© Ministère de la Culture – Médiathèque de l’architecture et du patrimoine – diffusion RMN | Le capitaine français Pisani et Mouloud Bey, une des grandes figures de l’indépendance du Hedjaz, examinant les positions devant Maan en Jordanie, en mars 1918.

Le 5 juin 1916, le chérif Hussein proclamait l’indépendance du Hedjaz et lançait la Grande révolte arabe contre les Ottomans. Il était alors soutenu par les Britanniques, mais aussi par les Français qui lui apportèrent une aide militaire.

Au début de l’été 1916, la presse française consacre une grande partie de ses articles aux combats dans le secteur de Verdun, mais elle suit aussi attentivement des événements qui se déroulent à des milliers de kilomètres de là, en Arabie. « Le Hedjaz est en pleine insurrection. La Mecque est prise, et Médine, la ville sainte, est assiégée », peut-on lire dans les colonnes du journal Le Temps, le 24 juin.

« Le grand chérif Hussein continue activement sa conquête du Hedjaz qu’il a résolu de soustraire à la domination turque. Le dernier fort de la Mecque est tombé entre ses mains », s’enthousiasme également, mi-juillet, dans un article, le quotidien La Presse.

Quelques semaines plus tôt, le 5 juin 1916, l’émir Hussein Ibn Ali est en effet entré en rébellion contre l’Empire ottoman, donnant ainsi naissance à la Grande révolte arabe. À ses côtés, le chérif de la Mecque peut compter sur les Britanniques qui promettent d’aider à la création d’un grand royaume arabe en échange de ce soulèvement contre les Ottomans, alliés des Allemands.

Cet épisode de la Première Guerre mondiale a été rendu célèbre par la figure de Thomas Edward Lawrence, l’officier de liaison de Londres, plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie.

Une mission militaire française au Hedjaz

Le rôle des Français dans cette Grande révolte est en revanche beaucoup moins connu. Dès le mois d’août 1916, Paris décide d’envoyer sur place une mission militaire pour former les troupes arabes et mener des opérations à leurs côtés. Les motivations de la France sont multiples : prendre pied dans cette région où elle convoite notamment les territoires syriens et bien entendu attaquer par un autre front son ennemi allemand.

« Cela s’est très mal passé dans les Dardanelles quelques mois plus tôt. Les Français considèrent donc que c’est une bonne occasion d’affaiblir les Ottomans et par là même l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie », explique le colonel Frédéric Jordan, auteur de plusieurs articles à ce sujet sur son site« L’écho du champ de bataille ».

Avec l’ambassade de France en Jordanie, ce passionné d’histoire militaire a participé en avril dernier à la création, à Amman, d’une exposition photo consacrée aux détachements qui ont combattu aux côtés des troupes arabes du chérif Hussein. Sur ces clichés, on peut notamment voir des Français, vêtus comme des bédouins, prenant la pose avec leurs frères d’armes.

La plupart de ces hommes sont eux-mêmes musulmans, des tirailleurs et des spahis, des soldats de l’Armée d’Afrique, venus d’Algérie, du Maroc ou encore de Tunisie. Cette présence n’est pas anodine. « La France souffre à l’époque de la propagande allemande qui vise à montrer qu’elle est l’ennemi de l’islam. En envoyant en Terre sainte des troupes issues des colonies et qui sont musulmanes, elle montre qu’elle est au contraire son amie », décrit Frédéric Jordan. 

Toujours dans un but politique, Paris souhaite aussi rouvrir la route du pélerinage à la Mecque aux populations de confession musulmane de ses colonies. C’est chose faite dès septembre 1916 avec une première délégation officielle de pélerins d’Afrique du Nord conduite par l’Algérien Si Kaddour Benghabrit, futur fondateur de la Grande Mosquée de Paris.

DES ARCHIVES PHOTOGRAPHIQUES SUR LA PARTICIPATION MILITAIRE FRANÇAISE À LA GRANDE RÉVOLTE ARABE
  • © Ambassade de France en Jordanie
    Dans le cadre des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale et de la Grande révolte arabe, l’ambassade de France en Jordanie a organisé une exposition sur la progression des détachements français aux cotés des troupes du chérif Hussein de 1916 à 1918.

