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Le casse-tête des migrants arrive à Bruxelles

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Le 26 janvier, la Commission européenne a annoncé qu’elle pourrait suspendre Schengen pendant deux ans et estime que près des deux tiers des migrants arrivés en Europe en décembre ne devraient pas obtenir le droit d’asile.

Face à la crise des réfugiés, certains pays européens ont réintroduit des contrôles aux frontières au sein de l’espace Schengen, qui englobe 26 États. La Suède, le Danemark, l’Allemagne, l’Autriche et le France ont ainsi instauré des contrôles aux frontières pour six mois. La Norvège, membre de Schengen, mais pas de l’UE, a pris des dispositions similaires. La Pologne pourrait très bientôt lui emboîter le pas.

Le 25 janvier, les ministres de l’Intérieur européens réunis à Amsterdam ont appelé la Commission à allonger la période durant laquelle les pays sont autorisés à suspendre Schengen, et donc à réinstaurer des frontières, en cas de crise.

L’article 26 du Traité de Schengen stipule qu’une telle mesure peut durer jusqu’à deux ans, si la menace à l’ordre public et à la sécurité est jugée suffisamment grave. La Commission devra probablement prendre une décision à ce sujet d’ici le moins de mai.

Le 26 janvier, une représentante de la Commission a déclaré que la situation n’était pas assez sérieuse pour que l’exécutif autorise la prolongation, mais qu’elle cherchait des solutions conformes à l’article 26.

« Nous savons que les flux migratoires ne se tariront pas de sitôt et que les dérèglements climatiques vont même probablement s’intensifier. Si la situation ne s’améliore pas, cela pourrait donc justifier le maintien de contrôles internes aussi longtemps que les frontières externes ne sont pas sécurisées, pour des raisons d’ordre public et de sécurité », explique Natasha Bertaud, porte-parole de la Commission.

Migrants économiques

Frans Timmermans, vice-président de la Commission et bras droit de Jean-Claude Juncker, a quant à lui abordé la question des migrants économiques lors d’un entretien avec un journal néerlandais. Selon Natasha Bertaud, qui a fait un compte-rendu de l’entretien, les chiffres cités par le vice-président proviennent de l’agence Frontex et n’ont pas encore été rendus publics.

« [Les chiffres] indiquent qu’en décembre, le nombre d’arrivants qui ne remplissent pas les conditions nécessaires à l’obtention du droit d’asile est beaucoup plus élevé que pour le reste de 2015 », a-t-elle dévoilé.

Ces migrants économiques représenteraient « environ 60 % » du nombre total des arrivants en décembre. Il semblerait cependant que ce chiffre soit à nouveau moins élevé pour le mois de janvier.

Frans Timmermans s’est servi de ce chiffre pour souligner que l’UE avait besoin d’une politique de retour efficace et harmonisée. « Ce que le premier vice-président, Frans Timmermans, essayait de dire, c’est que nous devons nous concentrer sur les politiques de retour. La sympathie des citoyens à l’égard des demandeurs d’asile sera affaiblie si les personnes qui n’ont pas droit à une protection internationale sont également autorisés à rester en Europe », ajoute la porte-parole.

« Nous sommes bien décidés à faire ce qu’il faut pour assurer une différenciation claire entre ceux qui doivent être protégés conformément au droit international et les migrants économiques, qui se servent de la situation pour entrer en Europe et doivent être renvoyés vers leur pays d’origine », a pour sa part annoncé Margaritis Schinas, porte-parole en chef de la Commission.

Le système pensé par l’UE, qui inclut notamment des « hotspots » pour l’enregistrement des demandes d’asile, les centres de relocalisation pour les réfugiés et la réinstallation, ne fonctionne pas.

Lors de la réunion à Amsterdam, deux représentants grecs ont expliqué qu’ils essayaient, en vain, de renvoyer des migrants vers le Maroc et le Pakistan.

L’exécutif admet que le retour des migrants économiques pose souvent problème. Malgré l’accord de réadmission entre l’UE le Pakistan, la Grèce ne parvient pas à organiser le retour des Pakistanais depuis l’année dernière. L’accord de réadmission avec le Maroc est quant à lui en cours de négociation.

« Nous rencontrons toujours des difficultés pratiques pour la réadmission », a confirmé Natasha Bertaud. « Pour l’instant, la Commission se penche sur des mesures d’incitation, positives et négatives, pour s’assurer que les accords sont respectés. »

Le 25 janvier, un Pakistanais est mort poignardé à la frontière gréco-macédonienne. L’incident s’est déroulé dans le no-man’s-land de la frontière, où des milliers de migrants de nationalités diverses se rassemblent tous les jours en espérant atteindre leurs destinations européennes. La police locale indique que deux autres Pakistanais auraient été blessés le lendemain matin pas des Afghans.

Après la réunion à Amsterdam, Dimitris Avramopoulos, le commissaire à la migration, a indiqué que les États membres devaient accepter la responsabilité partielle de ces échecs, notamment en ce qui concerne la relocalisation des migrants.

