Sur le site Islamiste Shoumouk al-Islam, Ali M. s’appelait Abu Naji. Sous ce pseudo, à l’aide d’un logiciel de cryptage et sur une messagerie spécialement dédiée, cet Algérien de 29 ans, marié et père de deux enfants, a élaboré pendant un an des projets d’attentats en France avec l’un des plus hauts responsables d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), alias Redouane18.

Bien que surveillée dans le cadre du plan Vigipirate, la tour Eiffel, avec ses nombreux touristes, fait partie des lieux suggérés par Ali M. pour commettre un attentat. (AFP/Miguel Medina.)

Découverts à la suite de l’arrestation d’AliM. il y a un an, ces messages ont été décryptés. Leur lecture fait froid dans le dos. Installé dans le Vaucluse où il travaillait dans une boucherie halal, Ali M., qui s’apprêtait à rejoindre un maquis dans le Sud algérien, serait-il passé à l’acte ? « Il a vécu son arrestation comme un soulagement », indique en tout cas son avocate, Me Daphné Pugliesi.

Sélectionner des cibles
Le 1er avril 2013, AbuNaji est prié de faire parvenir « quelques suggestions relatives à l’orientation à donner à l’activité du jihad à l’endroit où il se »>Article original trouve ». Dès le lendemain, dans un long mail, il s’exécute. « L’objectif qui mérite d’être visé s’avère la population française modeste et paupérisée », écrit-il. Ces futures victimes fréquentent les bars, les marchés, « certaines petites localités et les boîtes de nuit », poursuit-il. Soucieux de préserver les musulmans, Abu Naji suggère notamment d’éviter les centres commerciaux. Les patrouilles de police et de gendarmerie, en revanche, peuvent faire l’objet d’embuscades. De même les centrales d’électricité nucléaire ou encore « les avions au moment du décollage » peuvent être ciblés.

Abu Naji évoque les monuments historiques et énumère, à ce titre, « la tour Eiffel et le musée du Louvre ». Sans citer nommément le Festival d’Avignon, il parle des «manifestations culturelles qui ont lieu dans des villes du sud de la France au cours desquelles des milliers de chrétiens se rassemblent pendant un mois ». « Les artères deviennent noires de monde et une simple grenade peut blesser des dizaines de personnes, détaille-t-il. Je vous laisse imaginer si c’est un engin piégé. »

Constituer un réseau dormant

Visiblement satisfait par la réponse d’Abu Naji, Redouane18 veut à présent tester ses capacités de recruteur. « Est-ce que tu peux disposer d’un contact avec des frères qui auraient eux-mêmes des contacts avec nos frères dans le grand Sud saharien ? » demande-t-il le 6 avril ? Dans un message daté du 18 avril, Abu Naji évoque un « frère de Bel Abbes » et plusieurs autres « désireux de rejoindre l’Organisation ». « Combien sont-ils ? Où résident-ils ? Savent-ils manier des armes ? Ont-ils fait l’objet des poursuites de la part des Tyrans », demande aussitôt son interlocuteur.

Réponse prudente d’Abu Naji : « des frères, il y en a légion, mais je ne sais pas si tous veulent faire le jihad. » Une semaine plus tard, Redouane18 invite Abu Naji et son « frère de Bel Abbes » à rejoindre ses troupes sur place, pour une dizaine de jours, « afin de bénéficier auprès des frères d’une formation militaire et d’un entraînement dans les techniques de combat ». Redouane18 précise : « A la suite de cela, vous retournerez dans le pays où vous résidez et vous attendrez les instructions. »

Partir s’entraîner

Redouane18 est clair : il n’attend aucune aide financière de la part de sa nouvelle recrue. « Nous ne sommes pas dans le besoin quand il s’agit de gérer nos activités », écritil à Abu Naji le 18 avril 2013. « Nous attendons de toi que tu mettes en place un réseau dont tu seras le dirigeant sous la bannière de l’Organisation », poursuit-il. La mission assignée à Abu Naji consistera, dans un premier temps, à « faire des repérages d’objectifs et à collecter des renseignements ». Dans un deuxième temps, « il te sera nécessaire de venir nous rencontrer en vue de planifier ensemble le projet ». Ali M. étant dans le collimateur des autorités algériennes, ses interlocuteurs lui suggèrent de passer par la Tunisie.

« Le plus important à retenir est que je vous annonce que, grâce à Dieu, je suis fin prêt et bien paré », écrit Abu Naji le 1er mai, déterminé à venir participer aux entraînements. Le 17 juin, il a son billet. « J’arriverai dans la capitale tunisienne le 22 juillet », se réjouit-il. Huit jours après ce message, il sera arrêté. « Seule l’interpellation d’Ali M. quelques semaines avant la date effective du déplacement a empêché son départ en Algérie », indique, sur PV, un officier de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

ÉLISABETH FLEURY | Publié le 09.07.2014, 06h47

leparisien.fr/ Article original

Serait-il passé à l’acte ? Son avocate, Me Daphné Pugliesi, décrit un jeune homme faible, victime d’un véritable endoctrinement. Les enquêteurs de la Direction générale du renseignement intérieur (DGSI), qui l’ont arrêté alors qu’il s’apprêtait à gagner un maquis du Sud algérien pour s’y entraîner, insistent sur son zèle. Depuis un an, Ali M. dort en prison. Dans le cadre de l’information judiciaire pour « association de malfaiteurs » ouverte à son encontre, ses explications sur ces messages sont particulièrement attendues.

Le cas d’Ali M. n’est pas isolé, prévient le juge Marc Trévidic. Si Aqmi reste, dans l’immédiat, la principale menace pour la France, d’autres dangers guettent. Syrie, Mali, Afghanistan, Yemen… En terre d’Islam, chaque zone de conflit donne naissance à de nouvelles filières de jihadistes qui, à leur retour en France, sont autant de terroristes en puissance. Les spécialistes du renseignement en témoignent : les sanglants succès d’Abou Bakr al-Baghdadi, qui vient de proclamer la création d’un califat à la frontière irako-syrienne, suscitent déjà de nouvelles vocations.

Alors que les Etats-Unis multiplient les mesures de sécurité dans les aéroports, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a choisi d’élargir l’arsenal juridique afin qu’il s ’ a d a p t e , a u mieux, à ces nouvelles menaces. Il propose, notamment, de renforcer la surveillance d’Internet, « principal lieu d’endoctrinement et de radicalisation des jeunes candidats au départ », selon un enquêteur de la DGSI. « Le discours des cyberjihadistes s’est nettement modernisé », témoigne l’un des enquêteurs. « La viralité de leurs messages, via les réseaux sociaux, s’est accrue », ajoute un fonctionnaire du ministère. La tâche s’annonce éminemment ardue…

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