« Il manquait un monument pour eux » : une nouvelle œuvre virtuelle au Mémorial de la Shoah

À l’occasion de la journée nationale en mémoire des victimes de la déportation, le Mémorial de la Shoah à Paris inaugure un nouveau monument. Cette œuvre numérique comble des lacunes en rendant hommage aux juifs de France morts dans les camps d’internement, fusillés et résistants déportés assassinés durant la Seconde Guerre mondiale.

« Sur ce mur sont gravés les noms de près de 76 000 juifs déportés de France entre 1942 et 1944, dans le cadre du plan nazi d’extermination du judaïsme européen, avec la collaboration du gouvernement de Vichy ». En janvier 2005, le président Jacques Chirac et la rescapée du camp d’Auschwitz-Birkenau Simone Veil inauguraient au Mémorial de la Shoah à Paris le Mur des Noms.

Depuis près de vingt ans, ces dalles en pierres de Jérusalem sont devenues un lieu de recueillement pour les familles des juifs déportés, morts sans sépulture. Mais cette longue liste ne représente pas toutes les victimes juives de France. Toutes n’ont pas perdu la vie en raison de la déportation raciale au cours de la Seconde Guerre mondiale.

L'inauguration du Mur des noms par Jacques Chirac et Simone Veil à l'occasion de l'ouverture du Mémorial de la Shoah, le 27 janvier 2005.
L’inauguration du Mur des noms par Jacques Chirac et Simone Veil à l’occasion de l’ouverture du Mémorial de la Shoah, le 27 janvier 2005. Jacques Brinon, AFP

« Depuis l’inauguration du Mur des Noms, nous avons reçu pas mal de remarques nous disant que le Mur était formidable, mais qu’il fallait aussi mentionner les autres. On nous disait qu’il manquait un monument pour eux », explique Karen Taïeb, responsable des Archives du Mémorial de la Shoah.

Ces autres victimes juives de la Shoah sont mortes dans des camps d’internement en France, notamment à Beaune-la-Rolande, Compiègne, Gurs ou encore Drancy. D’autres ont été fusillées comme otages ou tuées sommairement par les nazis et leurs supplétifs. À cela s’ajoute, ceux qui ont été portés disparus ou qui se sont suicidés, ainsi que ceux qui ont été déportés pour des faits de résistance ou qui sont morts dans des combats pour la Libération.

Pour leur rendre un légitime hommage, le Mémorial de la Shoah a dû dans un premier temps recenser ces victimes, comme le décrit Karen Taïeb. « Nous n’avions pas de listes établies pour ces personnes contrairement à celles qui ont fait partie des convois de déportation. En ce qui concerne les camps d’internement, nous avons dû dépouiller les archives départementales pour compléter des listes que Serge Klarsfeld (NDLR : un avocat et historien spécialiste de la Shoah) avait déjà publié. Cela fait deux ans que nous y travaillons ».

Le Mémorial a aussi pu compter sur les demandes formulées par des familles depuis l’inauguration du Mur des Noms : « Nous les avions toutes conservées depuis 2005 en se disant qu’elles nous seraient utiles quand quelque chose allait pouvoir être réalisé ». À ce jour, 4 000 noms d’hommes, de femmes et d’enfants ont ainsi pu être rassemblés.

Un monument virtuel

Ces destins vont donc figurer sur un nouveau monument. Mais contrairement au Mur en pierres qui figure à l’entrée du Mémorial, celui-ci est numérique. Cette œuvre virtuelle se veut évolutive. En 2019, le Mur des Noms avait en effet dû bénéficier d’une importante rénovation. À l’époque, 6 200 corrections avaient été effectuées, 379 noms retirés et 226 noms ajoutés.

Près de 80 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les historiens n’en ont pas fini avec l’identification de toutes les victimes. « On ne pouvait pas se permettre d’avoir un nouveau monument avec des noms gravés car c’est un travail de recherche qui est en cours. Nous consolidons les données et nous les vérifions. Nous cherchons de nouvelles informations. Nous ne sommes pas encore en capacité de dire que nous avons le nom de toutes les personnes qui pourraient trouver leur place sur ce monument », précise la responsable des archives.

Karen Taïeb se penche actuellement plus précisément sur le destin des juifs qui sont morts dans les combats pour la Libération de la France. « C’est la catégorie qui est pour l’instant la moins bien documentée. Ce sont des juifs qui se sont engagés et qui ont perdu la vie. Certains sont passés par exemple des maquis de résistants à la 2e Division blindée de la France libre, mais nous avons peu d’éléments ».  

Des noms et des visages

Sur le nouveau monument virtuel, les visiteurs pourront découvrir sur un écran le nom de ces Juifs qui ont perdu la vie en dehors des convois de la Solution finale, mais aussi certains de leurs visages. « Ces photographies qui s’affichent vont aussi sensibiliser les gens et les inciter à nous apporter de nouvelles informations et de nouveaux documents », souligne Karen Taïeb.

Le visage de Nonnique Tuchklaper, un résistant juif communiste , fusillé par condamnation le 1er octobre 1943 au Mont-Valérien, s'affiche sur le monument virtuel.
Le visage de Nonnique Tuchklaper, un résistant juif communiste, fusillé par condamnation le 1er octobre 1943 au Mont-Valérien, s’affiche sur le monument virtuel. © Mémorial de la Shoah

Cette œuvre, inaugurée le 28 avril à l’occasion de la journée nationale en mémoire des victimes de la déportation, a pris symboliquement place dans la crypte, le saint du saint du Mémorial. « Nous avons choisi cet emplacement parce que nous ne voulions pas en faire un monument de seconde classe », insiste la responsable des archives. « Nous devions trouver un endroit digne. J’espère que les familles de ces victimes vont trouver le respect que nous avons voulu leur donner. Leurs identités étaient dans notre base de données. Ils n’étaient pas oubliés, mais ce n’était pas pareil ».

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