Comprendre la guerre d’un million d’entailles contre Israël ©

La guerre d’un million d’entailles

Conclusion

Maquette du Texte 4 Mai 2015 (1)

La conclusion d’un document stratégique doit être courte. Les batailles de la propagande contre Israël se sont transformées au cours des dernières décennies en guerre totale. Les batailles sont également devenues beaucoup plus sophistiquées. Israël, cependant, n’a pas bien organisé ses défenses, qui ont encore un caractère largement accessoire. Cela a grandement facilité la tâche de ses ennemis.

La propagande arabe a réussi à transformer le conflit israélo-palestinien, dans de nombreux endroits, en une question géopolitique majeure. Cette fonction est pratique pour le Monde arabe et musulman car elle détourne l’attention de l’énorme criminalité survenant quotidiennement dans certaines parties de leur monde. Il suffit de se souvenir du million et demi de morts de la guerre Iran-Irak dans les années 1980. A cela s’ajoute les centaines de milliers de morts en Syrie et en Irak et les millions des réfugiés de ce conflit. En outre, il y a d’énormes problèmes concernant les Musulmans au Yémen, au Soudan, en Somalie, en Afghanistan, en Iran, au Pakistan, en Libye, au Nigeria, au Mali, et de nombreux autres pays. Il est donc évident que les problèmes du monde musulman et les menaces émanant de ces régions pour le reste du monde sont les principaux enjeux géopolitiques. Pourtant, de nombreux Occidentaux sont tombés dans le piège de la centralité du conflit israélo-palestinien.

Supposons qu’un miracle se produise et qu’il y ait, brusquement, une paix viable entre Israël et les Palestiniens. Les Etats-Unis et ses alliés largueront-ils une seule bombe de moins sur Daesh? Y aura-t-il moins de réfugiés de la guerre civile syrienne ? Aura-t-on moins d’Irakiens qui meurent à la suite d’attentats-suicides et d’autres attaques?  Daesh ou les tribus chiites pro-irakiennes gouvernementales décapiteront-elles une personne de moins? En ce qui concerne la géopolitique, Boko Haram kidnappera-t-elle une personne de moins? Y aura-t-il une seule personne de moins qui soit tuée dans l’est de l’Ukraine?

Bien qu’il soit difficile de faire des prévisions, certaines évolutions semblent probables.

La fragmentation qui caractérise les sociétés occidentales contemporaines va augmenter. Cela va se passer dans un monde qui est susceptible d’évoluer de manière plus chaotique. Et cela va rendre encore plus complexe l’analyse des processus tels que la délégitimation d’Israël et des Juifs. Dans ce contexte postmoderne, la guerre d’un million d’entailles contre Israël continuera de s’accroitre. La collaboration entre les semeurs de haine est également susceptible d’augmenter. La même chose est vraie en ce qui concerne les nouvelles façons de mener guerre de sophistication. Même si un accord de paix avec les Palestiniens est atteint dans l’avenir, il y aura beaucoup de musulmans et d’autres qui continueront leurs incitations contre Israël.

Les actes d’une conférence sur la délégitimation, organisée par l’Institut Politique peuple juif relataient :

Il est clair que nous sommes confrontés à un ordre mondial, à un agenda dont l’ordre du jour et la logique diffère de ce que nous avons connu. Nous vivons dans un monde global, multipolaire avec des guerres asymétriques et un discours des droits de l’homme qui favorise l’identification avec ceux perçus comme étant faibles et victimes d’atteintes à leurs droits. C’est un monde sous pression et effrayé par l’islam radical, un monde où des voix fortes fomeneant le radicalisme, le post-modernisme et le post-nationalisme, remettant en  question, entre autres choses, le droit à l’existence de l’État-nation ethno-religieux ; un monde d’acteurs non étatiques développant de nouveaux réseaux et soutiens pour produire et diffuser des informations. Dans ce genre de monde, Israël, les Juifs et le lien entre les deux peuvent bien se trouver du « mauvais côté de l’histoire. »

Il y a un certain fatalisme dans ces prévisions, qui n’est pas nécessairement justifié. Israël aurait pu faire beaucoup pour lutter contre la guerre de propagande, dans les dernières décennies. Il peut aussi, dans un proche avenir, améliorer considérablement ses performances, à condition qu’il mène une approche de cette guerre d’une manière stratégique et structurée.

Le Monde musulman

Toutes les prévisions sur l’avenir du monde doivent tenir compte de l’évolution du monde arabo-musulman, dont de vastes régions sont très instables. Même si  elles évoluaient vers la stabilité, l’idéologie criminelle de secteurs importants des sociétés musulmanes est si importante qu’il est peu probable qu’elle disparaisse par enchantement. Une longue confrontation d’une partie du monde musulman avec les démocraties occidentales semble inévitable. Les éléments extrêmistes des groupes criminels existant dans de nombreuses sociétés musulmanes vont continuer à tendre vers un génocide pour Israël, à travers une seconde Shoah ou d’une autre manière.

