FIGAROVOX/CHRONIQUE – Philippe Bilger réagit pour Figarovox aux résultats des élections municipales. Il considère que l’ancien président et l’actuel chef de l’Etat sont responsables de cette crise éclatante du politique.Ciblé sur le Mur des cons et jugeant très médiocre le bilan de la garde des Sceaux Christiane Taubira, je ne suis pas suspect: cette consécration et cette lucidité me permettent de dénoncer le caractère surréaliste de la lettre aux Français adressée inopportunément par l’ancien président Nicolas Sarkozy si peu de temps avant le premier tour des élections municipales.

Je pourrais me contenter, en dépit du battage si peu argumenté à droite comme à gauche, de m’abandonner à mon premier mouvement qui était de ne pas croire à ce que je lisais tant le culot était énorme et le bateleur de la République au meilleur de sa mauvaise foi.

D’autant plus que si les socialistes ont manifesté l’indignation qui est devenue chez eux une habitude, j’ai pu relever avec bonheur qu’au sein de l’UMP, en dehors des inénarrables Morano, Peltier, Didier et Hortefeux soutenant sans comprendre, un silence poli a accueilli ces élucubrations dont la pompe apparente dissimulait mal la vacuité et le mensonge.

Quand on décide de se servir de l’aura d’un grand quotidien pour transmettre un message aux citoyens, la moindre des pudeurs est de songer à ce qu’on a été et à ce qu’on a transgressé.

De se souvenir des principes et des valeurs qu’on a foulés aux pieds, avant d’en appeler au respect de ceux-ci par un pouvoir qui vous a battu.

Comment Nicolas Sarkozy ose-t-il jouer au bon apôtre paisible qui n’aurait eu que l’ambition de vivre dans la sérénité et la discrétion quand, depuis le mois de mai 2012, son effacement a été ostensiblement simulé, ses apparitions narcissiquement organisées et son envie de retour exprimée de plus en plus nettement, au point de décevoir aussi bien les adeptes d’une véritable et élégante retenue que ceux d’une implication politique sans fard?

Des erreurs factuelles et procédurales, une tentative désespérée de sauver un secret professionnel battu en brèche par la préparation d’infractions, l’instrumentalisation des avocats, une comparaison avec la Stasi non seulement indigne mais ridicule tant le décalage est constatable entre notre démocratie et ce totalitarisme, une obsession plus maladroite que convaincante pour faire croire à un complot politique, judiciaire et médiatique.

Que pèse cet épisode face aux leçons du premier tour des élections municipales, dans l’attente du second qui permettra véritablement d’évaluer le rapport des forces et la vigueur des convictions?
Une abstention forte proche de 40% révélant pour partie un rejet politique et pour partie un désintérêt, une morosité démocratique.
L’apparition claire d’un tripartisme dans notre espace républicain avec l’accroissement du FN et son enracinement local qui n’avait existé que médiocrement en 2008.

Le 30 mars une série de triangulaires mettra à l’épreuve les principes affichés aussi bien par l’UMP que par le PS. On perçoit bien la tactique de ce dernier, plus opportuniste qu’éthique, qui n’a que l’ambition de noyer son grave échec sous le voile d’un front républicain destiné à lui sauver la mise.

Pour l’UMP, Henri Guaino a affirmé avec lucidité une position qui a le mérite de la cohérence en face de la doucereuse donneuse de leçons qu’est Najat Vallaud-Belkacem: le FN n’est pas interdit et par conséquent refuser de voter pour lui aussi bien que pour le PS ne transgresse aucune morale publique mais intègre le risque inhérent à toute démocratie véritable.

Les injonctions des socialistes sont d’autant plus malvenues que leurs réactions, à l’annonce des résultats du premier tour, ont été affligeantes et, pour certaines, aveugles.

Le ministre Vincent Peillon continue à parler «d’idées fascistes» et le sénateur Assouline évoque, sans percevoir qu’il s’accable, «une hausse importante et inquiétante» du FN.

Harlem Désir s’exprime de manière à la fois mécanique et délirante.

On a eu véritablement l’impression d’un pouvoir – le Premier ministre a été encore plus mauvais que d’habitude – et de responsables ânonnant des éléments de réponse très éloignés du message brutal adressé par les Français, tant par leur indifférence que par leur explicite révolte.

