Moins 75% sur l’immigration aux États-Unis depuis l’élection de Donald Trump : radioscopie d’un tournant historique

En 2016, l’immigration nette aux Etats-Unis dépassait le million de personnes. Elle a baissé d’environ 75 %, passant sous la barre des 250 000 en 2021. La politique mise en place par Donald Trump et son discours très ferme pendant son mandat ont-ils pu jouer sur les mentalités et l’envie d’aller aux Etats-Unis ?

En 2016, l’immigration nette aux États-Unis dépassait le million de personnes. Celle-ci a baissé d’environ 75 %, passant sous la barre des 250 000 en 2021. Elle a chuté de plus de la moitié dans presque tous les points chauds pour les migrants nés à l’étranger, notamment New York, Miami, Los Angeles et San Francisco. Cette situation est-elle due à un contexte particulier comme la pandémie de Covid-19 ou peut-on l’imputer à la politique mise en place par Trump pendant son mandat ?
Gérald Olivier : Il faut se méfier des chiffres de 2020 et de 2021 car ils résultent autant de la pandémie que des politiques mises en place. Néanmoins, Donald Trump avait fait de l’immigration un thème majeur de sa campagne en 2016, avec la promesse de réduire l’immigration légale et de stopper l’immigration clandestine. Au vu de certains chiffres, il y est parvenu.
En effet, en 2016, il y avait environ un million de nouveaux immigrants légaux aux Etats-Unis. Un chiffre stable depuis trente ans. Avec la pandémie, en 2020, il y a eu un arrêt total de la délivrance de cartes vertes, la suspension temporaire des vols vers les Etats-Unis et les entrées sur le territoire américain ont considérablement baissé. Avec l’arrivée de Joe Biden à la présidence, en janvier 2021, de nombreuses restrictions à l’entrée sur le territoire américainont été levées, notamment le fameux « Muslim Ban » qui consistait à interdire l’entrée sur le sol américain aux ressortissants de certains pays musulmans connus pour abriter des terroristes et des djihadistes. Donald Trump avait également limité l’accueil de réfugiés, qui entrent dans le décompte des immigrants légaux. 100.000 avaient été accueillis en 2016 et seulement 30.000 en 2020.
Pourtant, Donald Trump n’est jamais parvenu à imposer toutes les réformes qu’il voulait mettre en place. Une loi, nommée « RAISE » (Reforming American Immigration for Strong Employment) est en suspens depuis bientôt 5 ans. Elle avait été introduite par deux sénateurs Républicains en 2017 et visait à réduire d’environ 50% l’immigration légale aux États-Unis, par une révision du système de regroupement familial puisque l’essentiel des migrants légaux arrivent sur le sol américain par ce biais ; par l’élimination de la « loterie », qui octroie cent mille cartes vertes tous les ans totalement au hasard ; par un plafond à l’accueil des réfugiés ; et par une réforme de l’accession à la citoyenneté pour les enfants d’immigrants clandestins nés aux Etats-Unis. Cette loi était soutenue parle président Trump mais elle n’a jamais été votée par le Sénat.
Patrick Stefanini : Si on se réfère à ce qui s’est passé en France et dans l’Union européenne, incontestablement, la pandémie a lourdement affecté les flux migratoires. Pour la France, les demandes d’asile ont chuté en 2020 de près de 40 % par rapport à 2019, qui était une année record avec plus de 135.000 demandes. Sur les titres de séjour, là aussi l’année 2019 avait été une année record avec plus de 275.000 titres de séjour délivrés ; nous avons assisté à une baisse de 20 % sur les titres de séjour. La pandémie a donc ralenti les flux migratoires. Cela s’explique par le fait que nos consulats à l’étranger ont été fermés pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Les services des préfectures ont aussi fermé pendant plusieurs semaines.
