Dans les lignes qui suivent, comme dans l’action menée depuis plus de quatre ans par ADJ, ce ne sont jamais des conflits d’hommes qui sont mis en exergue. Deux visions du Judaïsme s’affrontent : ceux qui préconisent l’obscurantisme des Harédim de Bné Brak se heurtent à notre conception d’un judaïsme ouvert et éclairé.Mais ce sont aussi deux manières d’organiser la Communauté juive de France qui s’avèrent incompatibles : nous ne pouvons plus nous satisfaire d’une organisation archaïque dans laquelle perdurent des pratiques d’un autre âge tels que le cumul des mandats et le conflit d’intérêts.

A l’image de notre société et de ses structures qui évoluent vers plus de transparence, vers une gouvernance des associations plus respectueuse des principes démocratiques, il relève du devoir de chacun d’entre nous d’avoir les mêmes exigences éthiques à l’égard des institutions juives de France.

Depuis juin 2011, l’équipe rédactionnelle d’Avenir du Judaïsme avait souhaité marquer une pause dans l’envoi de sa newsletter. Dans notre dernière parution, nous avions appelé les membres (femmes et hommes) des instances des Consistoires à réagir contre le coup d’Etat idéologique de Joël Mergui et David Amar qui avaient affirmé, en mai 2011, dans les colonnes du journal ultra-orthodoxe de Bné Brak « Yated Neeman » vouloir transformer le Consistoire en organisation calquée sur cette tendance.

Des réactions à notre newsletter, il y en a eu énormément : la reprise intégrale de son contenu par le site JForum, avec une forte implication des internautes dans le forum du site, des interpellations des deux intéressés dans différentes instances communautaires, par des personnalités, et non des moindres, qui ont marqué leur stupéfaction, en découvrant leurs déclarations dans Yated Neeman. Aucune des explications emberlificotées et à géométrie variable que leur ont fournies « Reb Mergui ou Reb Amar » tels que les désignait Yated Neeman »>Article original n’a convaincu qui que ce soit.

Quelques réactions aussi au sein des organes de direction des Consistoires, mais aussi le suivisme et l’atonie des membres des Bureaux du Consistoire central et du Consistoire de Paris, certains nous révélant qu’ils préféraient désormais prendre du champ et manifester leur désaccord par la politique de la chaise vide… Cette défection n’est d’ailleurs pas l’apanage des élus du Consistoire, puisqu’elle a une très forte tendance à se manifester chez les adhérents.

Ainsi l’A.G. ordinaire du Consistoire de Paris Ile de France se conclut par ce communiqué qui est un merveilleux exemple de l’art consommé de Joël Mergui en matière de langue de bois :

« L’Assemblée Générale ordinaire du Consistoire de Paris s’est tenue le 19 Juin 2011, dans un climat serein et constructif, sous la présidence de M. Joël Mergui, en présence du Grand rabbin de Paris, David Messas, des administrateurs de l’ACIP, des présidents de Communautés et des adhérents. » Etonnant communiqué, puisque, sur les 35000 adhérents à l’ACIP, il n’y en a pas eu assez pour remplir les chaises vides de la petite Salle Jérusalem du Consistoire ! Chez Joël Mergui, la grandiloquence des termes dissimule mal la petitesse des soutiens.

A la rentrée toutefois, nous avons tenu à conserver intacte la tradition de la trêve des Fêtes de Tichri, mais la trêve vaut pour tout le monde et s’applique à tous. Apparemment pas au Président des Consistoires qui est manifestement en campagne électorale pour sa réélection à la présidence du Consistoire central depuis… l’office de Néïla de Kippour à La Victoire. Ce jour-là, il s’est livré face à Claude Guéant, ministre de l’Intérieur et ministre des Cultes, et devant les fidèles rassemblés pour bien autre chose que cela, à un discours politicien dans lequel il n’a pas hésité à quémander à son ministre de tutelle une aide financière, au mépris de la sacralité de l’instant le plus solennel du jour le plus solennel du calendrier juif. Des fidèles se sont plaints de ce mépris de Dieu et des hommes, du Ciel et de la Terre, de la part d’un homme qui pose à l’ultra orthodoxe mais qui, visiblement, n’envisage le religieux que comme un outil de collecte à la gloire des projets qui flatteront un ego totalement démesuré.