Les soirées électorales ne sont généralement pas des moments de vérité mais le socialisme médiatique a fait fort dans ce domaine, il sera difficilement dépassable!

C’est oublier que le FN a accru son emprise par l’alliance du sarkozysme – qui à l’exception de l’élection de 2007 n’a cessé de l’amplifier – et d’un pouvoir socialiste qui a créé un terreau qui ne pouvait que lui servir.

D’autant plus que le vote en faveur du FN, lui, est déconnecté des enjeux locaux et exprime une protestation générale, intense et populaire à l’égard surtout des graves défis de l’insécurité et de la justice.

En ce sens, Christiane Taubira, sa célébration et l’inconditionnalité à l’égard de son dogmatisme compassionnel et élitiste sont directement en lien avec les avancées du FN et le désastre du PS à Marseille, par exemple.

Il est triste de constater que certaines personnalités de l’UDI – Jean-Christophe Lagarde et Yves Jego notamment – ne sont pas en reste pour la démagogie moraliste, le premier dénonçant le FN comme «ennemi de la démocratie». Au nom de quoi quand les élections précisément le favorisent?

On tiendra évidemment pour rien, à droite comme à gauche, la formidable réussite de la campagne de Robert Ménard à Béziers.

Il a bénéficié du soutien du FN mais tout laisse croire qu’il n’en est pas devenu l’otage et que le second tour le désignera comme maire sans qu’à aucun moment on lui ait imposé des projets et des mesures qui n’auraient pas été les siens. Robert Ménard va gagner son pari démocratique et il n’a pas perdu son âme.

Les socialistes sont les principaux responsables de ce premier tour calamiteux et seul François Rebsamen n’a pas hésité à mentionner «un sévère avertissement» pour le gouvernement et l’incompréhension que sa politique a pu susciter.

Une crise éclatante et déplorable avec une abstention considérable et un FN, de l’avis de tous, vainqueur de ce premier tour.

Il me semble que cette gauche, au pouvoir depuis presque deux ans, n’est plus la solution mais le problème.

Philippe Bilger/ Figaro Vox Article original

Philippe Bilger est magistrat honoraire et président de l’Institut de la parole.

Il publie le 2 avril «Contre une justice laxiste» (L’archipel). Il tient le blog Justice au singulier Article original

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Lucid111

Quel est votre déni sous cette avalanche d’invectives ?
Ce n’est pas en renvoyant dos à dos les « centre droit » et les « centre gauche » que l’on va contrer le regroupement des extrêmes. La lettre était tout à fait opportune et pertinente ne serait-ce que pour ses militants, il se devait de réagir comme il l’a fait, dans la réflexion et non dans l’émotion comme le fait ce Monsieur le juge, qui engendre la hargne de tout contre tout, comme le ferait le FN ou le Front de Gauche réunis. Passez votre chemin. Il n’y aurait de liberté d’expression que pour le dictat, le dogme exprimé via des spectacles politico- « humoristes » Pourquoi est-ce la seule chose dont vous ne parlez pas ?

david c

«…Ciblé sur le Mur des cons …., je ne suis pas suspect » Oh ! que voilà une bien pitoyable et mauvaise pub ! Pour reprendre votre « argument » je dirai que … » Quand on décide de se servir de l’aura de JForum pour transmettre un message , la moindre des pudeurs est de songer à ce qu’on a été et à ce qu’on a transgressé. Par exemple , Philippe Bilger , quand on a été magistrat et président de l’Institut de la parole , on pourrait avoir la pudeur de se faire discret !

Patrick ATTALI

Philippe BILGER est plus que suspect à mes yeux , c’est un des seuls qui a défendu Dieudonné avec sa voix Zozotante et son allure bonhomme , il defend aussi bien les Merah que les Dieudonné , il est invité sur tous les plateaux télé pour dégoiser sur Sarkozy.
J’en ai marre de ce vieux con qui sous pretexte d’être une éminence grise de la justice et ce n’est pas parce qu’il est épinglé sur le mur des cons qu’il vienne nous enfumer au lendemain d’election.

Je dit si le FN est un parti anti-républicain alors il faut le supprimer, mais de grace BILGER retourne à l’hospice, Enflure !