A l’issue d’une campagne somme toute courtoise, le nouveau grand rabbin de France, Haïm Korsia, livre sa vision de la communauté juive de France, ses espérances quant à son avenir et parle de « ses priorités consistoriales ».

Le Grand Rabbin Haïm Korsia

« C’est l’unité qui nous permettra de faire face »


Le Grand Rabbin Haïm Korsia le 15ème Grand rabbin de France. Crédit photo : erez lichtfeld

Actualité Juive : Un petit retour en arrière pour commencer. Comment avez-vous vécu cette campagne et quels enseignements en avez-vous tirés ?

Haïm Korsia : Cela a été une campagne sobre et digne, marquée par une bonne ambiance entre tous les candidats. Les communautés qui nous ont reçus ont fait un travail remarquable d’organisation. Et, à leur propos, j’ai été époustouflé par la somme de dévouement et d’engagement humain de toutes ces personnes qui portent le judaïsme à bout de bras. Elles représentent la force de la communauté juive. En passant, j’ai aussi été le témoin, en parcourant la France, du dévouement des membres du Service de Protection de la Communauté Juive. Je les ai trouvés formidables et je voudrais les réunir pour leur dire que nous sommes fiers d’eux.

Mais, j’ai vécu aussi, de manière très troublante, le sentiment de vulnérabilité, la peur ressentie par beaucoup, l’expérience de l’indifférence de leurs concitoyens à leur sort. Bref, le fait de ne pas savoir ce qui va se passer “après”. Cela a été quelque chose de très violent.

A.J. : Que faire face à un tel ressenti ?

H.K. : Il faut conjuguer nos forces. La Torah nous enseigne : « Al Titgodedou ». « Ne vous tailladez point », que les commentaires expliquent par l’idée de ne pas faire des clans et des clans. C’est cette unité qui nous permettra de faire face.

« En défendant le judaïsme français, c’est la France que l’on défend, la vraie France, celle du vivre ensemble »

A.J. : Vous croyez donc à un avenir du judaïsme français ?

H.K. : Il est nouveau que la communauté se pose une telle question mais si elle se la pose, c’est que le problème existe. Or, je vois un avenir ici car le judaïsme porte l’espérance. Et en défendant le judaïsme français, c’est la France que l’on défend, la vraie France, celle du vivre ensemble.

Lorsqu’un jeune Rom est tabassé et qu’il n’y a pas de mouvement d’indignation, quand, après l’attentat de Bruxelles, seules quelques centaines de personnes se retrouvent devant l’ambassade belge, ce sentiment d’indifférence que ressent la communauté lui fait douter de son avenir. C’est contre cela qu’il faut lutter. Contre l’indifférence. Je voudrais aussi rappeler que la devise du Consistoire est « Religion et Patrie ». Nous sommes une partie de la France et nous devons parler à la société. Et de quoi lui parler sinon de Torah. Si l’on pouvait réenchanter la communauté juive, cela aurait une influence bénéfique sur la communauté nationale, car c’est exactement notre vocation d’être des précurseurs.

A.J. : Plus concrètement, quelles sont les premières mesures que vous comptez adopter ?

H.K. : Tout d’abord, je vais proposer très rapidement au Président Mergui de nommer deux médiateurs, à savoir un homme et une femme afin d’accueillir quiconque a un problème dans la communauté ou se sent mis à l’écart, et ne sait plus où se tourner. Je le ferai avec lui car, de la cohésion du binôme que nous formons, apparaitra le vrai symbole de l’unité que nous voulons promouvoir. Qui dit unité ne dit pas uniformité mais harmonisation.

En fait, c’est quelque chose de profondément juif. Dans la Bible, Moïse et Aaron jouent deux rôles distincts. Bien entendu, nous ne sommes pas Moïse et Aaron mais la dualité reste importante. Quand D-ieu crée l’homme et la femme, celle-ci est définie comme « ezer kenegdo », une aide face à lui. Pour en revenir au Consistoire, la force de chacun renforcera celle de l’autre et la force des deux renforcera l’institution. Dans cette optique, l’un des premiers dossiers que je souhaite traiter est un projet de rassemblement. Il s’agit du Centre Européen du Judaïsme dans le 17e arrondissement. La géographie des juifs ayant changé, il faut se doter d’un outil adapté. Et ce projet du Centre met en marche toutes les énergies de la communauté.

Quand deux personnes ont beaucoup d’énergie, on veut les opposer. Joël Mergui et moi travaillons ensemble depuis des années et nous faisons avancer les choses. Pour ne citer qu’un exemple, c’est avec lui que j’ai travaillé quand se posaient des problèmes de chabath. Plus généralement, je vais, donc, m’appuyer sur les équipes en place, sur l’institution, sur mes maîtres qui m’ont tout appris.

« Nous devons entendre les besoins et les attentes de la communauté »

A.J. : Une autre priorité ?

H.K. : Je vais aussi réunir au plus vite le Conseil Supérieur Rabbinique. J’attends pour ce faire le retour du grand rabbin Gugenheim qui vient de perdre sa mère, ndlr »>Article original pour lequel j’ai le plus grand respect. Il s’agira de donner des directives aux rabbins mais avant tout de leur parler et de les écouter. Il faut dire que nous avons des personnalités rabbiniques formidables. Je pense, par exemple, entre autres, au grand rabbin Fiszon qui n’a pas qu’une compétence sur la Chékhita mais a des projets considérables à son actif dans son département, et d’autres rabbins talentueux… mais isolés.

Par Catherine Garson Le 29/06/2014 à 13h00 Rubrique France

actuj.com Article original

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