Au moment où l’Europe s’inquiète des conséquences financières de la crise grecque, où le gouvernement français met en œuvre plan de rigueur sur plan de rigueur, la demande de Joël Mergui au ministre de l’Intérieur, sur le fond comme sur la forme, a frisé l’indécence, alors que M. Guéant venait par sa présence rendre l’hommage de la République à la spiritualité du judaïsme.
Durant cette même période, la nature ayant horreur du vide, l’absence de notre newsletter a provoqué l’apparition d’autres modes d’expression au contenu intéressant, mais qui ont le défaut d’être commis par des pseudonymes ou des organisations qui n’ont pas pignon sur rue et dont nous désapprouvons le manque de courage.

Nous avons donc toutes les raisons du monde de reprendre notre action. Le démarrage de la campagne électorale de Joël Mergui pour être reconduit à la tête du Consistoire Central de France, alors qu’il n’a pas renoncé à se maintenir contre toute logique à la présidence du Consistoire de Paris est un signe de mauvaise santé pour la démocratie communautaire. Nous allons expliquer pour quelle raison nous nous opposons à ce cumul des mandats qui est un cas flagrant de conflit d’intérêts, conflit d’intérêts dont Joël Mergui est tellement conscient qu’il s’était publiquement « engagé à ne pas se représenter » à la présidence de l’ACIP.

Et s’il y a conflit d’intérêts, c’est pour au moins trois raisons majeures :

1/ Le Conseil du Central est l’arbitre suprême en cas de contestation d’une élection dans l’un des Consistoires régionaux, ce qui en jargon statutaire, s’énonce comme suit (Titre II article 9 des Statuts de l’ACIP) : « Le Conseil consistorial de Paris »>Article original est juge de la validité des élections, sauf recours de sa décision au Conseil de l’Union c’est-à-dire celui du Consistoire central de France »>Article original, qui prononce définitivement. » Si un électeur conteste le prononcé des résultats par Joël Mergui, président de l’ACIP, il peut formuler un recours auprès de… Joël Mergui, président du Consistoire central. En 2006, Joël Mergui élu président du Consistoire de Paris eut lui-même recours à cette procédure auprès de Jean Kahn, président du Consistoire central, pour se prémunir contre la contestation de fraudes aux fichiers présentée par les équipes concurrentes.

2/ Dans sa position de chef de l’exécutif fédéral, le président du Central doit veiller à la pérennité des petites communautés en régions. La méthode mise en place par Joël Mergui consiste à organiser l’envoi de la ‘Hazac -groupe de jeunes chargés d’y animer des Chabbatot-, mais les véritables investissements et les biens communs appartenant au Consistoire central, il s’apprête à les détourner de leur raison d’être – c’est-à-dire, de leur objet social – pour investir dans des dépenses qui ne seront consacrées qu’à la population d’un seul quartier parisien, le 17ème arrondissement de Paris.

C’est le Trésorier du Central, David Amar, qui lors d’une émission sur Radio J l’expliquait, affirmant en substance que pour créer un centre local dans cet arrondissement, il comptait  » réaliser le siège du Central. Pour montrer à quel point cette situation de cumul des mandats et de conflit d’intérêts est problématique, on remarquera que, dans cette même émission, David Amar n’hésitait pas à supplanter son homologue de l’ACIP, en annonçant qu’il « réaliserait également le Centre Fleg », propriété de l’ACIP, destiné à accueillir les étudiants, pour construire ledit Centre du 17ème ! Et le même Joël Mergui de déclarer dans Actu J du 10 novembre 2011 : « Relevons le défi de notre jeunesse. » Il défie plutôt la jeunesse en vendant le seul bien qui lui était consacré, un centre créé par Alain de Rothschild (Zal) pour donner un lieu de vie aux étudiants juifs du Quartier Latin.

Il défie également la générosité de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, auprès de laquelle il s’était engagé à pérenniser le Centre Fleg pour lequel la FMS lui allouait 1.000.000 d’euros en 2007 pour sa réouverture. Si ce qu’affirmait David Amar à Radio J est vrai, Joël Mergui pourra-t-il continuer à siéger dans les instances dirigeantes de la FMS, fondation de droit public, alors qu’il foule au pied ses engagements à l’égard de cette fondation ?

Quant à la ‘Hazac, des jeunes très engagés dans leur volonté d’aller animer un Chabbat dans telle ou telle petite communauté de province, leur action est très méritoire et ce n’est pas cette dernière qui est en cause, c’est l’erreur fondamentale de vision des dirigeants du Consistoire qui pose problème.

La ‘Hazac n’est pas l’arbre qui cache la forêt, c’est une jolie plante d’appartement qui, même en se déplaçant beaucoup, n’arrive pas à masquer la déforestation communautaire.

