Joseph Nassi: du marrane au Duc de Naxos

Son père, de la famille Nassi-Mendès, quitta l’Espagne en 1492, après l’Inquisition,  pour le Portugal. Puis, malgré l’application du décret d’expulsion en 1497, la famille y resta en devenant marrane.

Les années au Portugal

Né au Portugal, en 1524, dans une famille de conversos Joseph reçut le nom de baptême  de Joao Miguez.

Il était  le fils d’un professeur de médecine de l’Université de Lisbonne, ses oncles étaient de richissimes banquiers, ayant, outre une succursale à Anvers, des intérêts importants dans divers pays, en France et à Venise. En 1536, il a 12 ans, l’Inquisition s’installa au Portugal afin de traquer les conversos

Joao s’enfuit à Anvers

Il fut obligé de partir pour Anvers avec sa tante Donna Gracia qui avait décidé de quitter le Portugal, devenu aussi inhospitalier que l’Espagne; elle emmena Reyna, son unique enfant, ses deux neveux, Joseph et Samuel, et quelques membres de sa famille.

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Cette femme étonnante  joua un grand rôle dans la vie de son neveu dont elle devint par la suite la belle-mère.

Joseph fit des études à l’Université de Louvain, puis entra dans les affaires familiales, il en prit la direction en 1545. Il était alors en liaison avec les Grands de l’époque: l’empereur Charles Quint, le roi de France François Ier.

Le roi de France emprunta une somme considérable à la Banque Mendez. Un autre client fut la Régente des Pays-Bas, la Reine Marie, sœur de l’Empereur Charles V. Elle prodigua les honneurs à Don Joseph.

Devant l’impossibilité de pratiquer ouvertement le Judaïsme à Anvers, la famille décida de gagner le royaume de France et les cités italiennes tout en ménageant au mieux les intérêts de la banque Mendès.

Néanmoins, ils durent accepter de perdre une bonne partie de leur fortune avant de pouvoir partir pour Venise en 1549. Ils avaient conçu leur projet et travaillaient à sa réalisation dans le plus grand, secret.

Charles V soupçonna-t-il ce qui se tramait en silence ? Il faut le croire, car il s’apprêtait à saisir toute la fortune des Mendez quand Don Joseph et sa tante réussirent de justesse à fuir d’Anvers et à prendre le large à la faveur de la nuit, emportant avec eux une part très importante de leurs richesses.

Dans les cités italiennes

Ils arrivèrent à Venise sains et saufs sous les noms d’emprunt de Juan Miguel et Béatrice de Luna. Là ils tentèrent, afin de venir en aide à leurs frères dans le malheur, d’acheter aux Vénitiens l’une des petites îles avoisinantes.

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Mais une remarque imprudente échappée un jour à un parent de Doña Gracia révéla leur secret. L’identité de Don Joseph et de sa tante fut connue.

On découvrit que la famille Nassi-Mendez pratiquait clandestinement le judaïsme et nourrissait le projet de le faire ouvertement aussitôt qu’elle aurait passé la dernière frontière chrétienne.

Doña Gracia fut prise et jetée en prison. Tout ce qu’ils possédaient, elle et son neveu, fut confisqué. Toutefois, Don Joseph et le reste de la famille réussirent à fuir en direction de Ferrare où régnait le bon et noble duc d’Esté.

L’histoire de Doña Gracia et de Don Joseph, dès qu’elle fut connue, fit sensation dans les milieux influents de plusieurs pays.

Le roi de France qui devait à la Banque Mendez une somme énorme déclara nulle sa dette. Il avait emprunté à des Chrétiens, dit-il, non à des Juifs. Suivant son exemple, d’autres notabilités qui avaient bénéficié de prêts substantiels de la Banque Mendez renièrent elles aussi leurs signatures.

