Si les réfugiés fuyant les nazis qui se sont installés à Shanghai ont certainement connu un meilleur sort que leurs parents et amis qu’ils ont laissés derrière eux en Europe, la vie dans la « Perle de l’Orient » était tout de même agitée.

Dès 1937, la Chine a été envahie par le armées japonaises. Au début de l’occupation japonaise les rabbins de la ville ont qualifié la situation des Juifs de « désespérée ». Puis Shanghai est devenue une « ville ouverte », offrant un refuge à des milliers de Juifs qui n’avaient nulle part où aller.

 A la fin de 1940 et au début de 1941, quelques mois avant le début de l’extermination en masse des Juifs par les Allemands, un groupe d’environ 2 100 Juifs polonais réussirent à fuir l’Europe grâce aux efforts inlassables de nombreuses personnes.

Beaucoup de ceux qui avaient eu des difficultés à obtenir les visas nécessaires pour quitter l’Europe ont reçu l’aide de Ho Feng Shan, un consul général chinois à Vienne en 1938-1939, qui fut plus tard surnommé le « Schindler de Chine » et qui a risqué sa vie pour délivrer des visas à des milliers de Juifs.

Ho Feng Shan  ( 1901-1997)

Plusieurs organisations et communautés juives fournirent des fonds et autres secours. L’assistance la plus décisive provint de sources inattendues : des représentants du gouvernement néerlandais en exil et d’un membre de l’Axe, allié de l’Allemagne nazie, le Japon. En 1940, leur activité humanitaire fut déterminante pour le sauvetage de plusieurs centaines de réfugiés juifs polonais installés temporairement en Lituanie.

Au Japon, les réfugiés juifs polonais arrivés de Lituanie avaient entendu dire que le port franc de Shanghai était une ville surpeuplée, insalubre où sévissait une importante criminalité. Ils furent cependant stupéfaits du spectacle qui s’offrirt à eux lorsqu’ils débarquèrent. Dans la concession internationale de la ville, plusieurs centaines de milliers de Chinois sans ressources vivaient au sein d’une communauté étrangère dominée par une élite de riches commerçants et financiers britanniques et américains.

Une petite fille juive et ses amies chinoises pendant la Seconde guerre mondiale ( fr.timesofisrael.com)

Les réfugiés trouvèrent également pour les assister une communauté bien établie de quelque 4 000 Juifs russes et plus de 17 000 réfugiés juifs allemands et autrichiens qui avaient fui la persécution nazie en 1938 et 1939.

La plupart de ces réfugiés juifs allemands et autrichiens de Shanghai vivaient dans des logements délabrés surpeuplés. Les plus vulnérables sur le plan économique vivaient dans des baraquements financés par le Joint (American Jewish Joint Distibution Committee, une organisation caritative juive américaine).

Ces premiers arrivants parvenaient encore à survivre, voire à prospérer. Certains avaient ouvert de petits commerces ou des petites entreprises artisanales.

D’autres étaient devenus entrepreneurs et propriétaires, transformant des pans entiers de Hongkew, une zone industrielle de la Colonie internationale qui avait été gravement endommagée par les combats sino-japonais en 1932 et 1937.

Pris au piège à Shanghai après l’attaque japonaise contre Pearl Harbor qui provoqua l’entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941, les réfugiés juifs souffrirent du manque de nourriture, de vêtements et de médicaments, qui s’ajoutait au chômage et à l’isolement.

Ils ignoraient tout du sort de leurs familles. La guerre perturba l’afflux de fonds à Shanghai. Le nombre de réfugiés sous-alimentés augmenta après Pearl Harbor. Les réfugiés furent également soumis à des décrets japonais.

Après l’attaque du Japon contre Pearl Harbor, les autorités japonaises à Shanghai imposèrent des mesures de sécurité plus strictes.

Au début de 1943, acceptant le fait que leur allié nazi avait rendu les Juifs allemands et autrichiens « apatrides » en leur enlevant leur nationalité, les Japonais leur ordonnèrent – notamment aux Juifs de Pologne – de s’installer dans un « quartier réservé » de la colonie internationale.

De nombreux réfugiés de ce quartier vécurent dans des appartements exigus situés dans des ruelles. Ces logements étaient souvent dépourvus de toilettes modernes et, chaque matin des seaux de « fumier » (d’excréments humains) étaient vidés et emportés par des travailleurs chinois.

Le Service des réfugiés apatrides, dirigé par l’ancien officier de marine japonais Tsutomu Kobota, supervisait le quartier réservé, mais avait peu de contacts directs avec les réfugiés qui détestaient et craignaient ses subordonnés Okura et Ghoya.

Les restrictions de circulation et les privations de guerre rendaient la vie pénible dans ce que les habitants appelaient le « ghetto de Shanghai », mais il n’y régnait pas la terreur quotidienne subie par les Juifs des ghettos d’Europe. Le traitement réservé aux Juifs de Shanghai par les Japonais fut relativement clément.

Les écrivains juifs polonais utilisèrent une expression en yiddish pour décrire Shanghai, « shond khay », « une vie de honte ». La vie pourtant continua dans ce cadre étranger et isolé.

La lecture de poèmes, la publication de journaux en yiddish et en polonais et la création d’oeuvres d’art et de pièces de théâtre, bien que limitées du fait des problèmes logistiques et de la censure japonaise, contribuèrent à soutenir le moral des réfugiés transplantés de Pologne.

Les Japonais interdisaient la vie politique, mais les sionistes et les bundistes demeurèrent clandestinement actifs. Des étudiants de yeshiva (école talmudique) réfugiés passèrent les années de guerre à poursuivre leurs études. Ils utilisèrent les réimpressions des quelques livres qu’ils avaient emportés de Pologne ou avaient reçu de ceux qui les soutenaient, notamment du rabbin Kalmanovich de New York.

Des élèves et des rabbins de la yeshiva de Mir se regroupèrent dans la synagogue Beth Aharon qui avait été construite par l’un des membres les plus fortunés de la communauté juive séfarade de Shanghai.

A travers les vicissitudes du sort et les décisions de leurs dirigeants qui menèrent les étudiants de Pologne au Japon et à Shanghai, la yeshiva de Mir s’avéra être l’unique yeshiva européenne à survivre intacte à la Shoah.

La communauté juive de Shanghaï renaît

United States Holocaust Memorial Museum, Washington, DC

http://terrepromise.terrenouvelle.ca

 

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