Pourquoi une réunion extraordinaire du Conseil de coopération des Pays du Golfe avec Hollande comme invité d’honneur?

Déchiffrer un Orient « Compliqué »

Crée le 25 mai 1981, le Conseil de Coopération des pays du Golfe (CCG) regroupe les monarchies pétrolières des Emirats Arabes Unis, du Qatar, d’Arabie Saoudite, de Bahreïn, du sultanat d’Oman et du Koweït. Ce petit club très fermé a depuis toujours laissé à la porte, et parfois par le trou de la serrure, le Yémen voisin, lui confèrent difficilement le statut d’observateur (ce qui est important pour comprendre la situation aujourd’hui).

Initialement inspiré par une nécessité certes d’organisation régionale mais surtout comme une force militaire et stratégique contre son voisin et ennemi héréditaire l’Iran, le CCG est doté d’une population d’environ 50 millions d ‘habitants, d’un PIB par habitant de plus de 35.000 dollars et d’un arsenal militaire consolidé de plus de 100 milliards de dollars. L’Iran sous embargo atteint difficilement 1,8% du PIB quand l’Arabie Saoudite atteint plus de 39%.

Un Sommet extrordinaire, un honneur pour la France

Ce sommet extraordinaire du CCG des 4 et 5 mai est donc un événement géostratégique extraordinaire pour la région et le monde. C’est dire aussi l’importance que revêt l’invitation du Président de la République Française. L’invitation du Président de la République constitue un événement majeur, un honneur, une marque de confiance pour la France et la politique qu’elle mène à l’égard de ces pays. A ma connaissance aucun Président des USA, ni même aucun autre dirigeant d’un pays n’appartenant pas à la Ligue arabe, n’a jamais été invité à participer à ces réunions. On ne peut pas s’empêcher de penser que cette présence soit un effet de balancier avec l’invitation lancée par le Président américain Barack Obama aux dirigeants des monarchies du Golfe à se rendre à la Maison Blanche puis à Camp David les 13 et 14 mai.

Le GCC assure ainsi le traditionnel et parfois difficile numéro d’équilibriste entre ses principaux alliés militaires dans la région, la France et les USA, le tout sur fond de négociation du nucléaire Iranien. Mais aussi de crises régionales. 

Dans tous les esprits: l’Iran, le décor est planté  

Le dossier Iranien sera évidemment au cœur des conversations. La France a acquis un crédit important de part la position intransigeante du Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius dans le cadre des négociations récentes et en particulier celles de 2013.

Les pays du Golfe qui reprennent peu à peu le chemin de Téhéran, armés de défiance, de rancoeurs ancestrales et, on peut le dire, de craintes, doivent-ils aller vers un mariage de raison? Et quel sera le prix de la dot? Quelle est leur marge de manœuvre pour résister aux arguments et à la volonté de Barak Obama? Quelles garanties la France pourra-t-elle leur apporter? Ira-t-on vers un renforcement de notre base militaire à Abu Dhabi, mon rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, sachant que la 5ème flotte américaine est à Bahreïn et que des troupes américaines stationnent en Arabie Saoudite?

Revoir les relations avec l’Iran, un enjeu qui a un coût, des conséquences économiques, des répercussions sur les cours du pétrole et au-delà de toutes ces questions évidemment très importantes, il faudra que le CCG comme la majeure partie de la communauté internationale , d’ailleurs soit capable de revoir leur position d’hostilité et de défiance à l’égard de l’Iran et cet élément n’est pas à négliger. A mon sens, le confort du statu quo n’est plus possible au regard des crises régionales et de la nécessité de réintégrer l’Iran amendé et sous haute surveillance dans le concert des nations.

Le CCG et les crises régionales 

Des accords de sécurité ont été conclus entre les membres du CCG qui sont rentrés en action à Bahreïn à deux reprises. Si des manoeuvres communes sont traditionnelles les positions des pays du Golfe sont (mais ne devrait-on pas dire étaient ?) divergentes.

Curieusement incapable de souveraineté militaire, malgré des budgets de défense qui font pâlir les États-majors du monde entier, le CCG n’a pas semblé jusqu’ici rechercher cette souveraineté militaire et stratégique, si chère à la France.

Certains ont rejoint l’initiative d’Istanbul, rapprochement stratégique avec l’OTAN (Retrouvez mon intervention sur ce sujet en 2009 à AbuDhabi.), l’Arabie Saoudite et le sultanat d’Oman n’avaient pas souhaité s’y associer.
Depuis cette coopération semble en attente d’un nouvel élan. Le moment serait sûrement opportun de relancer cette initiative.

Plus que cette absence de désir de souveraineté des désaccords profonds et une crise diplomatique récente ébranlent ce bel édifice. Il faut se souvenir qu’en mars 2014, tous les pays du Golfe ont retiré leur ambassadeurs du Qatar 
 
Crise résolue quelques mois plus tard mais révélatrice de la disparité des motivations et des objectifs de ces monarchies dont l’unité voire l’uniformité ne sont souvent que des façades qui dissimulent de vraies divergences 

L’heure, il est vrai, n’est plus aux divergences mais à l’action et c’est pourquoi revenant au fond du sujet, le GCC doit désormais montrer sa maturité dans la gestion des crises régionales: Yémen, Syrie et bien entendu la lutte contre les terroristes de Daesh. La maturité politique serait de tenter un mariage de raison avec le voisin Iranien.

Yémen, Daesh: l’étau pour les pays du Golfe

Tout a été écrit et bien écrit sur le rôle de l’Arabie saoudite et les tensions chiites/sunnites dans la région, je ne vais donc pas y revenir. Simplement ajouter que ces tensions ne sauraient servir de justifications ou d’imputations rapides, chiite n’est pas le synonyme de l’Iran, même si les liens sont forts entre les populations chiites du GCC, ils n’entraînent pas systématiquement ses interventions directes.

Cette semaine, les pays du Golfe jouent leur crédibilité dans leur capacité à revoir leurs relations de voisinages avec leur turbulent voisin et dans leur soutien aux opérations militaires au Yémen, en Syrie et sur d’autres terrains comme en Afghanistan. 

Ils jouent aussî leur crédibilité en tant qu’alliés de l’Occident et du monde contre Daesh et le terrorisme qu’ils sont parfois accusés de financer.

On comprend alors toute la difficulté de l’exercice pour des pays jalousés pour leurs richesses et critiqués pour leur mode de gouvernance qui risquent à tout moment de s’attirer les foudres des mouvements extrémistes.

Les enjeux de ces 2 prochaines semaines sont vitaux pour l’avenir de la région et du monde, il faut en avoir clairement conscience.

– Sénateur UDI de l’Orne, Présidente de la Commission d’enquête sur la lutte contre les filières jihadistes

 

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