Antisémitisme : 9 étudiants juifs sur 10 en ont été victimes à l’université

INFO LE PARISIEN. Stéréotype, blague douteuse, agression… L’enquête de l’Ifop pour l’Union des étudiants juifs de France, que dévoile notre journal, est le dernier signe en date d’une dérive inquiétante, désormais presque banalisée.

Avez-vous déjà entendu parler des dragons célestes ? Si vous êtes fan du manga « One Piece », assurément. Dans la saga japonaise, ces créatures caricaturales (aussi riches que radines, avides de tous les pouvoirs, etc.) ont mis le monde sous leur coupe. Il n’a pas fallu longtemps aux cracheurs de haine pour adopter cette odieuse caste sur les réseaux sociaux : les dragons servent d’alias pour désigner (sans les nommer) les juifs, en vertu des clichés éculés qui leur collent à la peau. Du virtuel au réel, il n’y a qu’un pas. Et, c’est sous forme de petites blagues – « rien de méchant hein ! » – qu’on les retrouve désormais dans les campus ou sur les forums étudiants, derniers avatars d’un antisémitisme qui trouve toujours de nouvelles formes pour prospérer.

L’enseignement supérieur n’échappe pas au fléau, simultanément éternel et si contemporain, comme le révèle une enquête de l’Ifop, commandée par l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), dévoilée en exclusivité par le Parisien : neuf étudiants juifs sur dix (91 %) disent avoir été victimes d’au moins un acte antisémite durant leurs études (sur le campus, en cours, en soirée…).

Le plus souvent, ces « actes » prennent la forme d’un stéréotype lâché l’air de rien ou d’une blague qui se voudrait « potache », quand bien même, elle concernerait la Shoah. Les injures sont heureusement moins fréquentes, et les agressions (7 % quand même) bien plus rares.

 

Dans la France des années 2020, ces chiffres donnent le haut-le-cœur, mais sont-ils surprenants ? En 2019, la même enquête avait été commandée, avec peu ou prou les mêmes résultats. « Il y a depuis quelques années une constante très inquiétante, relève Samuel Lejoyeux, président de l’UEJF. La haine d’Israël, à laquelle les juifs de France sont trop souvent automatiquement associés, est sans doute le plus puissant moteur de l’antisémitisme aujourd’hui. »

Un simple tag – « Vive la Palestine, 39-45 le retour » –, gravé en juin sur un mur de Paris 8 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), illustre selon lui ce lien. « Les discours faisant des juifs de France des ambassadeurs de la politique du gouvernement israélien est absurde, mais cette vieille rhétorique de la double allégeance imprègne les esprits, et nous expose. »

« Un bruit de fond entretenu par des stéréotypes venus de toutes parts »

Dans l’enquête Ifop, 77 % des étudiants de confession ou de culture juive estiment que l’antisémitisme est « répandu ». Loin devant toutes les autres formes de discrimination : racisme, sexisme, homophobie. Les autres ? C’est le contraire, comme si les ressentis s’inversaient : 28 % des étudiants pris dans leur ensemble le jugent répandu, loin derrière le sexisme (63 %).

« Je constate une fois encore que l’antisémitisme, ça n’imprime pas, comme si les juifs étaient forcément des privilégiés, du bon côté du manche. Dans certains logiciels de pensée, nous ne pouvons pas être victimes aujourd’hui, c’est un caprice bourgeois », déplore Samuel Lejoyeux.

Aucune affaire retentissante n’est venue défrayer la chronique ces derniers mois. Tags, insultes, profs qui dérapent… voilà pour le lot habituel, mais dans quelle proportion ? Impossible de savoir. Contrairement au monde de l’école où tout remonte Rue de Grenelle, l’enseignement supérieur brille par son éparpillement, ce qui n’aide pas à combattre le problème.

« L’antisémitisme est revenu à son niveau d’il y a dix-quinze ans, très clairement. Il est présent à l’université comme ailleurs, ni plus ni moins. Il y a peu d’incidents graves heureusement, mais un bruit de fond entretenu par des stéréotypes venus de toutes parts. Que le couple Soral-Dieudonné, chacun dans son registre, a contribué à rediffuser auprès de la jeunesse », analyse Marie-Anne Matard-Bonucci, responsable à Paris 8 (Saint-Denis) d’un diplôme universitaire unique en France de formation à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

Ces poncifs, vous les connaissez. Les juifs seraient très unis pour la moitié des étudiants sondés, plus riches que la moyenne pour 24 %, ils auraient trop de pouvoir dans la finance, dans les médias (18 % chacun) ou la politique (15 %)… N’en jetez plus ! « On peut se consoler en se disant que ça n’a pas augmenté depuis notre enquête d’il y a quatre ans », constate Frédéric Dabi, directeur adjoint de l’Ifop. Oui, on se console comme on peut.

Enquête réalisée en ligne entre juin et septembre auprès d’un échantillon de 802 personnes, représentatif de la population étudiante française, et de 237 étudiants de confession ou de culture juive.

Par Charles de Saint Sauveur 

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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