Des marines américains effectuent d’importants exercices avec des rebelles dans le sud de la Syrie

 

Le drapeau américain flotte sur un véhicule militaire dans la campagne de Manbej, en Syrie, le 12 mai 2018. Photo: Reuters / Aboud Hamam / File.

Un commandant rebelle syrien a déclaré jeudi que le déploiement de rares exercices militaires avec des marines américains dans le sud de la Syrie envoient un message fort à la Russie et à l’Iran : les Américains et les rebelles ont l’intention de rester et de faire face à toutes sortes de menaces élevées contre leur présence dans cette partie du sud désertique de la Syrie.

Le colonel Muhanad al Talaa, commandant du groupe Maghawir al Thawra (les Commandos de la Révolution), soutenu par le Pentagone, a déclaré à Reuters que les huit jours d’exercices qui se sont terminés cette semaine à Al-Tanf ont été les premiers ade ce genre, comportant des tirs à balles réelles et des attaques terrestres et aériennes, impliquant des centaines de membres des troupes américaines et des combattants rebelles.

« Ces exercices ont une grande importance et ont renforcé les défenses de la zone et ont élevé les capacités au combat et le moral des combattants et des civils dans la région », a déclaré Talaa à Reuters, s’exprimant par téléphone depuis Al-Tanf, à la frontière de la Jordanie et de l’Irak.

Un porte-parole de l’armée américaine a déclaré que les exercices étaient une démonstration de force et que le Pentagone avait notifié le début de ces exercices, à Moscou par des canaux de «déconfliction» (maîtrise des risques d’embrasement) pour empêcher «une mauvaise communication ou une escalade des tensions».

 

« L’exercice a été mené pour renforcer nos capacités et nous assurer que nous sommes prêts à répondre à toute menace contre nos forces dans notre zone d’opérations », a déclaré à Reuters le colonel Sean Ryan, dans une réponse par courriel à une question sur la nature de ces exercices.

La Russie et le gouvernement syrien ont appelé à plusieurs reprises Washington à retirer ses troupes de la base d’Al-Tanf, où les Etats-Unis ont déclaré une zone de « déconfliction » de 55 km (35 miles)interdite d’accès aux autres armées, milices et groupes combattants hostiles.

Les rebelles affirment que des centaines (les renseignements russo-syro-iraniens minimisent ce chiffre à « une centaine » de nouveaux venus parmi les Marines) de marines américains sont arrivés ce mois-ci à Al-Tanf pour rejoindre les troupes d’opérations déjà basées dans la garnison et participer aux exercices. Dans le même temps, les tensions américano-russes se multiplient en Syrie et en Méditerranée. Ces tensions sont, en particulier, liées à l’annonce de l’imminence de l’assaut russo-irano-syrien contre la région d’Idlib, plus au nord.

La «zone de déconfliction» est devenue un refuge pour au moins 50 000 civils qui vivent dans le camp de Rukban. En août, le ministère russe de la Défense a réitéré une accusation selon laquelle Washington hébergeait des djihadistes de l’État islamique dans la zone.

« Nous restons là, que les Russes ou les Iraniens le veuillent ou non », a ajouté le commandant rebelle.

Cet avant-poste, entouré par le désert, a –au contraire des allégations souvent délirantes de l’establishment russe– été créé lors des combats contre les djihadistes de l’État islamique qui contrôlaient l’est de la Syrie juqu’à la frontière de l’Irak et au-delà.

Après que l’Etat islamique en eut été chassé, les avions de la coalition dirigée par les Etats-Unis ont frappé à plusieurs reprises des milices soutenues par l’Iran pour les empêcher d’avancer, dans ce que Washington a qualifié d’opérations de légitime défense.

Al-Tanf se trouve située sur la route stratégique Damas-Bagdad, qui, sans cette présence et cette veille, serait devenue une importante voie d’approvisionnement des armes iraniennes en Syrie.

Cela fait de cette base un rempart contre l’Iran et un élément crucial d’une campagne plus vaste contre l’expansion militaire de l’Iran au Moyen-Orient.

La prise de contrôle de la région est, depuis longtemps, un objectif du gouvernement syrien et de ses alliés russes et iraniens.

Les rebelles affirment que la nouvelle politique de l’armée américaine visant à renforcer les capacités d’Al-Tanf constitue, pour eux, un grand changement.

«La position américaine a complètement changé vis-à-vis des Iraniens [résultat, semble t-il, de l’approche réitérative de Netanyahu, chuchotant la réalité du Moyen-Orient aux oreilles de Trump]. Auparavant, il s’agissait juste de tracer une ligne à ne pas franchir par les Iraniens, pour qu’ils ne s’approchent pas de ces zones », a ajouté Talaa.

La no-conformation de Téhéran à mettre un terme à sa présence militaire en Syrie pourrait provoquer une réaction militaire américaine, a ajouté M. Talaa.

