Elles ne peuvent pas prononcer son nom. Deux syllabes qui ne sortiront pas de leur bouche. Nicole Yardeni, présidente du CRIF, ou Yvette Benayoun-Nakache, ancienne députée, veulent bien évoquer «l’affaire», «le tueur».

C’est tout.

En revanche, «il ne faut jamais oublier le nom des victimes, Myriam, Gabriel, Arié, Jonathan…», énumère Yvette. La communauté juive de Toulouse est meurtrie.

Mâchée. «Jamais je n’oublierai ce 19 mars.

C’est une date qui est dans ma tête pour toujours», avoue Michel, 44 ans.

«La petite Myriam», se souvient Erick, «c’était un ange, un petit ange assassiné…

Depuis, chaque jour, son visage défile dans ma tête. On continue de vivre. J’essaye de rire…

Et puis parfois, brusquement, c’est un chaos intérieur, une mélancolie qui m’empoigne…»

«Après le drame de l’école, j’y suis allée comme bénévole», explique Déborah, retraitée.

«J’ai recueilli la parole de ces jeunes. Ils sont devenus des adultes du jour au lendemain.»

«Les enfants ont été admirables de courage et de résilience», assure le président de la communauté juive de Toulouse Arié Bensemhoun.

Quelques membres de la communauté ont pu voir la vidéo du massacre devant l’école.

«C’est atroce», témoigne l’un d’entre eux.

«Quand on voit ce type rattraper la petite fille par les cheveux, lui tirer une balle dans la tête…»

Il s’interrompt. Et reprend.

«Et le pire, c’est qu’il fait ça sans aucune émotion, avec une espèce de sérénité insupportable…

J’ai vu «Le Chagrin et la Pitié», j’ai vu «Nuit et brouillard»…

Là, c’est insoutenable.»

«Il faut se méfier des images», avertit Nicole Yardeni.

«C’est le deuxième commandement : «Tu ne feras pas d’images sculptées ni aucune figure de ce qui est haut dans le ciel.»

Pas d’image dans mon souvenir. Juste des paroles.

Celles de mon cousin, de mon ami Arié Bensemhoun, de l’élu Jean-Paul Makengo… Elles sont toujours là, dans ma tête.»

«Cette tragédie a été comme un réveil», estime Déborah.

«On se croyait à l’abri, comme citoyens de la République. Et on finissait par oublier des détails du quotidien qui auraient pu nous inquiéter… Là, on se réveille avec un sentiment d’insécurité.

Mes propres parents ont vécu au temps de la Shoah. Mon père disait toujours «ça recommencera !»

Bernard, lui, a survécu à la Shoah quand il était enfant.

Pas ses parents. Il a été pendant quelques mois un «enfant d’Izieu» et a réchappé par miracle à la rafle de Klaus Barbie :

«Je ne sais pas si on peut comparer l’affaire Merah à ce que j’ai vécu moi, cette histoire me touche en tant que juif et en tant que citoyen.

C’était un autre contexte où nous étions chassés, poursuivis, déportés… Mais je sens quand même une montée de l’antisémitisme.»

«Plus rien n’est pareil», soupire Alain, 76 ans.

«Autour de moi, je vois des amis qui quittent la France, pour Israël, pour le Canada… Il n’y a pourtant pas plus républicain, démocrate et français qu’un Juif de France.

La laïcité a été mon credo toute ma vie.

Mais là, il y a quelque chose de cassé.

Je ne suis plus aussi heureux de vivre en France…»

«Je suis très attaché à la laïcité, et donc, mes enfants étaient à l’école publique… Et puis, petit à petit, ils nous ont rapporté des insultes, des menaces, parce qu’ils étaient juifs…

Alors, pour leur bien-être, je les ai changés d’école», explique Erick.

«Ce qui m’inquiète», tempête Benshalom, un vieux sage de la communauté, «c’est cette tolérance à l’intolérance !

On voit des manifestations pro-palestinienne, où l’on entend «Mort aux Juifs», et dans ces manifs, il y a des élus de la République que ne bronchent pas !

L’islamo-fascisme bénéficie du laxisme d’une intelligentsia qui croit pouvoir se dédouaner ainsi de la culpabilité coloniale… C’est idiot !»

«Cet événement touche la communauté juive parce qu’il est au cœur du pacte de citoyenneté.

Cela rappelle l’affaire Dreyfus», estime Nicole Yardeni.

«La communauté juive a fait preuve d’une extraordinaire dignité», selon Arié Bensemhoun, «parce que pour un Juif, il n’y a pas de société digne de ce nom où l’on ne puisse pas vivre avec ses différences.»

C’est sans doute ce que pense Yvette Benayoun-Nakache, qui avec d’autres, a constitué le Groupe citoyen pour le dialogue, qui rassemble des juifs, des musulmans, des chrétiens, des athées :

«On se dit tout, on s’enguirlande, mais on veut aller plus loin, se comprendre, aller de l’avant.»

Au pot commun, les valeurs de la République et de la laïcité.

Et l’idée qu’une vraie vie en harmonie est possible. Malgré tout…

Dominique Delpiroux/ Le Depeche.fr Article original

TAGS : Ozar Hathorah Tuerie de Toulouse Antisémitisme Sandler Monsénégo

France Islamisme Communauté Juive 19 mars 2012 Judéophobie

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DANIELLE

Il y a toujours une intention derrière un journaliste, de faire passer  » son » message mais pas le message du citoyen français et républicain fidèle de ses valeurs d’antant.

Le journaliste n’a pas une profession neutre et cela est dangereux car il s’adresse à tout un monde à travers les médias, il a une responsabilité irrémédiable, mais aussi il doit obéir à la politique de son pays, et comme la France a une politique arabe (vu le nombre des ses habitants et les pétrodollars) alors son talent consiste à ménager le choux et la chèvre.

Voilà pourquoi il a zoomé sur la mère de cet assassin qui n’a pas laissé un message d’espoir pour cette jeunesse musulmane qui végète dans les rues de banlieue.
Je m’attendais au moins à un repenti, sauf celui de ne pas avoir su élever son fils, quant à la soeur c’est une pub inutile.

Dan75

On ressent une très grande peine.On voudrait seulement se recueillir dans le souvenir.

Mais il y a le point de vue perfide des médias. Dans les images de la télévision en France on montre {{au premier plan,}} {{on fixe la caméra}} sur la mère musulmane du soldat assassiné. On retransmet ses déclarations. Les autres familles semblent en arrière-plan, comme si cette dame portait seule la douleur des victimes. Je ressens un très grand malaise.