Depuis jeudi 6 mai, les détaillants arabes israéliens sont sommés d’établir des listes précises de produits fabriqués dans les implantations juives de Judée-Samarie et d’en informer les consommateurs. Parmi les 1 000 entreprises désormais interdites : les soins de la mer Morte Ahava, les bretzels Beigel & Beigel, les sodas Super Drink et les chocolats Openheimer.


“Soutenez le boycott palestinien de produits israéliens. Faites pression sur Israël pour qu’il respecte les droits de l’Homme et la loi internationale.”
PHOTO: DR , JPOST

« Nous lançons une campagne à travers l’ensemble du secteur arabe », explique Dahamshy Mansour, président du comité de Kfar Kana. Le but : boycotter tous les produits manufacturés dans les implantations de Judée-Samarie. « Nous entendons faire preuve de solidarité avec le peuple palestinien et mener bataille contre l’occupation ! » Des représentants de dizaines d’organisations communautaires et d’ONG s’étaient donc rassemblés, jeudi 6 mai, à Nazareth pour assister à l’ouverture officielle de la campagne.
Pour Dahamshy, l’objectif est de sensibiliser les politiciens et hauts fonctionnaires à leur cause. « Il est de notre rôle de soutenir les efforts internationaux et le boycott. Nous avons pour but de libérer la Cisjordanie et pour cela, nous souhaitons frapper l’économie israélienne. »

Et de poursuivre : « Toutes les productions israéliennes en Cisjordanie doivent appartenir aux Palestiniens. Nous devons aider l’économie palestinienne à se maintenir sans recourir aux implantations juives. Il est également de l’intérêt d’Israël d’aider le peuple palestinien et de lui donner l’espoir d’un avenir meilleur. »
Muhammad Zidan est responsable de l’une des organisations qui prend part à la campagne. Interviewé par le Jerusalem Post, il explique que le mouvement sert l’idéologie de son groupe. « Boycotter les produits des colonies fait partie de nos priorités depuis 1998. Aujourd’hui, nous intensifions notre action. Les dirigeants de l’Autorité palestinienne (AP) nous ont sollicités, et des actions similaires ont gagné du terrain dans toute l’Europe. Dans le cadre de notre engagement à un Etat palestinien souverain, dans les frontières de 1967, nous avons décidé d’aider l’économie palestinienne en obligeant les colons à mettre fin à l’occupation. »

Déclaration de guerre « économique »

Selon une étude, réalisée par la société de l’Amar, le secteur arabe israélien apporte 400 à 600 millions de shekels à l’économie du pays. « C’est un montant substantiel », souligne Zidan. « Si tous les Arabes qui soutiennent notre cause rejoignaient le boycott, nous donnerions l’image d’un Etat palestinien indépendant. » Dani Dayan, président du Conseil des communautés juives de Judée-Samarie (Yesha) et de la bande de Gaza, regrette cette « identification complète des Arabes israéliens à l’Autorité palestinienne ». Et de rappeler qu’il ne s’agit pas « d’une décision autonome des Arabes israéliens, mais de celle ordonnée par le Premier ministre de l’AP, Salam Fayyad. »

« De tels boycotts sont une violation pure et simple de l’accord de Paris, contracté entre Israël et l’OLP en 1994 », souligne Dayan. « Le gouvernement a demandé à l’AP de prendre les menaces de ‘guerre économique’ au sérieux. » Il a même été envisagé d’indemniser les habitants des implantations d’un tel boycott, en utilisant l’argent qu’Israël transfère à l’AP chaque mois.
Les députés de droite tiennent à préciser un autre point : l’impossibilité de séparer Israël de ses implantations. Et les législateurs de renforcer les déclarations formulées plus tôt dans la semaine, lors d’une réunion à la Knesset. « Il n’y a pas de différence entre un boycott des produits de Judée-Samarie et un boycott de toute autre marchandise israélienne ! », s’était exclamé le vice-ministre des Affaires étrangères, Danny Ayalon (Israël Beiteinou). « Non seulement le boycott est idéologiquement le même, mais il a des impacts sur l’ensemble de l’économie israélienne. »

Le pouvoir financier des Arabes israéliens

Comme d’autres groupes sociaux en Israël, les Arabes israéliens, qui représentent environ 20 % de la population du pays, découvrent la puissance de leur pouvoir d’achat au sein d’une société capitaliste. Si une réduction de 15 à 20 % des revenus ne peut réellement ruiner du jour au lendemain les implantations, elle ne peut être totalement ignorée non plus. En particulier alors que le boycott est associé à celui annoncé en Europe.

Le gouvernement est conscient du pouvoir financier des Arabes israéliens, et par le passé, l’a canalisé de façon constructive. Israël reconnaît notamment qu’en aidant les Arabes israéliens de Judée-Samarie, il peut stimuler l’économie palestinienne. Et de fait, l’Etat a récemment ouvert le passage de Jalameh, près de Jénine aux citoyens arabes israéliens dans l’espoir qu’ils contribuent à favoriser l’emploi et les conditions de vie au sein de l’Autorité palestinienne.

La cohésion sociale en péril

Mais ce qui dérange de nombreux Israéliens, en particulier ceux de l’aile droite, c’est le lien entre cette décision de boycott et l’appel d’Abbas. Certains y perçoivent une provocation visant à enflammer une situation déjà tendue. L’appel, qui survient à la veille de la reprise des pourparlers, tend à confirmer cette hypothèse.

L’initiative met en évidence les positions extrêmement divergentes qui existent quant au sujet des implantations. D’une part les habitants des implantations, et ceux qui les soutiennent, qui voient dans la présence juive en Judée-Samarie une idéologie qui leur est chère, voire religieuse. D’autre part, les Arabes israéliens, et la gauche israélienne, qui estiment que les implantations constituent un crime et perpétuent le colonialisme du 19e siècle.

Par le passé, les Arabes ont, pour exprimer leur solidarité, usé de violence et choisi la confrontation brutale. L’insurrection d’octobre 2000 et les nombreuses agressions recensées sur l’ensemble du territoire ont profondément marqué les esprits israéliens. L’Intifada avait surtout semé le doute quant à la loyauté des Arabes envers l’Etat. Depuis lors, et en dépit de la tension permanente entre l’Etat et l’AP, les victimes se font plus rares. Si les protestations se poursuivent, elles ont tendance à être non-violentes. La mise en place de listes de produits à boycotter est somme toute préférable aux autres formes d’hostilité à Israël.

En supposant qu’une partie des Arabes israéliens ignorent l’appel au boycott, par habitude, ignorance ou indifférence, le préjudice financier sera mineur pour les habitants des implantations. Mais le dommage le plus important, en revanche, reste bien le risque de nuire encore davantage à la cohésion de la société israélienne.

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