Geagea Mathieu, Dunkerque, La dernière forteresse nazie 1944-1945.

Voici un bel ouvrage qui fait honneur à la collection dans laquelle il est publié. Il s’agit de retracer par le menu le destin réservé à l’un des plus grands ports français, principalement durant le Seconde Guerre mondiale, au sein duquel les effectifs de la Kriegsmarine avaient, sous le commandement d’un implacable vice-amiral, reçu de Hitler l’ordre de résister jusqu’au dernier homme…

Le Führer était coutumier du fait, ordonner aux troupes de résister jusqu’à la mort : il avait déjà donné le même ordre au maréchal von Paulus en URSS, lequel eut la sagesse de désobéir et de ne pas mener ses soldats à l’abattoir. L’auteur qui a réuni er exploité une documentation considérable, décrit pas à pas l’histoire de cette cité portuaire martyre qui fut la dernière à être libérée par les forces alliées alors que Paris avait été libérée au mois d’aout 1944… La garnison allemande de Dunkerque ne capitula qu’après la reddition de Berlin. C’est dire combien ce site portuaire revêtait une importance militaire particulière aux yeux du haut commandement allemand. Il est difficile pour un non-spécialiste d’entrer dans les détails mais les mesures prises pour transformer cette ville portuaire en forteresse imprenable montrent son importance vitale dans les derniers mois de la guerre. Le commandant en chef de la ville eut même la folie de lancer une offensive pour briser l’encerclement, ce qui explique que le site fut le dernier bastion allemand à être libéré.
Ce site pouvait tenir un long siège ; l’auteur parle des réserves alimentaires comprenant, entre autres, plus de cent mille boîtes de viande en conserve… Sur le plan opérationnel, on se rappelle que le célèbre maréchal Erwin Rommel fut confirmé dans son rôle d’inspecteur général du mur de l’Atlantique, d’où les fameuses «asperges » de ce grand soldat le long des plages afin d’obier à toute tentative de débarquement. Ces villes côtières élevées au rang de forteresses par le volonté personnelle du dictateur nazi ne furent jamais attaquées frontalement par les Alliés qui avaient une lecture plus lucide. Les Alliés contourneront ces places fortes et les attaqueront par derrière, évitant ainsi un bain de sang dans leurs rangs. Les Nazis procédèrent à des inondations contrôlées dans ce secteur, déplaçant de larges parts de la population, ce qui réduisit drastiquement le nombre de civils dans la région.

Dunkerque fut donc la dernière ville à être libérée. Une grande partie de la Kriegsmarine y était abritée, ce qui explique les fréquents raids aériens opérés par la Royal Air Force. Je suis personnellement impressionné par les travaux de défense et de renforcement du site qu’il fallait protéger, renforcer et tenir. Sous le commandement du vice-amiral Friedrich Frisius, Dunkerque devenait une poche défendue par plusieurs milliers de soldats allemands, entre 12000 et 15000 hommes prêts à mourir sur place plutôt que de se rendre. Il faut dire qu’ils étaient solidement retranchés dans cette poche de Dunkerque qui avait bénéficié de l’attention particulière des plus haut gradés militaires du régime.

En septembre 1944, le futur maréchal Montgomery ordonne aux troupes canadiennes sous son commandement de s’en prendre à Dunkerque et de renforcer le siège autour de la cité portuaire. Les premières tentatives ne furent pas couronnées de succès, les Canadiens devant évacuer certains sites en raison de la résistance acharnée des soldats allemands. L’auteur signale un parallélisme que j’ai déjà signalé plus haut : comme à Paulus, tenté par la reddition devant Stalingrad et promu par Hitler au rang de maréchal, il dut accorder une promotion au vice -amiral Fr. Frisius qui lui avait soumis une série d’exigences pour accepter sa nouvelle mission : ne pas mollir, résister à tout prix, coûte que coûte. C’est dire que sur tous les fronts, y compris celui de Dunkerque, la situation militaire des Allemands était désespérée…

L’auteur a consulté le journal intime du commandant de la poche de Dunkerque où il reconnaissait de lanière un peu confuse l’issue finale, en d’autres termes le doute s’était infiltré dans son âme et il ne croyait plus totalement à la victoire finale. Pourtant, il lui fallait entretenir le moral de ses hommes. Certes, il y eut quelques accrochages sans gravité avec une patrouille allemande ou une tentative d’infiltration, sans que cela ne modifie la rigueur du siège autour de la ville.

Matériellement parlant, je ne peux pas reprendre tous les thèmes évoqués et traités dans ce grand ouvrage : l’occupation des journées dans la forteresse, le traitement des prisonniers, le nombre d’actes de désertion, la confiscation des radios, même dans le corps des officiers afin d’occulter la nouvelle du suicide d’Hitler, cette dernière mesure si caractéristique du Vice-amiral, etc…

On connait la fin de la bataille. Dunkerque fut la ville française qui a subi le plus longtemps l’occupation nazie.

Maurice-Ruben HAYOUN
Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève. Son dernier ouvrage:

 

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