L’Opération Rempart lancée par Israël en 2002 avait donné lieu à un film-documentaire du cinéaste arabe israélien Muhamad Bakri. Ce film a créé une polémique et a été suivi d’actions en diffamation. Le dossier est toujours ouvert…

Une opération militaire, un film, une polémique…

Au début du mois de janvier, le général de réserve Avi Mizrahi, ancien commandant de la région militaire Centre, demande à rencontrer le chef d’état-major de Tsahal Benny Gantz.

Prenant prétexte des différentes enquêtes ouvertes récemment par le Procureur militaire de Tsahal concernant d’éventuels disfonctionnements durant l’Opération Bordure Protectrice de l’été 2014, Avi Mizrahi a évoqué devant le chef des armées un lourd dossier politico-juridique ouvert depuis près de 12 ans. Il s’agit des effets du film « Jénine, Jénine » réalisé par le cinéaste arabe israélien Muhamad Bacri à propos de l’Opération Rempart qui s’était déroulée en 2002.

Petit rappel. 27 mars 2002. La 2e Intifada bat son plein et les attentats meurtriers se suivent. Un terroriste palestinien s’introduit dans l’hôtel Park de Natanya et fait sauter la charge explosive qu’il porte sur lui dans la salle où les convives célèbrent la soirée pascale. Bilan : 30 morts et 160 blessés. Suite à cet attentat – qui faisait suite à bien d’autres – le gouvernement Sharon décide de lancer l’Opération Rempart destinée à nettoyer les foyers d’où partaient les terroristes pour perpétrer les attentats au cœur du pays. Dans l’un des quartiers du camp de réfugiés de Jénine, les combats sont particulièrement rudes car les soldats de Tsahal à pied vont de maison en maison, dont beaucoup avaient été piégées auparavant. Treize soldats sont notamment tués par une seule explosion dans un bâtiment.

L’interdiction d’entrée aux journalistes imposée par Tsahal permet de faire courir d’innombrables rumeurs quant au nombre de victimes palestiniennes et les chiffres les plus fantaisistes commencent à courir, relayés de manière automatique par les médias internationaux: 500 morts, 3.000 morts, découvertes de charnier avec 900 morts etc…

Finalement, une commission d’enquête de l’ONU ainsi qu’Amnesty International concluront au même bilan : 56 morts palestiniens tués, dont une majorité de terroristes armés, et 29 soldats de Tsahal.

C’est là qu’intervient le cinéaste arabe israélien Muhamad Bakri qui, juste après la fin des combats, entre dans le camp, interroge des habitants et réalise un film-documentaire, « Jénine, Jénine », financé par Yasser Abed Rabbo, membre du Fatah et soutenu par l’Autorité Palestinienne. Le film reprend à son compte les accusations de « massacre » et met en scène des « témoins » disant avoir assisté aux « exactions » des soldats de Tsahal, en dépit des conclusions officielles des commissions d’enquête.

Liberté de s’exprimer ou liberté de calomnier?

Ce film va entraîner de très vives protestations en Israël et ce dossier reviendra régulièrement à la une des titres depuis qu’en 2003, un groupe de soldats ayant combattu lors de cette opération, ainsi que des familles de soldats tués, vont commencer à intenter des actions en diffamation contre ce film mais aussi contre les établissements qui le programment en Israël. Leur but est de laver leur honneur, celui de Tsahal mais aussi de l’Etat d’Israël, d’autant plus que ce film va connaître un énorme succès à l’étranger, obtenant même plusieurs Prix dans des festivals internationaux.

Crédit photo: Abir Sultan - Flash 90

Le cinéaste arabe israélien Muhamad Bakri (à gauche) à la Cour Suprême 

Ces différentes actions en justice restent sans résultat concret jusqu’à ce jour, la jurisprudence israélienne ayant traditionnellement une interprétation très large de la liberté d’expression et de création artistique. Par exemple, le Conseil de la Critique Cinématographique va dans un premier temps interdire la projection de ce film en Israël au motif « qu’il s’agit d’un film de propagande, d’incitation à la haine et qu’il est de nature à délégitimer l’existence même de l’Etat d’Israël », mais Muhamad Bakri saisira la Cour Suprême qui lui donnera gain de cause.

Depuis lors, les requérants vont tenter à plusieurs reprises de faire condamner Bacri et interdire son film, mais en vain. Ainsi, le 10 décembre dernier, le Conseiller juridique du gouvernement, Yehouda Weinstein, saisi par des familles de soldats, confirme « qu’il ne souhaite pas prendre de décision contraire à celle de ses deux prédécesseurs », qui ont suivi l’avis de la Cour Suprême.

La récente demande de soutien faite par le général Avi Mizrahi au chef d’état-major est le dernier épisode en date de cette longue saga, mais il n’est pas sûr du tout qu’elle soit suivie d’effet. Ces soldats et réservistes devront probablement poursuivre seuls leur parcours du combattant pour obtenir justice et se disent aujourd’hui « abandonnés par l’Etat ».

Avi Mizrahi envisagerait maintenant de produire un contre-documentaire présentant la version israélienne sur cet épisode qui avait entraîné de très nombreuses réactions à travers le monde.

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