Accueil International Vu d’Israël. Pourquoi l’armée turque s’est-elle révoltée ?

Vu d’Israël. Pourquoi l’armée turque s’est-elle révoltée ?

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Pour cet éditorialiste israélien, les militaires qui ont tenté de renverser le régime turc n’ont pas digéré la politique de répression systématique contre les Kurdes et la bienveillance dont a pu bénéficier l’Etat islamique.

Comment les différents services de renseignements turcs n’ont-ils pas eu vent des préparatifs d’un coup d’État ? Même si le Premier ministre Binali Yildirim a raison de dire que seule une partie de l’armée s’est mutinée contre le gouvernement et même si les faits semblent lui donner raison quand il accuse les putschistes d’être des partisans du dirigeant islamiste en exil Fethullah Gülen à la tête d’un mouvement puissant en Turquie, Hizmet – présent dans les médias, les écoles, les entreprises, la justice et la police –, le prédicateur a démenti toute implication, l’armée turque vient tout de même de prouver qu’il existait en son sein des forces en mesure de projeter, planifier et exécuter un coup d’État en allant jusqu’à s’appuyer sur les forces aériennes et terrestres, le tout dans le secret le plus absolu.  

Tous les détails ne sont pas encore connus. Mais une chose est claire. En 2010, le président Recep Tayyip Erdoğan a mis en œuvre une vaste réforme des institutions militaires, procédé à des purges radicales dans la foulée du démantèlement des réseaux Ergenekon [islamiste et ultranationaliste, 2006] et Balyoz (Coup de Massue) [ultra-républicain et laïc, 2003], lorsque plusieurs centaines de dirigeants politiques, de journalistes et d’intellectuels ont été accusés et condamnés pour leur participation supposée à des projets de coups d’État.

Cette remise au pas de l’armée par l’AKP n’a manifestement pas dissuadé des unités militaires de tenter de renverser le régime. Erdoğan est peut-être paranoïaque mais, comme dit le proverbe, même les paranoïaques ont de véritables ennemis.  

Deux désaccords majeurs

L’ armée turque est considérée comme globalement fidèle à Erdoğan, mais un désaccord profond divise les responsables militaires quant à la politique menée par le président turc sur deux questions centrales : la guerre contre les Kurdes de Turquie et l’implication dans la guerre de Syrie.

Une partie de l’état-major estime que le processus de pacification avec l’opposition armée kurde doit être relancé et qu’une solution militaire à la question kurde est impossible, tandis qu’une autre partie de l’armée pense que les Kurdes doivent être réprimés avec une main plus lourde et que la solution ne peut être que militaire.  

En ce qui concerne la Syrie, des secteurs de l’armée – en particulier au sein des Renseignements militaires – ont prêté (avec l’assentiment d’Erdoğan) assistance à l’EI pendant un certain temps, tandis que d’autres responsables des services d’espionnage considéraient que tout appui – direct ou indirect – à la machine de guerre de Daech aurait pour conséquence à terme d’importer le conflit syrien sur le territoire turc. Ces opposants ont été confortés dans leur appréhension du conflit lorsque des attentats terroristes de masse ont causé la mort plus de 250 citoyens turcs rien qu’en 2016.

Pour Erdoğan et son Premier ministre Yildirim, il est tentant d’accuser les partisans de l’imam turc exilé Fethullah Gülen d’être derrière le putsch. Mais si l’AKP parvient à se maintenir au pouvoir, il n’aura pas d’autre choix que de résoudre les divergences au sein de l’armée et de prêter l’oreille aux exigences d’une institution qui entend récupérer une partie de son autonomie perdue.  

Apparemment, les responsables du coup d’État pensent qu’une majorité de Turcs les soutient, en dépit du fait que, lors des dernières élections législatives de novembre 2015, le Parti de la Justice et du Développement de Recep Tayyip Erdoğan a encore obtenu plus de 40 % des suffrages.

Le putsch ? Une tradition turque

Cette conviction des putschistes est d’autant plus forte qu’il existe une “tradition turque” en vertu de laquelle, lorsqu’elle réussit ses putschs, l’armée n’exerce que temporairement le pouvoir politique. Ainsi, après les coups d’État de 1960, 1971 et 1980, l’armée a chaque fois négocié la rétrocession du pouvoir à un gouvernement civil via l’organisation d’élections législatives.

À ce stade, nul ne connaît le poids des putschistes au sein de l’armée et l’état d’esprit de cette dernière. Quoi qu’il en soit, si Erdoğan reste au pouvoir, il fera tout pour tirer profit de ces événements dramatiques et convoquer des élections législatives anticipées. Dans pareil scénario, le président obtiendrait peut-être enfin la majorité parlementaire dont il a besoin pour imposer une réforme de la Constitution lui attribuant des pouvoirs supplémentaires, en particulier sur l’armée.

ZVI BAREL – Haaretz – Courrier international

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Shimon

Mouais… encore rien compris !

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