Les faux messies dans le monde juif: Shabbetai Tzvi (7)

Caroline Elisheva  Rebouh le 11.05.2020 32e jour du Ômer

AVERTISSEMENT: Il ne s’agit ici que d’un résumé de l’histoire de Shabbetai Tzvi car pour une biographie il eût fallu plus de 4 feuillets !

IZMIR – Turquie du XVIIème siècle. De nombreux Juifs échappés d’Espagne en 1492 par le tribunal de l’Inquisition et tous les arrêtés signés par Torquemada et avalisés par Isabelle la très Catholique et son époux Ferdinand d’Aragon interdisant aux Juifs de professer leur foi sur le territoire de la Péninsule ibérique regagnèrent d’autres pays plus amènes, plus tolérants.

C’est ainsi que furent fondées de nouvelles communautés vers le Sud de l’Espagne au Portugal, en Afrique du Nord, en Cyrénaïque, en Egypte et, les Juifs s’égayèrent encore en Turquie, en Grèce, en Yougoslavie…

D’autres s’enfuirent vers la France, l’Italie, et vers le Nord de l’Europe jusqu’en Biélorussie (d’aujourd’hui) fondant des communautés « sefardes », d’autres cherchèrent refuge en Angleterre.

C’est ainsi que les Juifs espagnols (sefaradim) trouvèrent asile en Turquie et ils y fondèrent des communautés florissantes à Smyrne/Izmir, Istanbul/Constantinople, à Andropole.

A Izmir se trouvait une famille Tzvi qui vivait du commerce de volailles ce qui rapportait de quoi faire subsister honorablement toute la maisonnée. C’est donc en 1626 que Shabbetaï Tzvi naquit à Izmir en Turquie. Il naquit un shabbat et c’est ainsi qu’il fut prénommé Shabetaï conformément à la tradition de qui naît un shabbat !

Mordékhay Tzvi, le père, après s’être enrichi dans le commerce de volailles entretint aussi des relations commerciales avec des négociants européens dont il devint le concessionnaire.

Doué d’une intelligence supérieure à la moyenne, le jeune Shabbetaï trouva un créneau valable en étudiant les textes sacrés comme il était d’usage au Talmud-Torah et il fut désigné comme « hakham » par son maître Rabbi Yossef Escapa qui était aussi cabaliste renommé.

D’après le calendrier hébraïque il vit le jour un 9 beav c’est sans doute ce qui lui fit croire qu’il avait, grâce à sa date de naissance, des prédispositions messianiques étant donné que la Tradition enseigne que le Messie naîtra le jour de tish’â beav !!! Sans doute, aussi, fut-il « poussé » dans cette voie par Nathan de Gaza (Nathan Ha’Azati).

Nathan de Gaza affirmant à Sabbetaï Tzvi qu’il est LE Mashiah, Shabbetaï entreprend des voyages autour du monde et, ennoblit ses frères et amis pour en faire des rois ou des personnes investies dans le droit public….

Durant cette période, Shabbetaï entreprit de réformer la religion en supprimant certains usages et préférant en ajouter d’autres !

Dans le domaine de sa vie privée ou plutôt intime, des échos divers ont couru : selon les uns, il aurait vécu un attentat à sa pudeur et en sortit avec une blessure physique importante ce qui le poursuivit toute sa vie durant de manière irrémédiable tant physiquement que psychologiquement.

Selon d’autres sources, il épousa étant jeune une femme avec laquelle la vie ne fut pas simple : loin de là…. ce qui ne lui permit pas de poursuivre une vie conjugale harmonieuse.

Cependant que certains ont déduit du fait qu’il ne s’était pas approché du tout des épousées que cet état de choses devait se placer dans le fait qu’il était d’un niveau spirituel tel que le mariage ne lui convenait pas, d’autant plus qu’il passait beaucoup de temps à s’isoler et à se mortifier.

Il n’adhéra pas aux enseignements des Cabbalistes en renom que tous les cabalistes de l’époque suivaient à savoir: Rabbi Moshé Cordovéro (le Ramak) et le Ari zal, il se contentait de suivre sa propre doctrine qui consista en permettant des interdits et en rédigeant de nouveaux décrets désirant opérer une « correction » ou un amendement du monde avant que ne se dévoile le Messie.

Il poussa jusqu’à soutenir qu’il existait deux divinités distinctes !! C’est sur ce point entre autres qu’il est incompréhensible qu’il ait été suivi par des « partisans » et que le public n’ait pas saisi qu’ils avaient affaire à un esprit perturbé !!!

Shabbetaï Tzvi jouit d’une notoriété particulière sur tous les autres faux-messies qui se distinguèrent au long de l’histoire juive.

Ses adeptes créèrent un mouvement de sabbatéens qui persista jusqu’au XVIII ème siècle… et certains prétendent que des sabbatéens existent encore aujourd’hui !!!

Shabbetaï Tzvi partageait déjà depuis son adolescence une certaine attirance pour tout ce qui pouvait être mystique et enseignement de la Cabbale…

Les Ottomans l’arrêtèrent en 1666, en s’appuyant sur les accusations du cabaliste Néhémia HaCohen.

Les autorités ottomanes lui signifièrent qu’il ne lui restait guère plus de choix si ce n’est de se convertir à l’Islam ou de mourir…..