On ne peut que douter que la paix soit possible sous peu, entre les Palestiniens et Israël. Dans le camp palestinien, il y a des forces majeures qui ne voient la paix que comme une étape intermédiaire vers la destruction totale d’Israël. Un accord de paix pourrait bien conduire à une baisse temporaire de la propagande et de l’incitation à la haine du côté palestinien et certains de ses alliés. Toutefois, bien que la probabilité de la paix soit faible, même si cela devait se produire, elle restait très fragile.

Il est communément admis en Israël que même en temps de paix, une armée forte doit être maintenue. Pourtant, on est loin de comprendre et d’admettre que la guerre de propagande contre Israël se poursuivra et que, quoi qu’il arrive, la lutte contre la propagande devra également se  poursuivre. Depuis les accords euphoriques d’Oslo de 1993, les Israéliens ont fait preuve de vision à courte vue, ce qui a entravé la bataille de contre- propagande qu’Israël aurait dû mener. On en trouve un exemple typique récemment, lorsque des centaines d’Israéliens ont encouragé le Parti travailliste britannique à présenter une motion au Parlement Colombien pour qu’il reconnaisse un Etat palestinien.

L’Europe

Dans l’Europe d’aujourd’hui, un courant de pensée criminelle anti-israélienne est largement répandu. Toute personne qui ne pense pas de manière injustifiée que les autres sont des extrémistes criminels se voit elle-même criminalisée. Même si elles ne représentent pas l’opinion de la majorité, ces croyances criminelles ont profondément imprégné l’atmosphère du continent. Les statistiques peuvent varier considérablement d’un sondage à l’autre dans l’avenir. Elles ne doivent pas être effacées. Il est du devoir du gouvernement israélien de faire face au  leadership de l’Europe et à celui de ses différents pays, en affirmant ses conclusions et exigences en agissant contre l’anti-israélisme rampant.

La discrimination et la criminalisation européenne d’Israël se sont développés dans une telle proportion que les attitudes envers Israël sont devenues un instrument de dénégation de l’état de délabrement général et de dégénérescence morale de larges parties de la société européenne. Il en a été de même auparavant contre les Juifs. Dans le siècle actuel, ce même antisémitisme se répète. Les Européens ne mèneront pas d’une manière active une nouvelle Shoah contre Israël. Mais si des forces dans le monde musulman réussissent à réaliser une destruction massive, malgré ceux qui seraient choqués, une partie des Européens pourrait s’en réjouir, beaucoup seraient indifférents, et un grand nombre des élites anti-israéliennes nieront qu’elles ont contribué à la préparation du génocide, par la rigueur toute particulière qu’elles ont appliquée contre l’état des juifs et que ceux-ci auraient tort.

Du côté israélien

Israël paie un lourd tribut pour son incompétence dans la guerre de propagande. Cela est devenu encore plus clair après la guerre de Gaza de 2014. Ce prix va encore augmenter, à moins qu’il consacre suffisamment de ressources intellectuelles, humaines et financières à la compréhension de la nature de cette guerre et de combattre de manière structurée. Une étude approfondie de cette question est une première étape vers l’élaboration progressive d’outils adéquats pour contrer les attaques de façon compétente et adaptée.

La délégitimation d’Israël actuelle est un phénomène partiellement opaque. Afin de lutter contre elle, on doit d’abord comprendre comment le processus de délégitimation fonctionne. Cela exige aussi de comprendre ce que signifie la diabolisation, comment il se produit des chevauchements avec l’antisémitisme, quels thèmes les détracteurs utilisent, quelles méthodes ils appliquent, comment ils transmettent leurs messages, et qui sont réellement les détracteurs d’Israël.

Les gouvernements israéliens successifs sont restés très en deçà des mesures nécessaires à prendre pour lutter contre les menaces de la propagande. Une question majeure, pour tout système qui lutte contre ses ennemis consiste à améliorer son maillon le plus faible. Dans le cas d’Israël, il n’est pas militaire, ce n’est pas le renseignement, ni les unités cyberguerre, ou la structure sociale du pays. Le maillon le plus faible reste l’incompétence continuelle des autorités israéliennes et son insouciance face à la guerre de propagande d’ampleur mondiale.

Les principales voies de recours ont été énoncées dans les pages précédentes. Il n’y a pas d’autre alternative que la mise en place d’une structure unique de contre-propagande, capable pour superviser l’ensemble champ de bataille, d’analyser, de concevoir comment se battre, et de développer des actions contre plusieurs ennemis. Continuité et persévérance sont essentielles.