  • © Ambassade de France en Jordanie
    Cette exposition, qui a eu lieu du 20 au 30 avril 2016 à la National Gallery of Fine Arts d’Amman, a présenté une cinquantaine de clichés photographiques.

  • © Ministère de la Culture (France) – Médiathèque de l’architecture et du patrimoine – diffusion RMN
    Les hommes de la mission militaire française ont parfois progressé dans des conditions difficiles, comme le montre cette photo de mars 1918 avec la colonne du capitaine Pisani à la descente du col de Naqb Estar.

  • © Ministère de la Culture (France) – Médiathèque de l’architecture et du patrimoine – diffusion RMN
    Sur ce cliché pris le même jour, on peut voir que les mulets portent des éléments d’artillerie. Il s’agit de canons de montagne de 65 mm type 1906 en pièces détachées.

  • © Ministère de la Culture (France) – Médiathèque de l’architecture et du patrimoine – diffusion RMN
    Cette photo datant également de mars 1918 a été prise dans le camp de Aba el Lissan. Deux sous-officiers français, dont un blessé à la main, prennent la pose.

  • © Ministère de la Culture (France) – Médiathèque de l’architecture et du patrimoine – diffusion RMN
    Ce cliché étonnant a été pris en février 1918 dans le camp français de Gouéra. Il montre les préparations d’une séance de cinéma pour les soldats.

Le lieutenant-colonel Brémond, l’anti-Lawrence d’Arabie

À l’automne 1916, les soldats envoyés dans le Hedjaz, environ un millier d’hommes, sont commandés par le lieutenant-colonel Édouard Brémond, un Saint-Cyrien déjà connu pour ses faits d’armes au Maroc. « Il était arabisant. Il était très sensible au fait que pour faire de l’assistance militaire opérationnelle, il fallait bien comprendre la culture du pays. Cela a beaucoup facilité ses rapports avec ses homologues musulmans », estime Frédéric Jordan.

Très vite, le lieutenant-colonel Brémond réussit ainsi à établir une relation de confiance avec le chérif Hussein, mais ce rapprochement n’est pas vu d’un bon œil par l’autre grande figure de la révolte arabe, Lawrence d’Arabie.

Selon Frédéric Jordan, une véritable compétition naît entre les deux hommes : « Ils ne s’appréciaient pas. Ils n’avaient pas la même perception des troupes arabes. Lawrence d’Arabie les trouvait extraordinaires. Il voulait vivre au milieu d’eux comme un nomade, d’une façon un peu plus mystique. Il avait horreur de la guerre alors que Brémond était un soldat plus conventionnel, formé à l’européenne, qui trouvait les Arabes peu disciplinés et qui voulait apporter son sens de l’organisation. »

SUR CETTE PHOTO DE JUIN 1917, LE LIEUTENANT-COLONEL BRÉMOND, LE COMMANDANT COUSSE ET LE CAPITAINE PISANI S’ENTRETIENNENT AVEC UN DIGNITAIRE DE L’EMPIRE OTTOMAN.
© Collection personnelle Frédéric Jordan

Le mythe sur grand écran

De ce combat de personnalités, c’est finalement le Britannique qui sort vainqueur. Sous sa pression, son concurrent français est renvoyé à Paris à la fin de l’année 1917 et est remplacé par son adjoint, le commandant Cousse. Mais c’est dans la construction de sa légende que Lawrence d’Arabie se révèle le plus fort.

Dans le film éponyme du réalisateur David Lean, c’est l’auteur des « Sept Piliers de la sagesse » qui crève l’écran lors des épisodes majeurs de la Grande révolte arabe : sabotage du chemin de fer du Hedjaz, prise d’Aqaba en juin 1917 et enfin celle de Damas en septembre 1918, un mois avant la signature de l’armistice par les Ottomans. Sur le grand écran, les Français sont les grands absents de l’histoire, alors que le capitaine Rosario Pisani est pourtant lui aussi entré dans la capitale syrienne, aux côtés de Fayçal, le fils du chérif Hussein. 

