La première opération de l’armée irakienne à Mossoul s’enlise
Un Commandant peshmerga kurde de haute stature critique cette offensive, en déclarant à Now qu’elle est piètrement planifiée et exécutée.
MAKHMUR, IRAK – La semaine dernière, deux brigades de l’armée irakienne ont lancé leur première opération pour s’emparer de Qayarra, une ville le long du Fleuve Tigre, considérée comme une plaque tournante pour la future bataille visant à reprendre Mossoul. Quoi Qu’il en soit, elles n’ont pas progressé dans leur poussée vers l’ouest de Makhmur et n’ont repris que trois villages. Des Commandants importants de Peshmergas ont déclaré à NOW que l’opération était très mal préparée et planifiée.
« Les Irakiens ont annoncé une opération soutenue par la puissance aérienne de la Coalition visant à libérer plusieurs villes en proximité de Makhmur. Ces opérations sont une continuation des opérations de formation en vue de l’assaut éventuel afin de libérer Mossoul », a déclaré le Bureau des Affaires de l’Opération Résolution Absolue de la Coalition menée par les Etats-Unis.
Un porte-parole de la coalition, le Capitaine Moore, a décrit un tableau optimiste de l’offensive pour NOW la semaine dernière, en disant au téléphone que « les opérations ont été une réussite et les forces irakiennes sont parvenues à libérer trois villages. Elles poursuivent ces opérations ».
Les forces irakiennes dans la zone de Makhmur. (Courtesy of Wladimir van Wilgenburg)
Cependant, les analystes restent prudents en disant que cette bataille qu’on a anticipé depuis longtemps pour la libération de Mossoul requiert plus de temps et de préparation.
« Je pense que plus de temps sera indispensable avant que nous ne voyons les forces irakiennes près de la ville elle-même. Mais ce genre d’opérations est absolument nécessaire avant de pouvoir entreprendre le moindre mouvement de troupes sur Mossoul », a déclaré à NOW Sajad Jiyad, un analyste politique du Centre Al-Bayan pour la planification et les études basé à Bagdad.
« Je pense que ce sera une victoire et que cela enverra un message puissance à Daesh montrant que les forces irakiennes sont désormais à une courte distance de Mossoul et que les Forces spéciales Irakiennes sont passées à l’offensive très en profondeur dans ce qu’on avait pris l’habitude de considérer comme le territoire de Daesh », a t-il ajouté.
Michael Knights, expert de l’Irak au think-Tank du Washington Institute, a déclaré que l’offensive autour de Makhmur – un secteur à l’intérieur de la région autonome du Kurdistan situé approximativement à 70 kms au sud-Est de Mossoul – servait de « galop d’essai pour la 15ème Division » entraînée par des instructeurs américains à Bagdad.
« Les leçons ont été tirées, la manière forte et de nouvelles attaques vont maintenant être mises au point et exécutées », a t-il déclaré à NOW.
Les Kurdes et les Arabes sunnites de Mossoul sont très critiques à propos des progrès réalisés par l’armée irakienne. « Imaginez, cela leur a pris quatre jours et ils n’ont pas encore pris Al-Nasr, comment pourraient-ils libérer Mossoul? », a dit à Now un chef de tribu des Sabahawi, sous couvert de l’anonymat.
Le Général-Major Sirwan Barzani, qui est le Commandant des Peshmergas kurdes du secteur, pour le front de Gwer Makhmur, a fustigé les forces irakiennes pour leur incapacité à réaliser leur objectif de la prise de la zone de Hajj Ali, sur le rivage à l’Est du Tigre qui coule le long de Qayarra.
Au lieu de rejoindre le fleuve le long de la frontière de la province de Ninive dont la capitale est Mossoul, le responsable kurde affirme que les forces irakiennes « sont toujours coincées à Al Nasr », un village à 8 kms au Nord-Est de Qayarra.