Il choisit de se convertir et, en devenant musulman et en changeant son nom de ShabbetaI Tsvi en Aziz Mohamad il reçut le titre d’Efendi.

A la suite de ces événements, une partie de ses émules se convertirent aussi à l’Islam ce qui marqua négativement la communauté juive au sein de laquelle se trouvaient des rescapés des pogroms sanglants qui eurent lieu en Europe centrale dans les années 1648 au cours desquels furent assassinés plus de 100,000 Juifs.

Ces Juifs arrivés d’Europe furent catastrophés par la conversion à l’Islam de celui qu’ils considéraient comme leur leader.

Dans de nombreuses communautés en Turquie, en Italie, en Pologne, les études de cabale furent suspendues pendant un temps car, l’on ne pouvait s’empêcher de penser que des études mystiques trop poussées pouvaient conduire des personnes trop faibles spirituellement parlant ou des personnes mal guidées à adopter des conduites peu adéquates. Est-il nécessaire de préciser que sa conduite amena les rabbins d’Izmir « d’ignorer » Shabbetaï Tzvi.

Ainsi, un jour décida-t-il, entouré de ses adeptes, de se rendre sur les hauteurs de la ville afin « d’arrêter le soleil » comme Josué l’a fait dans le récit biblique (Josué X versets 12 à 14).

Ce fut la goutte de trop pour les rabbins d’Izmir – le Rav Escapa et le Rav Lafefa- qui poursuivirent Tzvi afin d’obtenir de lui qu’il quittât la ville cette opération commencée en 1651 se termina en 1654.

Il tenta alors de s’approcher de la communauté de Salonique où l’attendaient des adeptes, il était coutumier d’organiser des cérémonies mémorables comme le jour où il organisa son mariage et la fiancée n’était autre qu’un sefer Torah !!! Ceci déclencha un grand scandale au sein de la communauté.

Après ceci il ne resta plus qu’à Shabetaï de s’excuser platement en prétextant que chacun des hommes du peuple juif était censé se considérer comme le fiancé de la Torah. Néanmoins il fut contraint de quitter la ville. Il alla de ville en ville en Grèce mais ne put s’installer dans aucune.

Il retourna en Turquie, à Coushta (Constantinople) en 1658 et des centaines d’adeptes l’y attendaient. Un jour il se promena dans les rues de Coushta avec un landau dans lequel était couché un… gros poisson !…A qui demandait des explications il s’appuya sur des motifs cabalistiques.

Un peu plus tard, c’est dans une soucca qu’il dressa le seder de Pessah et… la nuit d’études de Shavouoth !!! Etant donné qu’il avait annulé des interdits et qu’il avait formulé d’autres interdictions, il avait créé une nouvelle berakha : « Loué est celui qui permet les interdits » (baroukh matir assourim) en se basant sur un ancien midrash d’après les termes duquel au temps du Mashiah tout ce qui fut interdit sera permis…. Il fut contraint de quitter Coushta….

Il se rendit en Egypte. Un jour, il entendit parler d’une femme résidant à Livourne qui clamait avoir été désignée pour être l’épouse du Messie … il la fit venir vers lui en Egypte là encore des bruits bizarres coururent sur la « légèreté » de la personne…

Il prit alors la route vers Jérusalem où il poursuivit ses habitudes de se mortifier et d’étudier la Cabale. Il obtint une grande considération et fut désigné comme « envoyé » vers l’Egypte puisqu’il avait dit qu’il était un grand ami d’un célèbre juif riche Rephaël Yossef. La réussite de sa mission fut grande puisqu’il parut avoir rassemblé une fort jolie somme (fin 1664).

Pendant ce temps un homme jeune mais cabbaliste confirmé malgré son jeune âge, Abraham Nathan ben Elishâ Hayim HaLévy, s’était installé à Gaza et y étudiait très sérieusement et très profondément la cabale d’après le Arizal.

Il confia qu’un jour il eut une vision à propos de Shabbetaï Tzvi et qu’on lui indiqua qu’il était le Mashiah ! Il fallut peu de temps pour que la rumeur selon laquelle Nathan de Gaza était prophète. En 1665, Shabbetaï, encore en Egypte, entendit la rumeur.

La rencontre entre les deux personnages fut inévitable et les avatars se multiplièrent. Le personnage de Nathan de Gaza mérite une étude particulière qui sera présentée un peu plus tard.

De ville en ville, Shabbetaï Tzvi se retrouva à Coushta. La vie de Shabbetaï Tzvi fut jalonnée de scandales jusqu’à a fin pratiquement puisque, lors de son retour à Coushta, il épousa une jeune fille qui était, pour sa part, déjà fiancée à quelqu’un d’autre et elle aurait donné un fils à son époux !!!

Les autorités locales surent le prendre en défaut bien qu’il usait de beaucoup de prudence se conduisant à l’extérieur comme un bon musulman et, comme un bon juif sitôt qu’il se sentait à l’abri. il priait dans une synagogue lorsqu’il fut pris en défaut.

Arrêté et condamné à mort, en 1672, il fut extradé vers l’Albanie (aujourd’hui Monténégro) en 1673. Il y mourut en 1676 à l’âge de 50 ans !!

Caroline Elishéva REBOUH

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