Covid-19 : pourquoi les Britanniques ont raison de paniquer
VIDÉO. Flambée de décès à Londres, progression alarmante des cas positifs, pénurie de respirateurs, confinement à rallonge, etc. : la Grande-Bretagne tremble.
Par Julie Malaure
Le week-end a été difficile pour les Britanniques. Moins parce que les pubs sont fermés pour la première fois ou que le traditionnel repas dominical, le « sunday roast », n’a pas eu lieu, que par la prise de conscience douloureuse de la crise du coronavirus qui frappe, aussi, le royaume. Vendredi 27 mars, un rapport de l’ICNARC (Intensive care national audit and research center, NDLR) rendu public énonce un chiffre effrayant : depuis fin février, 50 % des cas de Covid-19 admis en soins intensifs dans les hôpitaux britanniques sont décédés.
Le lendemain, le samedi 28, le décompte de 127 737 personnes testées sur le territoire donnait un total 19 522 infectées et 1 228 personnes testées positives décédées. Le dimanche 29, les données officielles révélaient une hausse spectaculaire de 2 546 personnes testées positives en seulement 24 heures.
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Après les chiffres, les annonces
Après les chiffres, les annonces. La première, dans la journée de dimanche, comme un coup de massue, a été donnée par Jenny Harries. La cheffe adjointe des services sanitaires britanniques a annoncé que les règles de distanciation sociale, actuellement en vigueur pour une durée annoncée de deux semaines, devraient vraisemblablement être appliquées durant 2 à 3 mois. Elle a également avancé que le confinement pourrait être prolongé bien au-delà de ce terme, suivant une réévaluation régulière de la situation et des critères, pour un retour à la « normale » dans… 6 mois. Panique, donc, chez les Britanniques.
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Le soir, c’est un Premier ministre du Royaume-Uni pâle, essoufflé, qui a pris la parole, via une vidéo mise en ligne. Boris Johnson, testé positif au Covid-19 il y a trois jours, tout comme son ministre de la Santé – et le prince Charles – a à nouveau exhorté chacun à « rester chez soi ». Après des semaines à promouvoir la stratégie inverse, celle du « laisser-faire », qui consiste à miser sur « l’immunité collective » (soit à l’effet de ralentissement naturel de la contagion, théorie valable, mais excessivement meurtrière à cette échelle), BoJo, sous la pression de l’Europe, a changé son fusil d’épaule.
Hier, il a donc confirmé son allocution du lundi 23 mars au soir, qui instaurait le confinement total pour la nation. Un « Restez chez vous » basé sur un aveu d’impuissance : « Pour dire les choses simplement », avait déclaré le Premier ministre, « si trop de personnes tombent gravement malades à un moment donné, le NHS sera incapable de gérer la situation ». « Ralentir la propagation de la maladie » est donc devenu la priorité numéro un depuis une semaine.
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La situation préoccupante de Londres
Londres se trouve être de plus en plus problématique. La capitale de 9 millions d’habitants comptait 5 957 cas déclarés le 30 mars, soit 658 de plus que la veille. Ses 414 décès représentent le tiers du nombre total national. Les quartiers où l’on recense le plus de personnes testées positives sont désormais référencés en ligne sur une carte interactive, qui pointe en premier chef Southwark (365 personnes) suivie par Lambeth (358) et Brent (321).
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Confinement à retardement et tests en attente
Les tergiversations du gouvernement à propos du confinement ont eu pour effet d’accélérer la contagion. Laquelle est intervenue 7 jours après la France (le 17 mars) et 17 jours après l’Italie (9 mars). La progression des cas confirmés suit une courbe proche de celle de l’Italie. Les deux premiers cas de Covid-19 ont été confirmés au Royaume-Uni le 31 janvier, dans la ville de Newcastle upon Tyne, dans le nord-est de l’Angleterre. Les tests effectués n’étaient alors que d’une centaine par jour.
Pour suivre les recommandations de l’OMS, le nombre de personnes testées s’élève depuis à plus de 120 000. Johnson a annoncé que le nombre de tests disponibles serait de l’ordre de 25 000 par jour, le Service de santé publique (Public Health England), a affirmé être en capacité d’en délivrer 4 000, tandis que le cran d’en dessous, le système de santé britannique, le NHS (National Health Service), peine à atteindre une moyenne de 2 000 tests par jour…
Le manque de tests, notamment pour le personnel en milieu hospitalier serait, selon l’ancien ministre de la Santé et médecin Dan Poulter, cause d’une accélération de la contagion ; les soignants asymptomatiques transmettant le Covid aux patients admis pour d’autres pathologies.
La course aux respirateurs
Service de santé sous-dimensionné, personnel insuffisant ou contaminé, etc., la Grande-Bretagne s’apprête en plus à affronter, au moment du pic, une pénurie de respirateurs artificiels. On compte aujourd’hui 8 175 appareils disponibles pour 67 millions d’individus. Un respirateur pour 8 000 personnes. Aussi à la traîne qu’en France, le gouvernement lance les appels à la production massive d’appareils supplémentaires pour atteindre les 30 000 unités nécessaires.
La marque d’aspirateurs sans sac Dyson, notamment, serait en attente d’une approbation réglementaire pour la fabrication de 10 000 éléments commandés par le 10 Downing Street. Airbus et Nissan, comme le secteur automobile en France, seraient dans la course pour la fabrication de pièces grâce à des imprimantes 3D.
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Mobilisation de tous les soignants
Dans sa prise de parole du 29 mars, Johnson a annoncé, comme chez nous, la mobilisation de tous les soignants diplômés pour venir en aide au corps médical déjà en fonction. « Retarder la diffusion de la maladie, réduire la pression sur le NHS qui permettrait de sauver des milliers de vies », pour reprendre ses mots. Ce qui consiste à faire revenir à l’hôpital médecins, infirmiers et aides-soignants pour remplacer le personnel contaminé manquant.
Johnson a également, outre les métiers exposés en première ligne, souligné le rôle essentiel des pharmaciens, conseils et soutiens de la population, ainsi que les 750 000 personnes qui se sont portées volontaires auprès de la NHS.