«Si Téhéran ne répond pas aux exigences des Américains, il y a de fortes chances qu’ils soient touchés. Il est inévitable que les Iraniens quittent la Syrie. Cela devrait se produire rapidement et de manière décisive », a-t-il ajouté.

avatarpar le personnel de Reuters et Algemeiner

algemeiner.com

Adaptation : Marc Brzustowski : il reste une équation extrêmement sensible, car à plusieurs inconnues, à déchiffrer :

quand et jusqu’où l’opération d’Idlib peut-elle se produire, impliquant le Hezbollah, l’aviation russe, l’Iran, les milices chiites et l’armée syrienne?

Cette opération mise en exergue comme « imminente » depuis plusieurs semaines, peut aussi se transformer en relatif status-quo, par une sorte d’accord implicite entre Poutine et Erdogan, avec maintien d’une présence turque sur au moins une grande province de Syrie.

La Turquie sert, par ailleurs, de concentration de forces militaires et para-militaires tampon contre les Kurdes des YPG et les arabes démocratiques des FDS, au Nord-Est de la Syrie, jusqu’à la Vallée de l’Euphrate et à la frontière irakienne. Tant, tout du moins, que les forces de l’axe irano-russe, qui bombardent, mais n’envoient pas de forces terrestres, s’abstiennent de déferler sur la province d’Idlib.

Au sud, Al-Tanf représente la dernière poche d’armée syrienne libre qui ne soit pas inféodée à la Turquie. Sous l’égide des Etats-Unis, cette garnison rebelle pro-jordanienne se trouve alliée des FDS de l’Euphrate, troupes arabes sous commandement kurde, implicitement opposée à l’autre « armée syrienne libre » inféodée à Ankara, mais aussi aux troupes irano-syriennes et miliciennes chiites qui cherchent à envahir la zone d’Al-Tanf.

En l’absence d’une offensive généralisée contre Idlib, menant à l’expulsion de la Turquie du territoire syrien, ce status-quo est susceptible de perdurer. Il semble aussi que les troupes syriennes et du Hezbollah ont des raisons tactiques de craindre la résilience de l’armée turque et de ses supplétifs des milices sunnites d’Idlib. De même, elles évitent d’attaquer frontalement les troupes pro-américaines d’Al-Tanf et elles ont déjà subi une défaite et un avertissement capital sur l’Euphrate, par la mort de près de 200 mercenaires russes, en février 20018, selon Mike Pompeo, alors chef de la CIA.

Il y a là, sauf résolution finale à se lancer dans l’offensive d’Idlib et des autres parties non-détenues par l’axe irano-syro-russe, une véritable quadrature du cercle. Cette situation mène plutôt à la résolution du conflit par des moyens politico-diplomatiques, mais lesquels?

Un consensus mou entre Syro-russes et Turcs peut se cimenter en désignant le groupe Hayat Tahir Al Sham, ex-Al Nusra et inféodés officieusement ou pas à Al Qaïda, comme ennemi commun, car le dernier groupe djihadiste à éliminer : tous combattant le même fléau, ils pourraient alors se retrouver dans une sorte de pacte de non-agression, comme au moment de la lutte contre Daesh. Néanmoins, le conflit de juridction territoriale reste identique et seule une issue diplomatique en viendrait ultérieurement à bout, près des années de partage effectif du territoire et non-recouvrement de l’ancienne Syrie d’avant 2011…

La victoire est encore loin d’être acquise pour le régime de Bachar, reprenant alors pied dans toutes les zones dites « syriennes », selon l’objectif de réunification. Car Russes et Américains ont à cœur de ne rien céder, pas plus qu’à tomber de plain-pied dans le piège d’une dégénérescence du conflit « régional » en conflit mondial… Il en va de même pour les Turcs, à cheval entre les deux postures des patrons globaux…

Pour Israël, le retrait apparent derrière la frontière de 1973 sur le Golan, le gel tout aussi apparent de « l’Opération Bon Voisin » et de l’aide concomitante aux 7 groupes rebelles sélectionnés comme non-susceptibles de tomber entre les mains des groupes radicaux, Restent comme tactiques, pour mieux se concentrer sur le péril iranien : il s’agit de participer par d’autres moyens moins visibles au décryptage collectif de la situation, avec les Etats-Unis, la Jordanie, incidemment, les éléments rebelles et kurdes encore fidèles à l’axe occidental :

malgré ou grâce à l’aide russe, Bachar el Assad n’a pas forcément intérêt à ce que l’Iran traverse cette zone américanisée du désert syrien, au point d’entraîner la Syrie détruite dans une nouvelle phase de conflit frontal avec Israël.

Comment et pourquoi chacun des protagonistes peut accepter tacitement ce blocage réciproque qui l’empêche d’entrer dans une nouvelle phase plus outrancière de conflictualisation?

Quels acteurs russes, syriens, américano-rebelles et kurdes, voire turcs , malgré leurs propres dissentiments, sont susceptibles d’accepter ce statu-quo, au détriments d’éléments plus radicaux (Iraniens, Hezbollah, milices chiites) pressés de poursuivre leur ruée vers l’Ouest? Assiste t-on à l’émergence d’un nouveau « Mur de Damas » coupant la Syrie en deux à trois régions bien distinctes (puisque Turcs et Américains sont aussi en conflit sur un certain nombre de points) et combien de temps cette nouvelle « guerre froide » trilatérale peut-elle durer?

Question à un million de dollars.

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