Face à la montée de l’antisémitisme, le gouvernement israélien doit prendre des mesures d’urgence.


The War of a Million Cuts : The Struggle against the Delegitimization of Israel and the Jews, and the Growth of New Anti-Semitism. By Manfred Gerstenfeld (Jerusalem Center for Public Affairs and RVP Publishers, 501pp.)


« The war of a million cuts, la guerre du million d’entailles » c’est le titre que Dr. Manfred Gerstenfeld a choisi pour son étude extrêmement fouillée sur l’entreprise de délégitimation d’Israël et des Juifs et le développement d’un nouvel antisémitisme, cette fois-ci non dirigé contre le Juif en tant qu’individu mais transformé en haine contre l’Etat d’Israël. Le phénomène n’est pas nouveau, mais Gerstenfeld en brosse un panorama qui l’éclaire de façon approfondie et en souligne des aspects moins connus.

Il énumère une à une ses sources qui sont hélas nombreuses : partis politiques, organisations appartenant à la société civile, les Nations Unies, églises, médias, milieux universitaires, artistes, personnalités et bien entendu pays arabes et organisations islamiques. Ce qui fait l’originalité de cet ouvrage, c’est qu’il présente la délégitimation d’Israël qui ressort de cette haine globale aux manifestations multiples comme un puissant processus qui approfondit son emprise dans la société européenne et se traduit par des atteintes et des dégâts qui sont comme « un million d’entailles » blessant le peuple juif et l’Etat d’Israël. Il s’agit donc d’une étude particulièrement importante et qui vient à point, comme en témoignent les messages d’appréciation d’hommes politiques européens de premier plan qui figurent sur la couverture ; l’ancien premier ministre espagnol Jose Maria Aznar a même rédigé la préface.


Cette « guerre d’un million d’entailles » écrit Gerstenfeld, occulte à court terme l’antisémitisme des sociétés européennes. S’y proclamer antisémite est encore largement inacceptable, mais les antisémites ont trouvé une nouvelle façon de l’exprimer en dirigeant leur haine contre l’Etat d’Israël. Car il faut bien voir que l’antisémitisme n’a jamais disparu. Peu de temps après la deuxième guerre mondiale, plusieurs pays d’Europe se sont violemment opposés au retour des Juifs ayant survécu à l’Holocauste dans les maisons où ils vivaient avant la guerre, maisons occupées désormais par d’autres. Un problème qui n’a toujours pas trouvé de solution et n’en trouvera sans doute jamais.

Dans les années qui suivirent, l’antisémitisme a connu des hauts et des bas, reculant après la Guerre des Six-Jours et prenant de l’ampleur avec le développement du conflit arabo-israélien et notamment la seconde guerre du Liban et l’opération « Bordure protectrice ». C’est aussi alors qu’est apparu un élément nouveau qui devint crucial, poursuit Gerstenfeld : l’arrivée massive d’immigrants musulmans qui ont jeté les fondements d’une propagande antisémite arabe secondée par la gauche européenne. C’est ainsi que se sont développées des attaques contre Israël présentées comme des critiques légitimes de la politique israélienne dans les Territoires et « contre l’occupation » et allant jusqu’à justifier des atteintes aux Juifs d’Europe « coupables » de soutenir Israël « qui se livre à un génocide contre les Palestiniens ».

C’est à Durban en 2001, lors de la conférence de l’ONU contre le racisme, qu’a atteint son paroxysme cette alliance contre nature d’une gauche révolutionnaire à la recherche d’une cause à la suite de l’effondrement de l’Union Soviétique et de Musulmans dont la culture rejette les droits de l’homme tels qu’ils sont compris en Occident : l’Etat d’Israël a été accusé de racisme, d’apartheid et d’actes de génocide tandis qu’on reconnaissait aux Palestiniens le droit de le combattre par tous les moyens pour obtenir leurs buts et notamment le retour des réfugiés. Ce qui revenait à appeler à la destruction de l’Etat juif et à rejeter le droit du peuple juif à un état indépendant. C’est à juste titre que Gerstenfeld voit dans cette déclaration le tremplin du nouvel antisémitisme, la haine universelle d’Israël ainsi que la base de l’établissement de l’organisation BDS – Boycott, désinvestissement et sanctions – qui a fait d’elle son drapeau.

Ecrivain, économiste et spécialiste de l’étude de l’Holocauste, Manfred Gerstenfeld est lui-même un rescapé. Fuyant la montée du Nazisme sa famille a quitté Vienne, en Autriche, où il est né, pour se réfugier en Hollande où Ils réussirent à se cacher et à survivre l’occupation nazie. Après des études d’économie couronnées par un doctorat, il commença une carrière de consultant mais son expérience personnelle et son activité sioniste en Hollande le poussèrent rapidement à se consacrer à l’étude de l’antisémitisme.

Un ami, le regretté Professeur Daniel Elazar, fondateur du Centre de Jérusalem pour les Affaires publiques et de l’Etat (JCPA) le convainquit de venir le rejoindre, lui permettant ainsi de développer ses recherches. Manfred Gerstenfeld établit au sein de Centre un programme d’étude de l’antisémitisme et fit venir des spécialistes du monde entier pour donner des conférences sur tous les aspects de ce phénomène. Le JCPA devint rapidement l’un des principales institutions traitant de l’antisémitisme. Gerstenfeld est l’auteur de nombreux articles et ouvrages et notamment « Les habits neufs de l’antisémitisme » en français, publiés en 2004 en collaboration avec Shmuel Trigano, Academics and the Jews (2007) « Behind the Humanitarian Mask : the Nordic Countries, Israël and the Jews » (2008). Il s’agit chaque fois d’éclairer comment l’Europe et ses élites ont trahi les Juifs et l’Etat d’Israël.


