Dieudonné se confie à Elisabeth Lévy dans « Causeur » : une opération perverse et dangereuse.Dieudonné n’a « aucun remords ». C’est ce qu’il explique au magazine « Causeur », ce mois-ci, interrogé par Elisabeth Lévy.

Une interview qui interpelle le chroniqueur Bruno Roger-Petit, qui y voit la rencontre de deux personnalités hostiles aux valeurs républicaines (pas au même niveau, tout de même NDR) se nourrissant l’une de l’autre pour se faire de la publicité. Explications.

Dieudonné et Elisabeth Lévy ont eu une agréable conversation. Tout est dans le fanzine « Causeur » de ce mois de février.

Quand on partage le même but (vraiment NDR ?), lutter contre le « politiquement correct », au bout du compte, on se comprend. Les clivages d’antan s’estompent.

Les barrières s’ouvrent. On se parle. On s’entend bien. On se reconnait. Et on se légitime mutuellement.

Oh ! Bien sûr, il y a la question mineure de l’antisémitisme, Shoananas, les blagues sur Patrick Cohen et les chambres à gaz, les horreurs du spectacle « Le Mur ».

Mais pas de problème, Elisabeth Lévy et « Causeur » sont là pour dissiper les malentendus. Accordons dans les colonnes de notre fanzine six pages à Dieudonné, qu’il puisse s’expliquer, se justifier, dissiper les incompréhensions, les imbroglios et les quiproquos. Rien de plus aisé.

De toutes façons, depuis qu’Elisabeth Lévy a vu le spectacle de Dieudonné et n’y a pas vu la moindre vanne antisémite, mais a ri de bonne blagues sur les pédés, la moitié du chemin a déjà été accompli.

Dieudonné, ce n’est pas si grave, c’est écrit dans « Causeur », Dieudonné, « ce n’est certainement pas un imbécile, mais un antisémite qui ignore ce qu’est un juif et un antisioniste qui n’a pas une traître idée de ce qu’est le sionisme ». Ah ben voilà. Dieudonné ne sait pas ce qu’il dit, du coup, c’est moins dangereux.

C’est en gros ce que Marc-Edouard Nabe est venu vendre sur le plateau de Frédéric Taddéi lors de la désormais culte émission sur l’ex-humoriste.

Tout se tient, non ?

Un joli coup de pub pour un magazine confidentiel

Donc, Dieudonné est dans « Causeur ». Ah ! « L’agréable frisson de la transgression », revendiquent « Causeur » et Elisabeth Lévy. Ah ! Le délicieux vertige de la fréquentation de l’infâme.

Ah ! Le joli coup de pub pour un magazine confidentiel prônant la libre parole.

Dieudonné refuse l’invitation d’une grande radio, mais se confie à « Causeur ». C’est que Dieudonné est prudent. Quitte à parler, mieux vaut s’aventurer en terrain neutre. Là où l’on sera écouté avec bienveillance. Empathie. Amitié ? Alors va pour « Causeur ». « Causeur », les compagnons de route dans la lutte contre l’infâme suprême : « le politiquement correct ».

Et le résultat est conforme à ce que l’on pouvait en attendre.

Dieudonné n’est pas antisémite :

« Je ne me sens pas du tout antisémite. Je n’ai absolument aucune haine particulière vis-à-vis du peuple juif. »

Et il ajoute :

« Mais aucune attirance non plus. »

Dieudonné n’est pas révisionniste :

« Je ne suis pas du tout spécialisé dans ces choses-là. … »>Article original De toute façon, la loi Gayssot interdit tout débat. Que les juifs soient morts dans les chambres à gaz ou ailleurs, c’est atroce. »

Et il ajoute :

« En même temps, j’aime bien écouter Faurisson. »

Dieudonné n’a rien contre Israël :

« On a le droit d’aimer cet État. »

Et il ajoute :

« Fondé sur un racisme absolu, personnellement, je n’y foutrai pas les pieds. »

Dieudonné n’a rien contre Patrick Cohen :

« Je ne fais que répondre à ses insultes puisqu’il m’a traité de ‘cerveau malade’ ! »

Et il ajoute :

« Traiter un Noir de ‘cerveau malade’, c’est aussi un stéréotype raciste, non ? »

Dieudonné n’a pas fait de la quenelle un message codé antisémite :

« Je n’associe pas la quenelle aux juifs. »

Et il ajoute :

« Mais si certains ont envie de le faire, pourquoi pas ? Qui sait, ce sont peut-être des juifs qui s’opposent au judaïsme ou qui sont devenus athées. »

Le roi de la com’ binaire, du sous-entendu malsain.