Pour le moment, Don Joseph avait à faire face à des problèmes plus urgents. Il envoya à son ami Rabbi Moché Hamon, médecin personnel du grand sultan Soliman, un message où il le priait d’implorer le souverain afin qu’il délivrât Doña Gracia.

Soliman vit aussitôt tout le parti qu’il pourrait tirer de l’affaire. Installer en Turquie tous ces nobles juifs s’accompagnerait d’un grand profit pour le pays. Il envoya un ambassadeur spécial à Venise pour demander la relaxe de Doña Gracia et la restitution de sa fortune ; faute de quoi il entreprendrait une expédition contre la République.

Le Conseil de Venise relâcha aussitôt Doña Gracia. Quant aux biens confisqués à la famille Mendez il ne lui fallut pas moins de deux ans pour se décider à les restituer.

Entre temps tous les Mendez revenaient ouvertement à la foi juive et rejetaient leurs noms d’emprunt. Un grand nombre de Marranos qui s’étaient groupés autour d’eux suivirent leur exemple. Le duc, d’esprit libéral et plein de droiture, les protégea et s’opposa à l’extension jusque dans son pays de l’action odieuse de l’Inquisition.

En 1552 la communauté entière que composaient les ex-Marranos affrétèrent des navires et mirent le cap sur les rives hospitalières de la Turquie.

Joseph à Constantinople

Il rejoignit sa tante à Constantinople où il retrouva son identité juive: il se fit circoncire et reprit son véritable nom, Joseph Nassi.

Réputé pour ses connaissances des affaires européennes, ses relations internationales, ses qualités de banquier, le sultan Soliman le Magnifique se l’attacha; comme il songeait à déclarer un jour ou l’autre la guerre. à l’Espagne, il s’adressait souvent à Joseph pour avoir des données certaines sur la situation politique et militaire de ce pays.

Il devint aussi l’homme de confiance de son fils et héritier Selim II qui lui attribua en 1566 le titre de Duc de Naxos.

Il soutint la révolte des Pays-Bas contre l’Espagne (1567).  Poussé par sa tante Gracia Nassi , il réussit à imposer le boycott commercial du port italien d’Ancône en représailles des persécutions subies par les juifs de cette cité.

Joseph Nassi, le protecteur des juifs

Comme sa tante il s’intéressa au sort des juifs, anciens conversos et chercha à mieux assurer leur sécurité.

Grâce à ses nombreuses actions de secours, des milliers de Juifs ont bénéficié d’une situation plus sûre, que leurs coreligionnaires des autres États européens leur enviaient.

Précurseur du sionisme politique, il envisagea le retour des juifs en Erets-Israël avec l’appui du sultan. Il obtint la concession, contre une redevance annuelle, de la ville de Tibériade, en ruines et de sa région.

Investissant une partie de sa fortune, il essaya d’y implanter la culture du ver à soie afin de développer une industrie textile.

Il exhorta les juifs, en particulier, ceux des Etats du pape, à faire leur alya dans la région de Tibériade où il reconstruit les remparts.

Mais le projet ne se réalisa pas vraiment: les bateaux ne peuvent quitter Venise; les implantations juives de Tibériade sont attaqués par les Arabes.

La mort de Selim II en 1574 lui fit perdre toute influence à la cour. Il fut néanmoins autorisé à conserver ses titres et ses revenus. En 1579 Joseph décéda.

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Ainsi dans l’empire ottoman a vécu  un Juif, neveu de Gracia Nassi, aux multiples noms-Don Joseph Nassi fut le principal – qui, dans les contrées chrétiennes, aurait peut-être été brûlé et qui, sous la domination du Croissant, l’Empire de Constantinople,  arriva à une haute position pendant 20 ans. Il a su développer le judaïsme.

Par Jforum

 

Sources
Marianne Picard, Juifs et Judaïsme de 1492 à 1789 Ed. Biblieurope 2004
Renée Berhneim, Histoire juive, de la renaissance à nos jours Ed. Klincksiek 1971

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