre en son entier.
Sur le fond je dirai, en tant que Juif religieux et pratiquant, habitant de Jérusalem reconstruite après tant de souffrances et de vicissitudes, que l’appel de Yeshuah est un appel intense, exigeant, profondément juif et fondé sur la vraie volonté de Hésed (grâce, bonté, compassion) qui émerge de la Thorah. Ce message juif a été défendu par Jacques, le frère de Jésus-Yeshuah, qui fut le chef de la première « église » de Jérusalem., et qui a voulu conserver les prescriptions de la Thorah, s’opposant ainsi aux idées de Paul de Tarse. Par un mouvement destructeur et compréhensible par une réflexion sur l’évolution des systèmes et la psychanalyse de masses, l’occident païen s’est approprié ce message en le retournant d’une manière que l’on pourrait qualifier de sadique contre le peuple d’Israel élu pour porter au monde la parole de la fin de la violence, de l’irréductibilité de la compassion, et de l’espoir de la paix messianique. Dr Claude Salama

Yéhoshoua Israeli

Des conneries rien que des conneries tout çà ! nous juifs occupons nous de la reconstruction du 3 ième Temple ainsi que de notre pays Israël dans toute leurs splendeurs !!! voyez donc la Turquie rien ne les arrête ni ne les soumet, ils sont libre de tout mouvements …………… Faisons confiance à Hachem notre D.ieu et avançons sans craindre qui ou quoique ce soit !!!

MK

C’est marrant, car récemment l’on m’a dit récemment que Jésus le Nazaréen venait non pas du mot Nazareth, mais du mot Hébreu Nazir, d’où le Nazaréen.
Un Nazir est une personne qui s’éloigne volontairement de la Communauté Juive durant 40 jours. Il se laisse pousser barbe et cheveux, dans le but d’expier ses pêchers quand Kippour ne lui suffit plus à son goût ou quand il a commis de trop gros pêchers !
Donc il n’y aurait aucune relation entre Jésus et Nazareth, qui vivait dans le Nord d’Israël, contrairement à Nazareth qui se situe à l’Est.

haBIBI

C’est la dimension universelle de Jésus : la nature et qualité de sa présence, et ses enseignements, qui sont utiles aux humains aujourd’hui, non comme un modèle à singer, mais en marchant sa propre vie, en portant sa propre croix, une voie vers l’ouvert, la liberté, l’amour, et la paix.
Les querelles et chamailleries de détails auront toujours les psycho-rigides (« les morts »)de chaque époque pour les alimenter et les renouveler.

martin54

on peut situé sa naissance en prenant les classes des sacrificateurs etablient pour le service du temple par david.
Du temps d’Hérode, roi de Judée, il y avait un sacrificateur, nommé Zacharie, de la classe d’Abia; sa femme était d’entre les filles d’Aaron, et s’appelait Élisabeth.
a quel moment officiait la classe d’abia? etc…
non se n’est evidement pas a noel fete paienne a l’image de l’enseignement catholique, de l’eglise de rome qui a tous chanboule et s’est eloignée de ses racine juives.et qui a rendu un témoignage catastrophique auprés des juifs,
il y a beaucoup a dire la-dessus.

Bruno

Vous avez raison. Les questions historiques sont toujours passionnantes et expliquent bien des choses ultérieures. . . A condition de les cantonner à leur domaine. Je m’explique: un converti à l’évangile proclamé par ce Rabbi dissident (au point d’avoir été exécuté pour blasphème à la demande des orthodoxes de l’époque) est aujourd’hui comme hier un disciple qui a fait « une rencontre personnelle » avec ce maitre. Pas plus que pour les premiers disciples, ça n’a d’importance pour lui qu’il soit né ici où là, à telle date, etc. Ce qui l’intéresse, c’est la découverte grâce à lui d’un Dieu Père aimant. . . Le reste est anecdote. Il me semble que les premiers chrétiens pour ne pas se faire trop remarquer des Romains, profitaient des fêtes de fin d’années dans l’Empire pour en douce en changer le sens et fêter la naissance du Maître né en Israël.
Le changement de statut sous Constantin a fait des persécutés de la veille la religion officielle, ce qui est humainement appréciable, et spirituellement catastrophique. . . la chrétienté d’Occident s’en remet lentement, encore 15 siècles plus tard. Il n’y a semble-t-il rien de pire pour la liberté de conscience qu’une théocratie ou une idéologie totalitaire, l’époque actuelle nous le démontre assez.

Laurence

Hanouka , Noel , le nouvel c’est la fete avec pleins de lumieres de cadeaux pour les petits , de sapins ,c’est le reve pour les petits !!!!!!!!!!!
ils sont heureux !

André

Mouais… Une seule maison du 1er siècle retrouvée à Nazareth et comme par miracle, évidement, il s’agit de celle de Marie et Joseph !
Quant à Flavius Josèphe parlant de Jésus accomplissant des choses « prodigieuses » les exégètes sérieux pensent que ce passage des Antiquités judaïques est très suspect et serait un ajout posthume.