Le lecteur qui parcourt cet entretien complaisant, connivent, émaillé de « NDLR » censés marquer la distance entre Dieudonné et ses intervieweurs, éprouve assez vite un sentiment de déjà vu. (Moi-aussi, je me sens obligé parfois, de rajouter un NDR…NDR)

Cette dialectique « Je n’ai rien contre les juifs, mais rien ne m’oblige à les aimer parce qu’ils ne sont pas forcément aimables », est un procédé rodé depuis des années.

En fait, c’est Jean-Marie Le Pen qui l’a érigée en classique lors de sa première grande prestation télévisée, à « L’heure de vérité, sur Antenne 2, le 13 février 1984.

Interrogé sur sa tendance à s’en prendre avec une virulence particulière aux personnalités publiques juives, notamment Simone Veil, voici ce qu’il avait répondu :

« Et bien écoutez, je n’ai pas de complexe, moi, dans ce domaine. Je m’exprime librement et je n’admets pas le terrorisme intellectuel que l’on fait peser sur un certain nombre de problèmes. »

Et d’ajouter :

« Je ne me crois pas pour autant obliger d’aimer la loi Veil, d’admirer la peinture de Chagall, ou d’approuver la politique de Mendès France, voilà quelle est ma position. »

Et d’ajouter encore :

« Parce que nous sommes dans un pays libre, où les gens jugent dans le cadre de la liberté que leurs assurent les lois et il semblerait qu’il y ait une précaution toute particulière qui protégeât les juifs. Moi je considère les juifs comme des citoyens comme les autres, mais pas comme des citoyens supérieurement protégés. »

Voilà, c’est pareil. De l’art de signifier sans dire. Le Pen, Dieudonné et leurs amis sont passés maîtres dans l’exercice.

Qui est pourvu de deux doigts de jugeote ne peut pas ne pas savoir que les propagateurs contemporains de l’antisémitisme sont les rois de la communication binaire, du message codé, du sous-entendu malsain.

Qui est pourvu d’un peu de conscience, en responsabilité, ne peut pas ne pas anticiper que demander à Dieudonné « Vous êtes antisémite ? », c’est se voir répondre, en 1984 : « Moi pas du tout. Mais personne ne peut m’obliger à admirer la loi Veil, etc. » Et en 2014 : « Je n’ai absolument aucune haine particulière vis-à-vis du peuple juif, mais aucune attirance non plus ».

Même dialectique. Même signifiant. Sauf à être idiot et/ou malveillant, qui s’en va questionner Dieudonné de la sorte ne peut pas ignorer qu’il va participer à la contamination de la sphère publique. C’est le jeu, qu’en conscience, Elisabeth Lévy et son commensal, Gil Mihaely, ont pensé, conçu et créé, le tout en parfaite complicité et connivence avec Dieudonné.

Une même cible : la République du « politiquement correct »

C’est dire que leur hostilité au « politiquement correct », à la « bien-pensance », à « la gauche coupée du réel », des « bobos » et blablabla doit avoir atteint une sorte de point de non retour.

Dans quel no man’s land de la pensée errent-ils désormais, les chefs de « Causeur », pour que ces haines multiples et accumulées les conduisent à accorder tant de considération à la parole de Dieudonné ? Provoquons, provoquons, il est restera toujours quelque chose.

Comment peut-on inscrire dans un journal, qui se veut à la pointe de l’engagement intellectuel, cette saillie absolument sidérante : « Merah est un sioniste car il a commis des actes violents ».