Les continents nord et sud-américains n’ont évidemment pas échappé à la pandémie et je ne vois pas pourquoi l’effet de frein qui a été constaté au niveau européen et français n’aurait pas joué aux Etats-Unis et dans les pays d’Amérique centrale et d’Amérique latine. Ceci dit, je pense qu’en plus des effets de la pandémie, le président Trump a braqué les projecteurs sur le contrôle des frontières. C’est un sujet qui, dans l’actualité politique en France et en Europe, n’est pas suffisamment abordé. Quand on consulte les programmes des principaux candidats, il y a des mesures sur la régulation de l’immigration légale, sur la lutte contre l’immigration illégale, sur le traitement des clandestins, sur l’acquisition de la nationalité… Mais la question des frontières, du contrôle des frontières, du contrôle des étrangers avant qu’ils ne pénètrent sur le territoire de l’Union européenne ou sur le territoire français, n’est pas suffisamment abordée.
Valérie Pécresse y attache de l’importance. Elle avait fait au début de sa campagne un déplacement en Grèce, pays qui avait été marqué en 2015 par son impuissance à contrôler les flux migratoires en provenance de Turquie. C’est un pays qui en a tiré les conséquences et dans lequel le nouveau gouvernement conservateur a mis en œuvre depuis deux ans des mesures à la fois de bon sens et énergiques qui lui ont permis de redresser spectaculairement la situation. Le flux des clandestins à destination de la Grèce s’est effondré en 2021 par rapport à ce qu’il était les années précédentes. On ne peut pas attribuer cet effondrement à la pandémie qui sévissait déjà en 2020. C’est bien la mise en œuvre de mesures de contrôle de la frontière extérieure de la Grèce, notamment pour toutes les villes qui sont à proximité du littoral de la côte turque, qui ont permis au gouvernement grec de reprendre le contrôle de l’immigration.
Donald Trump a braqué le projecteur sur le sujet et tenait, au-delà des actes marquants, un discours très ferme. Au-delà des mesures, le discours très ferme de Trump sur le sujet a-t-il pu jouer sur les mentalités et l’envie d’aller aux Etats-Unis ?
Gérald Olivier : Certainement. Du temps de la présidence de Donald Trump, de nombreux immigrants ont renoncé à tenter de venir s’installer aux États-Unis estimant que ce n’était pas le bon moment. Ils savaient qu’ils seraient pourchassés, renvoyés et qu’ils auraient de nombreuses difficultés à régulariser leur situation. De plus, le discours de Trump était relayé par un certain nombre d’associations qui viennent en aide aux migrants en Amérique Latine. Le flot de candidats à l’immigration clandestine avait donc baissé de manière drastique.
Par exemple, sous Donald Trump, les demandeurs d’asile politique étaient obligés de quitter le territoire américain tant que leur dossier était étudié. De nombreuses personnes hésitaient donc à venir aux États-Unis. De plus, la loi américaine interdisant aux mineurs d’être incarcérés pour des fautes commises par leurs parents, les familles qui tentent d’entrer illégalement sur le sol américain peuvent être temporairement séparées de leurs enfants. C’est une politique de toutes les administrations, mais Donald Trump est le seul président qui insistait pour faire savoir qu’elle serait systématiquement appliquée par ses agents.Parce qu’il savait que cela aurait un effet dissuasif sur les candidats.De fait, le nombre d’interpellations de clandestins à la frontière mexicaine avait chuté radicalement à la fin du mandat de Donald Trump : trente mille par mois à peine, contre plus de cent mille habituellement et plus de cent-cinquante mille en moyenne par mois depuis que Biden est président.
Patrick Stefanini : Je ne connais pas suffisamment la situation aux Etats-Unis ou au Canada, mais en ce qui concerne l’Union européenne, on sait qu’il y a plusieurs routes migratoires qui permettent de la rejoindre. Il y a la route qu’on appelle la Méditerranée orientale, de la Turquie vers la Grèce et de la Grèce vers les Balkans ; il y a la route de la Méditerranée centrale, à partir de la Tunisie, de la Libye, ou de l’Algérie, vers l’Italie. Et enfin, il y a la route de la Méditerranée occidentale, à partir de la Mauritanie et du Maroc en direction de l’Espagne continentale ou des Canaries. On sait d’expérience que lorsqu’un gouvernement tient un discours de fermeté et pratique une politique de fermeté sur sa frontière extérieure, les flux migratoires se déplacent.