« Nous nous retrouvons avec davantage de contrôle aux frontières internes, des procédures législatives discutables vis-à-vis des demandeurs d’asile et des réfugiés, moins de solidarité, moins de responsabilité et plus de décisions individuelles et non-coordonnées », regrette-t-il. « Je vais être très franc, cette années n’a pas bien commencé. Je ne suis pas optimiste, mais je ne suis pas défaitiste, et la Commission non plus. »

Le Premier ministre slovaque, Robert Fico, n’est pas de cet avis. « J’ai l’impression que l’UE est en train de commettre un suicide rituel et nous fermons les yeux », a-t-il déclaré le 26 janvier.

Le même jour, le parlement danois approuvait une loi stipulant que les migrants possédant des biens de grande valeur devront s’en défaire, afin de compenser le coût de leur prise en charge. Le pays scandinave n’est pas le seul à priver les réfugiés de leurs possessions.

La Suisse a également commencé à confisquer les objets valant plus de 1 000 francs suisses (environ 900 euros), l’État allemand du Bade-Württemberg fait de même pour les objets de plus de 350 euros. Cette pratique serait également mise en place dans d’autres États du sud.

Les États européens commencent à fermer leurs portes aux migrants. La Suède, qui a accueilli plus de 160 000 réfugiés l’an dernier, le taux le plus élevé par habitant dans l’UE, a récemment réinstauré des contrôles à ses frontières avec le Danemark, une mesure effet boule de neige, puisqu’elle a ensuite été copiée par le Danemark.

Le 25 janvier, le Premier ministre suédois, Stefan Lofven, a promis plus de moyens à la police après qu’un employé de 22 ans a été poignardé à mort dans un centre pour mineurs non-accompagnés.

Pour Joseph Daul, président du Parti populaire européen, les États qui ne parviennent pas à réduire l’immigration devraient être temporairement exclus de Schengen.

Selon la rhétorique de l’extension des contrôles aux frontières internes ou l’idée d’un mini-Schengen, la Grèce, point d’entrée en Europe d’environ 80 % des migrants, pourrait se trouver de fait hors de Schengen. La Commission a pourtant affirmé hier qu’elle n’envisageait pas un tel système.

« Si nous ne parvenons pas à sécuriser les frontières externes de l’UE, la frontière gréco-turque en particulier, la frontière externe se déplacera vers le centre de l’Europe », a averti Johanna Mikl-Leitner, ministre de l’Intérieur autrichienne, qui avait déjà menacé la Grèce d’une exclusion temporaire de Schengen la semaine dernière.

Alors que le débat sur l’immigration fait rage, le Premier ministre du Kosovo est attendu le 27 janvier à Bruxelles pour discuter d’un accord d’association avec l’UE. Selon certaines rumeurs, démenties par la Commission, il envisagerait de ne pas venir, parce que l’UE refuse toujours de libéraliser les visas pour les Kosovars.

Le nombre d’arrivées ne faiblit pas

Après les 45 morts de ce week-end, cinq migrants ont trouvé la mort le 26 janvier quand leur embarcation a coulé en mer Égée. 16 autres personnes ont été secourues par bateau et par hélicoptère par les garde-côtes turcs. Les migrants étaient partis de Didim, en Turquie, et faisaient probablement route vers l’île grecque de Farmakonisi.

Au moins 2,2 millions de réfugiés fuyant la guerre civile en Syrie se sont installés en Turquie. Le pays est devenu une plaque tournante pour les réfugiés qui tentent d’atteindre l’Europe et payent souvent des milliers de dollars aux passeurs pour la traversée.

En novembre, Ankara a conclu un accord avec l’UE, promettant de réduire le flot de réfugiés en échange d’une aide de 3 milliards d’euros pour gérer la crise de l’immigration. Les bateaux qui arrivent tous les jours sur les îles grecques sont toujours là, malgré l’hiver.

L’Organisation internationale pour les migrations estime que 45 361 migrants sont arrivés en Grèce par la mer entre le 1er et le 26 janvier, soit 31 fois plus que pour tout le mois de janvier 2015.

Près de 90 % d’entre eux sont originaires de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan. L’organisation a enregistré 158 décès dans l’est et 19 dans le centre de la Méditerranée depuis le début de l’année.

CONTEXTE

Au grand dam de la Hongrie et d’autres anciennes républiques soviétiques, qui se sont opposées au plan, l’Union européenne a décidé de répartir 120 000 réfugiés parmi ses États membres. Cela ne représente qu’une petit portion des 700 000 réfugiés qui, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), devraient atteindre les frontières de l’Europe cette année, en provenance d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient.

L’UE courtise également la Turquie avec des promesses d’argent, d’exemption de visa et de nouveaux chapitres dans les négociations d’adhésion pour qu’Ankara essaye de juguler l’afflux de réfugiés sur son territoire.

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