Il ne vaut rien l’alibi de « Causeur » – en donnant la parole à Dieudonné, nous cherchons à « éclairer ses admirateurs ». Il ne vaut rien parce que les admirateurs de Dieudonné sont éclairés sur ce que dit et professe leur idole. Et c’est bien parce qu’ils sont parfaitement éclairés qu’ils l’aiment.

Donc, loin de délégitimer Dieudonné, Elisabeth Lévy le légitime, le fonde, l’ancre dans le dialogue démocratique alors qu’en conscience, un journaliste digne de ce nom devrait l’en exclure, par principe.

Il ne faut plus nourrir beaucoup d’idéal sur la dignité humaine, et la sienne en tout premier lieu, pour penser qu’offrir à Dieudonné une tribune obscène et délirante, se justifie aussi par la nécessité de s’abandonner à « l’agréable frisson de la transgression ».

« Levy on t’aime ! » « Lévy des bisous ! » « Causeur avec nous ! » scandent les fans de Dieudonné quand ils voient passer, à proximité du théâtre de la Main d’or, celle qui tente de faire croire qu’elle entend démasquer Dieudonné alors qu’elle veut tout bonnement choquer le bobo de gauche.

Allez ! Enflammons encore une petite allumette contre le « politiquement correct » à côté du baril de poudre Dieudonné et faisons de la pub à notre fanzine réac. Lévy et « Causeur », idoles des Dieudonnistes.

On comprend mieux pourquoi désormais.

Cet entretien dans « Causeur », c’est la rencontre de deux perversités dangereuses qui se nourrissent l’une de l’autre. L’une et l’autre s’instrumentalisent pour exister parce qu’en dépit des apparences, elles ont une même cible : la République du « politiquement correct ».

Sauf que l’un est plus fort que l’autre.

Lévy/Dieudonné, c’est le petit chaperon rouge qui veut faire ami/ami avec le loup contre l’envahissante grand-mère la morale.

Bruno Roger-Petit/ Nouvel Obs Article original

TAGS: Causeur Dieudonné Elisabeth Lévy Petit Chaperon Rouge

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Une Interview De complaisance. Frédéric Haziza :


Interview de Dieudonné dans Causeur : une… par LCP

Frédéric Haziza, auteur de « Vol au-dessus d’un nid de fachos », évoque son « dégoût » après l’interview de Dieudonné publiée dans le magazine.
Frédéric Haziza est l’invité de La cité du livre cette semaine. L’auteur de « Vol au-dessus d’un nid de fachos » évoque son dégoût à la lecture de l’interview de Dieudonné par Elisabeth Lévy dans le magazine Causeur. Première interview depuis l’interdiction de ses spectacles. Frédéric Haziza dénonce une interview « complaisante ».

+ d’Infos :

La dépêche AFP sur cette interview :

Dieudonné n’a « aucun remords », jure ne pas être antisémite et voit dans le sionisme une cause du « malheur de ce monde », dit-il au magazine Causeur, dans sa première interview accordée à un média français depuis le début de la polémique sur son dernier spectacle.

« Soyons clairs : je n’ai absolument aucun remords », dit Dieudonné à propos de son spectacle « Le Mur » dont les attaques antisémites lui ont valu des interdictions de représentation et un bras de fer avec le ministre de l’Intérieur Manuel Valls.

« Certes, il m’arrive de faire des saillies plus piquantes que d’autres », reconnait-il mais « heurter, choquer, c’est notre métier », plaide-t-il. « Si certains ont été heurtés (…) par certains de mes propos, je m’en excuse le plus sincèrement du monde », ajoute-t-il.

L’entretien s’est tenu le 16 janvier dans son « quartier général », à Saint-Lubin-de-la-Haye (Eure-et-Loire), indique le mensuel.

« Je ne me sens pas du tout antisémite. Je n’ai absolument aucune haine particulière vis-à-vis du peuple juif, mais aucune attirance non plus », assure Dieudonné avec l’ambiguïté qui accompagne beaucoup de ses propos.