Par exemple, l’action du gouvernement grec depuis deux ou trois ans, et dont je vous ai dit les résultats en termes d’effondrement des flux de clandestins, s’est traduite par une remontée des flux sur les deux autres routes et notamment sur la route de la Méditerranée centrale. Donc oui, le fait qu’un gouvernement tienne un discours de fermeté sur ces questions d’immigration, notamment sur les questions d’immigration clandestine, est de nature à décourager des candidats à l’immigration.
Que peut-on donc faire en France ? Faut-il que le discours se réarme, que des mesures soient prises ? Y a-t-il des leçons que l’on peut tirer de ce qui s’est passé aux Etats-Unis pour notre propre gestion de l’immigration ?
Gérald Olivier : Aux États-Unis, la question de l’immigration dépend du Congrès. Passer une réforme sur les questions migratoires est relativement facile, à condition d’obtenir le nombre de voix nécessaires. En France, il y a l’obstacle de l’Union Européenne et du traité de Lisbonne qui limitent les marges de manœuvre. Toutefois, en France comme aux Etats-Unis, voter une loi est une chose, faire appliquer la loi en est une autre. Les restrictions introduites sous Donald Trump aux Etats-Unis ont été combattues par un appareil judiciaire acquis à la cause des migrants et favorables à des « frontières ouvertes » (open border policy). Si les cours de justice et les magistrats ne suivent pas, imposer des limites à l’immigration légale ou clandestine est très difficile.
Patrick Stefanini : S’agissant du contrôle des frontières, il faut qu’on s’inspire de ce que font les Grecs et qu’on améliore de manière spectaculaire notre coopération avec nos deux principaux voisins. L’Italie et l’Espagne, pour des raisons différentes, se considèrent comme étant des pays de transit. C’est à dire qu’ils n’attachent pas la même importance aux contrôles de leurs frontières extérieures que le fait le gouvernement grec, car ils se disent qu’une partie des clandestins qui pénètrent sur leur sol ont en fait comme vraie destination la France, l’Autriche, ou la Suisse. Il faut donc absolument que nous réussissions à convaincre nos deux grands voisins que le contrôle de leurs frontières extérieures est primordial – pour l’Italie, ça se joue largement sur l’île de Lampedusa ; pour l’Espagne, sur les deux enclaves de Ceuta et Melilla, et aux alentours de Gibraltar. C’est à ce niveau-là que ces pays doivent prendre sérieusement en compte la question du contrôle de leurs frontières extérieures. Ils ont la responsabilité de ce contrôle, pas seulement pour eux et pour leur peuple, mais pour l’ensemble des pays de l’Union européenne. La frontière extérieure de l’Italie ou de l’Espagne, ce n’est pas seulement la frontière extérieure de chacun de ces deux pays, c’est la frontière extérieure de toute l’Union européenne. Il faudrait que la France développe avec ces deux pays une politique de coopération beaucoup plus poussée. Nous avons la chance, en France, que notre frontière maritime est très éloignée des pays d’Afrique du Nord, alors que Lampedusa se situe à 150 ou 170 kilomètres des côtes tunisiennes et que Gibraltar n’est large que de quelques kilomètres. Nous devrions développer notre politique de coopération avec ces deux pays, les aider à maîtriser leur frontière extérieure et faire en sorte qu’ils abandonnent leur mentalité de pays de transit pour assumer de manière sérieuse, complète, approfondie leurs responsabilités d’État de première ligne. Car une bonne partie des migrants qui réussissent à pénétrer clandestinement en Italie ou en Espagne veulent ensuite se rendre en France. Ce problème ne sera pas résolu seulement à la frontière entre l’Espagne et la France ou entre l’Italie et la France. C’est souvent trop tard à ce moment-là, d’autant qu’il s’agit de zones de montagnes difficiles à contrôler. La bataille se joue à la frontière extérieure et nous devrions aider ces deux pays à faire barrage à l’immigration clandestine.

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Merci

Il y a aucune volonté européenne à tout les niveaux pour le peuple , seuls les pays qui pratiquent une dictature y arrivent pour sécuriser leurs frontières et leurs emplois réservés , l’Europe politique ultra libérale et le patronat fonctionnent de pair pour imposer leur idéologie commerciale et esclavagiste ….tout le reste n’est sur bla bla