Arabie Saoudite : 47 exécutions dont celle d’un important dignitaire religieux

Manifestation fin 2014 pour demander la libération d'une figure de l'opposition saoudienne,  le dignitaire chiite Nimr Baqer al-Nimr. Ce dernier fait partie des 47 personnes exécutées par le régime.  
Manifestation fin 2014 pour demander la libération d’une figure de l’opposition saoudienne, le dignitaire chiite Nimr Baqer al-Nimr. Ce dernier fait partie des 47 personnes exécutées par le régime.   (AFP/Mohammed Huwais.)

L’Arabie Saoudite a exécuté samedi 47 personnes condamnées pour terrorisme. Parmi elles, une figure de l’opposition au régime : le dignitaire chiite Nimr Baqer al-Nimr. Ces exécutions, annoncées par le ministère de l’Intérieur saoudien, suscitent notamment la colère de l’Iran.

Nimr Baqer al-Nimr, 56 ans, était devenu la bête noire du régime. Il a été l’un des principaux animateurs des manifestations pacifiques survenues dans la région de Qatif, dans l’est du pays où vit l’essentiel de la minorité chiite. Cette communauté se plaint d’être marginalisée dans ce royaume majoritairement sunnite. Arrêté et emprisonné en 2012, le cheikh avait été notamment condamné pour «désobéissance au souverain» et «port d’armes» par un tribunal de Ryad, spécialisé dans les affaires de terrorisme.

Il était l’oncle du jeune saoudien Ali al-Nimr arrêté à 17 ans lui aussi en 2012 pour avoir manifesté contre les autorités. Celui-ci ne figure pas parmi les personnes exécutées. La France était montée au créneau l’année dernière pour empêcher son exécution de même que l’organisation de défense des droits de l’Homme Amnesty International.

La situation d’Ali al-Nimr est «très dangereuse. Le sabre reste suspendu au-dessus de son cou, à moins qu’il ne soit rendu à sa famille», a déclaré Mohammed al-Nimr, son père et le frère du religieux. Il a dit avoir été «surpris» par l’annonce de l’exécution de cheikh Nimr. Il a mis en garde contre une poussée de «colère des jeunes». «Il y aura des réactions négatives à l’intérieur du royaume et à l’étranger mais nous espérons qu’elles seront pacifiques», a-t-il ajouté.

Les «sérieuses inquiétudes» de l’UE
L’exécution du cheikh Nimr al-Nimr «soulève de sérieuses inquiétudes sur la liberté d’expression et le respect des droits civils et politiques de base, qui doivent être préservés dans tous les cas, y compris dans le cadre de la lutte contre le terrorisme», a déclaré la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini. «Ce cas a le potentiel d’enflammer un peu plus les tensions sectaires qui font déjà beaucoup de dégâts dans la région, avec des conséquences dangereuses», estime-t-elle. Rappelant sa «forte opposition» à la peine de mort, l’UE appelle l’Arabie Saoudite à «promouvoir la réconciliation entre les différentes communautés» qui la composent et demande à toutes les parties de faire preuve de «retenue et de responsabilité».

Ryad paiera «un prix élevé» pour ces exécutions, prévient l’Iran

L’Iran, puissance chiite dont les relations sont tendues avec l’Arabie saoudite, a mis en garde à plusieurs reprises Ryad contre l’exécution du dignitaire chiite. Ce samedi, le ministre des Affaires étrangères iranien a prévenu que l’Arabie Saoudite paierait «un prix élevé» pour cette mort. « Le gouvernement saoudien soutient d’un côté les mouvements terroristes et extrémistes et dans le même temps utilise le langage de la répression et la peine de mort contre ses opposants intérieurs (…) il paiera un prix élevé pour ces politiques», a déclaré le  Hossein Jaber Ansari. «L’exécution d’une personnalité comme cheikh al-Nimr qui ne faisait que poursuivre des buts politiques et religieux montre uniquement le manque de sagesse et l’irresponsabilité» du gouvernement saoudien, a-t-il ajouté.

De son côté, la branche estudiantine de la milice Bassidji, qui dépend des Gardiens de la révolution, l’unité d’élite des forces armées iraniennes, a appelé à une manifestation dimanche après-midi devant l’ambassade d’Arabie saoudite à Téhéran.

Parmi les personnes exécutées figurent aussi des sunnites condamnés pour leur implication dans des attentats meurtriers revendiqués par le groupe jihadiste Al-Qaïda en 2003 et 2004, ainsi qu’un Egyptien et un Tchadien. Elles ont été exécutés au sabre ou par balles, dans douze villes du royaume.

La liste inclut le nom de Fares al-Shuwail que des médias saoudiens ont présenté comme étant un leader religieux d’Al-Qaïda en Arabie saoudite, arrêté en août 2004. En 2011, les autorités saoudiennes avaient mis en place des tribunaux spéciaux pour juger des dizaines de Saoudiens et d’étrangers accusés d’appartenir à Al-Qaïda et d’avoir participé à une vague d’attentats sanglants (plus de 150 morts) dans le royaume entre 2003 et 2006. C’est l’actuel prince héritier Mohammed ben Nayef qui avait supervisé la répression contre Al-Qaïda et il avait lui-même réchappé à un attentat.

Le 1er décembre, la branche d’Al-Qaïda au Yémen avait menacé de faire «couler le sang» si les autorités saoudiennes décidaient de mettre à mort des jihadistes détenus en Arabie. «Nous entendons parler d’exécutions que le gouvernement des Al-Saoud a l’intention de pratiquer contre des frères moudjahidine actuellement détenus. Nous faisons le serment de sacrifier notre propre sang pour sauver le leur», avait affirmé Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (Aqpa).

Fin novembre 2015, Amnesty International s’était inquiété de l’imminence de l’exécution d’une cinquantaine de prisonniers «condamnés lors de procès iniques».  Il s’agit des premières en 2016 dans ce royaume ultra-conservateur. En 2015, 153 personnes ont été tuées dans les mêmes conditions, selon un décompte de l’AFP.

R.L. et M.-L.W. | | MAJ :

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