S’il ne se sent pas antisémite, Dieudonné cible le « sionisme » comme une cause du malheur du monde. « Le seul problème de la France est le mensonge, dont le sionisme est l’une des expressions les plus flamboyantes », dit-il. Et « le sionisme repose sur une logique et un esprit d’apartheid qui font le malheur de ce monde ».

Il va même plus loin au fil de l’interview. A une question sur l’authenticité du génocide juif, il répond sans s’étendre : « Je ne suis pas du tout spécialisé dans ces choses-là. » Il dit de Mohamed Merah que c’est un « sioniste car il a commis des actes violents ».

Dieudonné est actuellement en tournée pour son spectacle « Asu Zoa », une version édulcorée de son show « Le Mur » qui avait été interdit dans plusieurs villes françaises en raison de sa tonalité antisémite.

L’humoriste accumule par ailleurs les difficultés judiciaires : dans le cadre d’une enquête sur son patrimoine et des mouvements de fonds, la police française a saisi la semaine dernière à son domicile 650.000 euros et 15.000 dollars en liquide.

Il vient aussi d’être interdit d’entrée au Royaume-Uni quelques semaines après avoir apporté son soutien au footballeur Nicolas Anelka, qui avait célébré l’un de ses buts en faisant une « quenelle ».

Dieudonné dit de la quenelle qu’elle n’est pas un geste nazi. « Faire une quenelle est un geste potache qui n’a provoqué aucun acte de violence (…) », plaide-t-il.

lcp.fr Article original

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Esther

J’ai eu exactement la même réaction que Bruno Roger-Petit et Frederic Haziza : la démarche de Causeur ne m’inspire que du dégout.
J’avais déjà trouvé malsain cette précipitation à aller voir le soit disant « nouveau » spectacle dont le titre – pour qui sait lire – était pourtant une resucée à peine masquée de théorie complotiste dont la fachosphère est friande, mais déclarer qu’il était « dans les clous » était des plus mals venus car ce n’est pas le cas.
Mais là franchement, ce dernier interview passe les bornes de la décence et de la nécessaire prudence face à la perversion car aucune contre-argumentation franche n’est livrée face aux insanités de l’interlocuteur, qui une fois de plus profite de cette perche tendue pour ré-affirmer ses obsessions « sans remords » dit-il. Causeur c’est donc fait avoir comme un bleu. Résultat = ce journal en ligne a perdu tout crédit à mes yeux ainsi que sa directrice en chef, que je croyais plus finaude. Dommage.

kos22

En effet, je n’aime pas particulièrement, le Nouvel Obs amateur d’ amalguame débile
du style: vs qui critiquez immigration, Islam, ça donne Diueodonne et les faschistes!

Dc sur Islam et immigration tt va bien , inutile de poser les pb!!!!

Pour autant l’analyse de Roger petit sur Elisabeth Levy interwieuvant l’immonde et cretin Dieudonné
est tres juste , car elle se fourvoye et crédibilise a posteriri ce personnage odieux et ces idées immondes,
c’est une faute grave , de la part d’une juive , en plus: c’est une énorme faute morale de sa part!
Elle est ridicule dans cette entreprise d’une niaiserie sans borne: ce Diuedonne est un antisémite notoire
d’une haine sans limite: Lévy tu t’en es pas aperçus?!..en plus là ou elle est encore plus stupide, c’est que son entreprise permet au nouvel Obs son analyse(très juste au demeurant) et 1 conclusion qui l’est moins:
de nouveaux l’amalgame sur les cracheurs anti « politiquement correctes », alors que tt le monde connait désormais les ravages pour la France de cette idéologie destructrices, qu’Elisabeth Levy dénonce (à juste titre par ailleurs!!!): c’est là ou elle se plante, à mon sens, le plus!!

Laure

Très bonne réaction de Bruno Roger-Petit. Bravo.
Que diable Elisabeth Lévy est-elle allée faire dans ce nid de guêpe. Son champ d’investigation s’est-il à ce point rétréci,qu’il lui faille s’engager dans des mares fangeuses ?Espère-t-elle gagner de nouveaux abonnés à Causeur,parmi les inconditionnels de M’bala M’bala ?