Notre hommage au rabbin Rachi

En ces temps troublés, rendons hommage au rabbin Rachi, qui, au XI e siècle, fut l’un des premiers sages à utiliser notre langue, quand les lettrés chrétiens de l’époque s’en tenaient au latin.

À l’invitation du grand rabbin de France, Haïm Korsia, j’ai été convié à prendre la parole devant les jeunes élèves du Séminaire israélite de France, dit aussi Ecole centrale rabbinique, sis non loin de la Sorbonne et de l’Ecole normale supérieure, ce qui fait beaucoup d’écoles sur une même colline. Cette vénérable institution a été créée en 1829 par le roi Charles X et son ministre Polignac. D’abord installée à Metz, elle fut transférée à Paris en 1859 par un décret impérial au paraphe de l’impératrice Eugénie. Si l’on ne sache pas que rabbi Jacob y ait étudié, les plus éminents ministres du culte israélite y furent formés, bénéficiant parfois du concours de professeurs aussi illustres qu’Emmanuel Levinas.

Outre le rabbin Korsia, étaient présents son quasi-homonyme, Elie Korchia, avocat de son état et président du Consistoire central israélite de France, ainsi que Carole Grandjean, la ministre de l’Enseignement et de la Formation professionnels. En tant que goy volatile, je n’avais guère de titres à m’adresser à ces jeunes étudiants dont les âges s’étagent entre 19 et 25 ans, d’autant qu’ils vont rapidement croître en autorité et en sagesse. Ils ont toutefois eu la bienveillance de m’accorder leur attention, tandis que le rabbin Korsia m’offrait une kippa brodée de rameaux académiques.

Il m’importait surtout, en cette saison troublée, de leur dire la dette d’un homme de mots à l’égard d’une pensée du verbe. On a récemment célébré, à l’occasion de l’ouverture de la Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts, l’ordonnance que le roi François Ier y signa en 1539 aux fins de remplacer le latin par le français pour la rédaction des actes officiels du royaume. C’est l’un des gestes fondateurs de l’unification linguistique nationale.

Mais sait-on assez que le grand monarque de la Renaissance avait été précédé dans ce mouvement, des siècles auparavant, par un rabbin de légende ? Nous parlons ici de Rachi, dit aussi rabbi Salomon, fils d’Isaac le Français, né à Troyes en 1040 et mort dans la même ville en 1105. Érudit commentateur de la Bible hébraïque et du Talmud de Babylone, par ailleurs établi comme vigneron, Rachi fut l’un des premiers sages à utiliser notre langue quand les lettrés chrétiens de l’époque s’en tenaient au latin.

Praticien du français tel qu’on le parlait alors en Champagne, il en traduisait phonétiquement les vocables en caractères hébraïques, ce qui fournit une archive unique sur la prononciation et les intonations de notre idiome ancien. Ceux de nos compatriotes qui se parfument avec les racines d’une identité immémoriale devraient se souvenir de ce que nous devons à ce rabbin qui, bien avant Ronsard et Chateaubriand, prisait la saveur de la langue et la volupté des vins de France. Levons donc notre hanap en l’honneur du gouleyant Rachi, contemporain des Capétiens et maître religieux du verbe national.

JForum.fr avec www.lesechos.fr Marc Lambron

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“Rachi le glosait, de Troyes.. De vieux mots français…”

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o.icaros

Oui et alors? Tout ça pour dire quoi? Tous les lettrés d’Europe écrivaient en latin. Dans quelle langue Galilée et Kepler s’écrivaient-ils? L’un en italien et l’autre en allemand? Le latin leur permettait de se comprendre et de lire les publications des autres savants à une époque où la traduction n’existait pas. Si Rachi faisait des commentaires du Talmud de Babylone en françois champenois, il se condamnait à ne pas être lu en dehors de sa bonne ville de Troie. En Lituanie et en Pologne, les juifs connaissaient-ils le françois? Probablement pas. Alors, le champenois, encore moins.