Le conflit d’intérêts nait ici de l’incompréhension au Consistoire du rôle et des moyens des différentes institutions. Le CRIF, pour réussir son action, n’investit pas dans le monumental. Son siège a la taille d’un grand appartement et le nombre de ses permanents a rarement dépassé les dix personnes. Son action politique peut être relayée virtuellement (site, newsletter, prise de parole d’un responsable local). Le FSJU dans son action de coordination du social, du culturel, de l’éducatif, de la jeunesse n’est pas un opérateur local, mais s’appuie sur les centaines de relais associatifs qui constituent le réseau qui réalise ses programmes.

Puisqu’il a choisi de faire carrière au sein du Consistoire, Joël Mergui doit se rappeler du fameux adage environnementaliste : « think global, act local » – penser globalement, agir localement. Cet adage s’applique encore plus au domaine cultuel juif qu’à tout autre domaine. On peut concevoir l’organisation du culte au niveau national, et encore dans un lieu qui n’a pas besoin d’être pharaonique comme le projet consistorial, mais, pour réunir un minyan, lire dans un Séfer Torah, dire Kaddich, sonner du Choffar, entendre la lecture de la Méguilah, il n’y a pas de solutions virtuelles, il faut une implantation locale pérenne, permanente, un Chabbat tous les Chabbatot, et pas un sur deux ou un sur quatre. On ne peut pas dire à un fidèle qui veut organiser la Azkara d’un de ses parents, « attendez dans deux mois, la ‘Hazac revient, vous aurez minyan pour réciter le Kaddich ».

Tous les moyens que mettront Joël Mergui et son équipe dans ce projet pharaonique du 17ème arrondissement seront des moyens en moins pour doter les petites communautés qui en ont un besoin vital. C’est en cela que le conflit d’intérêts entre un président du Consistoire central et celui d’un président de Consistoire régional porte atteinte individuellement à chacun d’entre nous.

Il est par ailleurs impératif que le Consistoire central donne tous les moyens au Rabbinat français pour répondre aux besoins en matière de pratique religieuse de chaque petite communauté juive partout où elle se trouve.

3/ En vérité, Joël Mergui veut fusionner les deux structures. Il ne cesse de le proclamer et ses partisans et collaborateurs répercutent cette idée, avec plus ou moins de talent. Mais une telle fusion si elle se concluait entre les mêmes acteurs de part et d’autre, sans garantie que les intérêts de l’une ou l’autre organisation seraient correctement défendus, sans garantie que le Président du Central défende les intérêts des fidèles des plus petites communautés : en l’occurrence, fusion signifierait confusion !

Tôt ou tard des communautés d’hommes et de femmes s’aperçoivent que dans leurs activités aussi, la vraie démocratie est nécessaire et que le cumul des mandats contradictoires et les conflits d’intérêts sont un obstacle dangereux pour leur aspiration légitime à cette même démocratie.

Dans les semaines, les mois qui viennent, le Grand Rabbin de France, Gilles Bernheim, poursuivra ses déplacements dans les Communautés de France, dans la perspective de remplir sa mission pastorale : enseigner, mesurer les besoins en matière cultuelle, soutenir l’action des rabbins sur le plan local.

Si Joël Mergui se déplace avec lui, c’est dans le cadre de la campagne électorale qui, comme nous le disions plus haut, a déjà démarré à Néïla de Kippour.

Nous demandons au Grand rabbin de France, aux Grands rabbins et rabbins régionaux ou locaux, à l’instar du communiqué des Grands rabbins de France et de Paris lors des élections de l’ACIP en 2009, de se dissocier de toute participation à ces manœuvres électoralistes.

Nous appelons les fidèles des Communautés à nous rejoindre pour exiger avec nous que Joël Mergui se détermine ici et maintenant, de manière claire et définitive. Entre deux rôles exclusifs il est aujourd’hui grand temps qu’il choisisse :

– Soit il se maintient au Consistoire de Paris et doit dès à présent lancer un appel à sa succession à la présidence du Consistoire Central, en juin 2012
– Soit il souhaite se présenter à la présidence du Consistoire central et doit d’ores et déjà démissionner de sa fonction de président de l’ACIP et organiser des élections au Consistoire de Paris Ile de France.

La démocratie communautaire est en marche. Joël Mergui ne l’arrêtera pas.
Il est temps qu’émerge le printemps des Consistoires.

Article collectif sous la coordination de Charles Tenenbaum, président d’ADJ Article original

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