Il n’y a pas de raccourcis possible. Sans comprendre en détail la nature et le contenu des processus de délégitimation, la lutte sera beaucoup moins efficace qu’elle pourrait l’être. Elle restera, telle qu’elle est aujourd’hui, une bataille perdue en partie, un gaspillage partiel de ressources humaines et financières, conjugués à des problèmes de négligence et de sous-financement de la bataille. C’est seulement après que le processus de délégitimation aura été mieux compris que l’on pourra discuter de la façon de le combattre beaucoup plus efficacement.

Cela va également exiger un changement progressif de mentalité de la politique israélienne, de sa direction et des gens qui sont supposés superviser la lutte contre la délégitimation.

Comment les ennemis d’Israël fonctionnent-ils?

La première étape la plus efficace vers la lutte contre la diabolisation d’Israël et des Juifs serait de comprendre comment fonctionnent les ennemis. Ce livre expose leurs actions dans un certain nombre de domaines. Plusieurs auteurs ont publié des livres sur des sujets tels que l’antisémitisme musulman et l’antisémitisme de gauche. L’auteur a couvert des sujets supplémentaires dans ses livres précédents : Universitaires contre Israël et les Juifs, Derrière le Masque de l’humanitaire : les pays nordiques, Israël et les Juifs, le détournement de la Shoah. Mémoire : Distorsions et réponses, et Diaboliser Israël et les juifs.

Beaucoup d’autres études sur d’autres sujets concernant la diabolisation d’Israël et la délégitimation sont nécessaires pour obtenir une image plus large de cette immense mouvement mondial de haine contre Israël. Certaines disciplines pour lesquelles des livres d’études seraient les plus utiles comprendraient les médias et l’anti-israélisme, la religion chrétienne et la diabolisation, ainsi que le rôle de nombreux immigrés musulmans en Occident menaçant Israël et rendant la vie en Europe invivable pour les Juifs.

Que pourrait faire Israël?

Si Israël avait une structure intégrée et coordonnée pour lutter contre la délégitimation, elle fonctionnerait à bien des égards de manière similaire aux services de renseignement. Elle pourrait aussi encourager des recherches dans tous les pays pertinents et publier un panorama de la délégitimation d’Israël dans le monde musulman ainsi que des études sur la propagande haineuse dans de nombreux pays. Elle pourrait publier des études de cas sur les questions individuelles de plus grand intérêt, par exemple, l’antisémitisme dans le camp antiraciste, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, le rapport Goldstone, le Document Kairos, et ainsi de suite. Israël pourrait alors beaucoup mieux former ses diplomates pour relever les défis à l’étranger.

Une seconde Shoah semble possible de deux manières. La plus souvent débattue est la possibilité que l’Iran ou un groupement musulman fanatique réussissent à lancer une bombe nucléaire (sale) sur Israël. Une deuxième possibilité est que la pression exercée sur Israël, par deux de ses ennemis et d’autres qui prétendent mensongèrement être ses amis, va être si importante qu’elle devra se retirer sur les frontières indéfendables.

Le processus de délégitimation avec ses millions d’entailles aura une conséquence supplémentaire. Excepté ceux qui commettent les meurtres réels, quelques-uns se sentent responsables de ce qui peut arriver. Les nombreux ennemis qui peuvent prétendre que leur contribution individuelle aux millions de coups portés contre Israël était insignifiant, les faux amis diront qu’ils n’attaquent pas Israël, les nombreux spectateurs diront qu’ils étaient loin d’avoir des intentions génocidaires claires et proclamées comme elles le sont dans certaines parties du Monde  musulman. Dans le même temps, Israël sera accusé d’être responsable de son sort parce qu’il a transformé le comportement des Palestiniens, qui est en réalité imprégné d’une culture du crime, en population victime. Mis bout à bout, tous ces mensonges peuvent prospérer dans une société devenant de plus en plus opaque.

Rien de tout cela ne doit fatalement se passer de cette manière. Il n’y a pas de raison d’être fataliste à moins que l’incompétence israélienne présente dans la guerre de propagande perdure. Il n’est pas trop tard pour retourner cet impact sur les ennemis d’Israël. Cela exige, cependant, un effort qui est  radicalement différent de ce qu’on observe à l’heure actuelle. Il y a un post-scriptum à ce livre.

Ce texte traite des responsables et des phénomènes liés à la délégitimation partielle d’Israël. Mais à la lecture, il peut également servir à beaucoup d’autres. Comme c’est souvent le cas, ce qui arrive aux Juifs et à Israël aujourd’hui est une première indication de ce qui est à venir pour de nombreuses autres nations. Les réalités déformées de l’Islam contemporain, les médias, les milieux universitaires, les ONG, certaines parties du protestantisme libéral, les syndicats, la social-démocratie, et ainsi suite ont et auront un impact sur de nombreux autres pays et individus. Ceux qui sont conscients de l’expérience juive et israélienne actuelle peuvent l’utiliser comme une loupe grossissante permettant de comprendre et de traiter les problèmes dans leur propre environnement.

Par Manfred Gerstenfeld

Adaptation : Daniel Amir