(Bloomberg) – La France a ouvert une enquête sur une possible ingérence de la Russie derrière les manifestations dans tout le pays des gilets jaunes, après que des comptes de réseaux sociaux liés à Moscou sont, de plus en plus, venus gonfler le mouvement.

Selon l’Alliance for Securing Democracy (Sécuriser la Démocratie), environ 600 comptes Twitter connus pour promouvoir les points de vue du Kremlin ont commencé à se focaliser sur la France, renforçant ainsi leur utilisation du hashtag #giletsjaunes, nom français du mouvement. Les services de sécurité français se penchent sur la situation, a déclaré dimanche le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, lors d’un entretien à la radio avec RTL.

La Russie a été critiquée pour avoir utilisé les réseaux sociaux pour influencer les élections aux États-Unis et ailleurs. Les tentatives d’utilisation de faux reportages (Fake News) et de cyberattaques pour compromettre la campagne du président français Emmanuel Macron en 2017 ont échoué, mais des sites liés à la Russie ont diffusé des informations douteuses sur une mutinerie au sein de la police et sur le soutien des policiers aux manifestations.

« Une enquête est en cours », a déclaré Le Drian. « Je ne ferai pas de commentaires avant que l’enquête ait abouti à des conclusions. »

Les comptes Twitter surveillés par l’alliance contiennent généralement des informations américaines ou britanniques. Mais les manifestations françaises « sont au sommet ou presque au sommet » de leur activité depuis au moins une semaine, selon Bret Schafer, analyste des réseaux sociaux basé à Washington. «C’est une indication assez forte qu’il existe un intérêt à amplifier le conflit» pour un certain public situé hors de France.

L’Alliance for Securing Democracy est une unité du German Marshall Fund des États-Unis, qui surveille les activités en faveur du Kremlin.

L’affirmation du mécontentement de la police – qui ne semble pas être étayée par des faits – ressemble à d’autres campagnes de désinformation soutenues par le Kremlin qui ont tenté de susciter la méfiance envers les gouvernements occidentaux et de montrer que les démocraties libérales sont en déclin, dit Schafer.

Médias d’Etat russes

Une grande partie du contenu tweeté provient de médias russes, y compris du site Web d’informations Spoutnik, du réseau de télévision RT et de Ruptly, une agence de presse vidéo basée en Allemagne et appartenant à RT. Ces points de vente couvrent de près la crise française ; RT a déclaré que 12 de ses journalistes avaient été blessés lors des manifestations, beaucoup plus que toute autre agence de presse.

Sputnik et RT ont rapporté ces derniers jours que la plupart des forces de police françaises ne soutiennent plus Macron et se rangent du côté des manifestants. Leurs sources : des représentants de deux petits syndicats de policiers qui, ensemble, ont remporté moins de 4% des voix aux élections syndicales nationales organisées ce mois-ci. Sputnik et RT ont également montré une vidéo – largement partagée sur les médias sociaux français – de la police de Pau, ville du sud-ouest du pays, retirant leurs casques, ce qui a été décrit comme un signe de solidarité avec les manifestants. La police locale et les journalistes présents sur les lieux ont déclaré que la description était fausse. Ils ont déclaré que certains  policiers avaient brièvement retiré leurs casques pour parler aux manifestants avant de les remettre.

En réponse aux questions de Bloomberg News, Sputnik a par la suite, corrigé son article sur la solidarité de la police à Pau avec les manifestants, affirmant que le rapport « n’a pas encore été étayé par des preuves ». RT a déclaré que son article sur la police côtoyant les manifestants, basé sur les commentaires du président d’un syndicat de policiers très minorisé, était justifié par le fait qu’il avait été cité par d’autres organes de presse.

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Marine Le Pen

Macron s’est plaint à plusieurs reprises, au cours de sa campagne de 2017, que les médias contrôlés par le Kremlin diffusaient de fausses informations à son sujet, parce qu’il avait adopté une position plus dure envers la Russie que ses principaux rivaux, Marine Le Pen du Front national d’extrême droite et François Fillon du Parti républicain conservateur. . Mais des histoires négatives, telles qu’un reportage de Sputnik affirmant que Macron vivait une «double vie» et s’appuyaient sur un «lobby riche favorable aux gays», n’ont jamais réussi à gagner du terrain dans l’opinion publique.

Dans un cas, un faux site Web ressemblant à celui d’un journal belge (Le Soir.be) a révélé que la campagne de Macron était financée par l’Arabie saoudite. La source du canular n’a jamais été déterminée, mais le groupe de travail East Stratcom de l’Union européenne, qui suit les efforts de désinformation menés par la Russie, a déclaré qu’il présentait des similitudes frappantes avec un précédent incident lié à une «usine à trolls» russe, installée à Saint-Petersbourg.

Par ailleurs, la campagne Macron a été l’objet d’attaques répétées de phishing par courriel, ressemblant à celles utilisées par la Russie contre les organisations du parti démocrate aux États-Unis. Le Kremlin a déclaré qu’il n’était impliqué dans aucune fausse information ni cyberattaque sur Macron, qualifiant ces accusations de « diffamation ».

– Avec l’aide de Nate Lanxon et Hélène Fouquet.

Pour contacter les journalistes sur ce reportage : Carol Matlack à Paris à cmatlack@bloomberg.net; Robert Williams à Paris à rwilliams323@bloomberg.net

Pour contacter les responsables de cette histoire: Kenneth Wong à kwong11@bloomberg.net, Frank Connelly, Geraldine Amiel

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