Pour Frédéric Jordan, cette omission ne doit pas seulement être imputée à la forte personnalité de Lawrence d’Arabie : « Les Français n’avaient finalement pas trop d’attachement pour ce qu’il se passait en Orient. On se concentrait surtout sur les théâtres d’opérations en Occident, alors que du côté britannique, il y avait un grand intérêt stratégique dans cette région. Brémond n’a écrit qu’un livre sur le sujet*, dans les années 30 et en catimini. »

Cent ans après l’arrivée de la mission militaire française dans le Hedjaz, le colonel Jordan regrette que le rôle de ces hommes reste toujours dans l’ombre : « Ils ont fait face à des conditions de vie très difficiles. Leur ravitaillement était compliqué. Ils ont parcouru des milliers de kilomètres dans des zones désertiques, mais ils ont eu la capacité de s’adapter à ce milieu et aux circonstances pour remplir leur mission », estime-t-il.

Pour lui, les soldats de 2016 sont plus que jamais les héritiers de ces aînés : « Il y a quelques années en Afghanistan et aujourd’hui en Afrique, on a refait ce qu’on faisait au début du XXe siècle, c’est-à-dire apporter de l’assistance militaire opérationnelle ou de la formation à d’autres armées. Finalement, nous n’avons rien inventé. »

*Le Hedjaz dans la guerre mondiale, Édouard Brémond, Payot, 1931

LE CAPITAINE FRANÇAIS PISANI A FAIT PARTIE DE LA DÉLÉGATION DE L’ÉMIR FAYÇAL LORS DES NÉGOCIATIONS DE PAIX À VERSAILLES EN 1919.

En arrière-plan, de gauche à droite derrière l’émir : Rustum Haidar, Nouri Saïd, le capitaine Rosario Pisani, Lawrence d’Arabie, le garde du corps soudanais de Fayçal et le capitaine Hassan Khadri. © Wikimedia.org

france24.com

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
OLIVIER COMTE

La GRANDE REVOLTE ARABE était le titre de l’exposition d’Amman. Vous pourrez voir sur les photos officielles un grand drapeau français, avec un grand drapeau de l’Union Européenne et un petit drapeau de Jordanie. Parler de
l’histoire de l’ Armée Française est une bonne chose quand les rêves politiques sont déposés sur le Proche Orient pour masquer les réalités militaires. Cette mascarade officielle nous rappelle que nous ne sommes plus un pays souverain.

La GRANDE révolte Arabe n’a jamais existé. La « révolte » du Hedjaz est une petite annexe de la Première guerre au Moyen Orient. Principalement, je regrette qu’un site juif soutienne ces erreurs historiques qui n’ont servi que le pouvoir hachémite. La réalité fut ces dix millions de livres sterling versés à la révolte arabe par les Britanniques et la guerre de guérilla plus favorisée par le général Wingate que par le capitaine Lawrence.
Le chérif Hussein était un personnage médiocre, nommé par Constantinople, utilisant les troupes turques pour mater l’opposition, et choisissant la « révolte » quand il apprit sa destitution prochaine.
L’ émir Fayçal était certainement un personnage remarquable mais il recherchait son pouvoir personnel, non une souveraineté arabe. Son entrée à Damas est une plaisanterie. Damas avait été abandonnée par les Turcs, Fayçal devait y entrer en premier, mais les réalités militaires firent qu’une brigade Australienne entra d’abord à Damas. Fayçal ne fut accepté par les Syriens que pour tenter de mettre en échec les plans français, qui étaient les plans alliés. Il faut rappeler l’aveuglement du parti colonial en France, qui croyait à la popularité de la France en Syrie et aux richesses de ce pays, qui voulait mettre la main sur la Palestine, et sur toute la côte méditerranéenne. Le rigorisme religieux de Fayçal le rendit vite impopulaire. Tout cela avait commencé par l’ assassinat de l’émir Abd el Kader, pour montrer que les habits démocratiques sont incongrus en Arabie.

Il faudrait rompre avec ce conte de fées Lawrence qui ne peut servir que l’ignorance des réalités militaires et les nationalisme arabes. Si nous devons évoquer ces souvenirs, il faut penser à la leçon des ambitions Turques dans le Caucase et l’ opposition séculaire avec la Russie. Rien n’a changé, sinon l’existence d’Israël comme force de stabilisation.