« Si mes Peshmergas disposaient de la moitié de ces armes et véhicules blindés, on aurait pris ces villages en un maximum de deux jours », a t-il dit à NOW, lundi. Barzani a dit sa fierté que ses forces avaient repris 22 villages en seulement cinq jours dans un secteur sous son commandement l’an dernier, alors que les soldats irakiens sont encore à se battre péniblement pour prendre plus de quatre villages en une semaine entière.
« C’est peut-être une tactique de l’armée irakienne d’aller aussi lentement », dit-il. « Même Ramadi et Baiji leur a pris des mois… Je leur ai dit que s’ils allaient plus vite et divisaient leurs forces d’après leurs positions, ils perdraient moins d’hommes ».
Forces irakiennes dans le secteur de Makhmur. (Courtesy of Wladimir van Wilgenburg)
Il a ajouté que deux de ces villages que l’armée irakienne a récemment repris, Kudela et Karmardi, avaient brièvement été repris par les forces kurdes il y a quelques mois, mais que les forces tribales sunnites n’étaient pas capables de les tenir sans le soutien des Peshmergas et qu’elles avaient été contraintes de quitter cette zone.
« Ils voulaient que nous revenions et que nous restions là, mais j’ai dit que je m’en irai comme prévu », rappelle Barzani. « Ils nous ont demandé de rester deux nuits, mais je leur ai dit que je ne resterai pas une heure de plus ». Actuellement ces deux villages qui étaient presque vide quand les Irakiens les ont d’abord repris, sont à nouveau sous contrôle irakien.
« Quand la nouvelle opération de Makhmur a commencé, je n’étais pas là. Jusqu’à la dernière minute, il n’ya a eu aucune confirmation de la part de Bagdad », dit Barzani ce qui donne une indication de la faible coordination entre les forces kurdes et l’armée irakienne.
« J’ai parlé aux Commandants ici et leur ai demandé de repousser l’offensive », ajoute t-il. Cependant, ils avaient déjà commencé l’offensive. Aussi ai-je demandé aux Peshmergas de les aider et d’envoyer des troupes supplémentaires vers la ligne de front ».
Barzani se demande pourquoi l’armée irakienne n’a pas pris le temps en compte avant le lancement des opérations, qui ont finalement été remises à cause des mauvaises conditions atmosphériques qui ont entravé les frappes aériennes. « Les prévisions atmosphériques prédisaient une mauvaise pluie et un temps de brouillard, une semaine auparavant, dans ce cas, il est difficile pour les frappes aérinnes de venir aider », dit-il à NOW.
En outre, il a dit que les Irakiens ont fait l’erreur d’attaquer le village d’Al Nasr à partir d’une seule direction, au lieu de faire une percée à partir de trois point différents. : Tel Shair, Sultan Abdullah et Tel Nasr. « Je le leur ai dit hier, ils vont perdre beaucoup de soldats irakiens de cette façon, ils doivent se réorganiser, avec un nouveau plan, pour aller de l’avant en même temps ».
Barzani a expliqué qu’il avait déjà repoussé l’arrivée des troupes irakiennes depuis au moins sept mois. « Je leur ai dit à plusieurs reprises : terminez votre entraînement à Bagdad et ensuite, venez par ici. Si vous restez là, il va y avoir plus de pression contre mon secteur et ils vont commencer à envoyer des terroristes-suicide et procéder à des frappes au mortier », ajoute t-il.
« Pouvez-vous imaginer que les djihadistes de Daesh sont prêts à se suicider contre un barrage routier qui ne contient que deux soldats et pouvez-vous réaliser, maintenant, plus de 1.000 soldats concentrés sur une zone de 3 kms-carrés, qu’on puisse atteindre avec de l’artillerie et des obus de mortiers? », dit-il.
Les Etats-Unis ont subi la mort de l’un de leurs Marines, par Daesh, dans la zone de Makhmour, tué par un tir de roquette le 19 mars, contre une base de la coalition dans ce secteur, repérée par les espions de Daesh.
Published: 1/04/2016 03:47 PM
Wladimir van Wilgenburg est analyste politique et journaliste freelance spécialisé en politique Kurde, basé à Erbil.
Adaptation : Marc Brzustowski.
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