Le livre qu’il publie aujourd’hui est une véritable somme des foyers de l’antisémitisme comme il a été vu plus haut, bien que l’auteur avertisse qu’elle est loin d’être complète. Pour en démontrer les excès Il cite pêle-mêle à titre d’exemples les « champions » de l’antisémitisme de ces dernières années répertoriés par le Centre Wiesenthal : en 2012 cette liste comprenait les Frères Musulmans, le régime iranien, le caricaturiste brésilien Carlos Latauf, les supporters des clubs européens de Football, les partis Svoboda en Ukraine, Aube Dorée en Grèce, Jobbik en Hongrie, Trond Ali Linstad, un norvégien converti à l’Islam, le journaliste allemand Jakob Augstein et bien entendu Lous Farrakhan dirigeant de la « Nation de l’Islam » aux Etats Unis. En 2013 vinrent s’ajouter à cette liste non exhaustive l’Ayatollah Khamenai, Tayip Erdogan, Richard Falk auteur du scandaleux rapport de l’ONU sur la Palestine, l’organisation BDS et d’autres encore.


Ce terrifiant ensemble d’activités de grande ampleur pilotées par les Musulmans et les mouvements de gauche a enflammé contre Israël la scène politique et la rue, essentiellement en Europe et sur d’autres continents. Cela se manifeste notamment par la diffusion des pires calomnies contre Israël, comparée à l’Allemagne nazie, accusée d’assassiner délibérément des enfants palestiniens et même de se livrer au génocide des Palestiniens. On ne compte plus les violences contre les Juifs, et les appels à leur extermination. On ne s’étonne plus de voir la foule crier « Mort aux Juifs » dans des manifestations en Europe. Parallèlement un travail insidieux veut occulter le fait que le Judaïsme est à la source du Christianisme : Jésus est présenté comme un palestinien avec l’aide de centres catholiques antisémites. Selon Gerstenfeld, un seul livre ne suffirait pas à énumérer les accusations les plus invraisemblables dirigées contre Israël. Il y a là une entreprise de propagande sophistiquée qui travaille sans relâche et fait usage des médias et des réseaux sociaux pour décupler l’impact de ses messages. Il faut parfaire la diabolisation d’Israël, son isolement et son affaiblissement tout en terrorisant les Juifs considérés comme ses soutiens.


Une offensive d’une telle envergure menée par tant d’attaquants depuis tant d’années, n’a qu’un seul but, résume Gerstenfeld : enraciner dans le monde et surtout dans « l’Europe éclairée » l’idée qu’Israël et les Juifs représentent le mal absolu et qu’il faut les anéantir.


L’auteur passe en revue un à un les pays de l’Union européenne où se développe le nouvel antisémitisme, mettant en lumière à quel point ce phénomène a effectivement pris racine dans les populations au point qu’elles jugent Israël aussi dangereux pour la paix du monde que l’Iran et la Corée du Nord et que 40% des citoyens de l’Union européenne admettent dans des enquêtes d’opinion publique avoir des sentiments antisémites à tel ou tel degré. Le résultat ? Un début d’exode des Juifs d’Europe particulièrement en France où se trouve la plus grande communauté juive du monde après celle des Etats Unis. Pourtant selon Gerstenfeld les institutions gouvernementales en Europe font mine de ne rien remarquer et ne prennent pas la défense des Juifs ; médias et intellectuels, quand ils ne s’attaquent pas eux aussi aux Juifs et à Israël, font semblant de ne rien voir, aidant ainsi la propagande arabe. Pire encore, les accusations mensongères portées contre Israël sans cesse répétées par l’extrême gauche et les Musulmans – génocide, et mauvais traitements infligés aux Palestiniens – sont désormais acceptées per l’Union européenne qui exerce des pressions politiques et économiques qui font un tort considérable à Israël.


Dès le début de son ouvrage, Manfred Gerstenfeld prend soin de souligner que son but n’est pas de se livrer à une étude académique des tenants et aboutissants du nouvel antisémitisme, mais bien de lancer un cri d’alarme et d’appeler le gouvernement israélien à mettre au point sans attendre un plan d’action énergique contre le phénomène qui menace le pays et qui frappe durement les Juifs. Il s’étend longuement sur le fait que les gouvernements qui se sont succédés jusqu’ici ont ignoré le problème. Le phénomène a pris de telles proportions, dit-il, qu’il est urgent de créer des structures réunissant les éléments susceptibles d’agir tout en réunissant le plus d’informations possibles, de cadres et de moyens financiers. Il est regrettable qu’aujourd’hui encore on trouve des Israéliens qui soutiennent qu’on exagère l’importance du phénomène ce qui selon eux porte atteinte à la réputation d’Israël, et que si des Juifs se sentent menacés, ils n’ont qu’à venir vivre en Israël. Une lecture approfondie du livre de Gerstenfeld montre à quel point ces arguments sont faux et que le danger est bien réel. Le gouvernement israélien ne peut l’ignorer plus longtemps.


On ne peut que souhaiter que cet ouvrage soit traduit dans de nombreuses langues et largement diffusé, sans pourtant se faire d’illusion sur son impact.

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Zvi Mazel

dimanche 11 octobre 2015

desinfos.com

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Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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