20 Tevet : Hilloula du Rambam, Rabbi Moché Maïmonide
A l’occasion de la Hiloula (jour anniversaire de décès, Yom Chéni 20 TÉVET 5782 jeudi soir 23 décembre 5782) du maître Rabbi Moché ben Maimon (surnommé le Rambam),nous allons relater son itinéraire et son oeuvre.
Un dicton populaire énonce: « depuis Moïse, le prophète jusqu’à Moïse, ben Maimon, aucun autre Moïse ne s’est manifesté. »
Ce qui frappe d’emblée, c’est l’aspect très mouvementé de la vie de Maimonide. Il a été obligé de fuir les persécutions du Croissant et de la Croix : ayant d’abord vécu en Espagne, il a ensuite trouvé refuge au Maroc, enfin il a passé la deuxième partie de son existence en Égypte.
Cependant cette vie tourmentée ne l’a jamais empêché d’étudier, d’écrire, de s’engager dans la gestion des affaires courantes.
La première partie de sa vie se déroule en Occident
La première partie de sa vie se déroule en Occident, la seconde en Orient. Grâce à la découverte par D. Goïten de documents dans La Genizah du Caire on connaît mieux la vie de celui qui a été surnommé « l’Aigle de la Synagogue ».
Le 30 mars 1138 Moïse ben Maimon naquit à Cordoue, considérée alors comme le foyer juif le plus actif de l’Espagne.
Deux siècles plus tôt une grande personnalité avait déjà rayonné : Hasdaï ben Shaprout (915-970), le premier dirigeant juif à jouer un rôle politique auprès du calife au cours de « l’âge d’or du judaïsme espagnol ».
Le jeune Moïse était le fils d’un juge du tribunal rabbinique: dès son plus jeune âge il étudiait, avec son père la Bible (loi écrite), la Michna et le Talmud (loi orale) mais également les mathématiques, les sciences naturelles, la médecine.
Il faut rappeler que le célèbre Averroès étudia à Cordoue. Les capacités intellectuelles du jeune Salomon lui permirent d’accumuler des connaissances dans de nombreux domaines.
Statue de Maimonide à Cordoue
Les Almohades, partisans d’un Islam pur et dur, s’emparèrent de Cordoue et imposèrent aux Juifs et aux chrétiens, surnommés « les gens du Livre », le choix entre la conversion ou de la mort.
La famille Maimon quitta la ville de Cordoue pour mener une vie errante en Espagne pendant une dizaine d’années: elle refusa la conversion à l’Islam imposée par les nouveaux dominateurs.
Une nouvelle étape, qui a pour cadre Fès au Maroc
Commença alors une nouvelle étape, qui a pour cadre Fès au Maroc. Dès le Xème siècle, Fès fut un grand foyer d’études juives, comme Kairouan et Tlemcen, qui ont entretenu des relations intenses avec les académies babyloniennes : un grand érudit a ainsi marqué l’histoire de Fez: Isaac ben Yaacov Alfassi dit le Rif (1013-1103).
Dans ce centre marocain, Maimonide continua d’étudier les sciences profanes comme la philosophie d’Aristote, la théologie de l’Islam et la médecine.
Il étudia avant tout la Torah ou loi écrite, le Talmud ou loi orale : il s’inspira d’un maître célèbre, Rabbi Juda Ha Cohen Ibn Soussan.
Les guerriers almohades franchirent le détroit de Gibraltar et conquérir le Maroc : de nouveau la famille de Maimonide fut placée devant le même dilemme : la conversion ou le martyr.
Le 8 août 1165, Rabbi Juda Ha Cohen, le maître de Maimonide, fut exécuté sur la place publique. Rabbi Maimon et sa famille parvinrent à quitter Fès.
Pour soutenir les juifs obligés d’accepter la loi islamique, Maimonide écrivit une lettre Higueret Hachemad dans laquelle il écrivait ceci :
« Le conseil que je te donne, l’idée que je revendique pour moi-même et pour ceux que j’aime ainsi que tous ceux qui sollicitent mon avis sont les suivants: quittez donc ces lieux pour des sites où vous pourrez pratiquer votre religion et accomplir les préceptes de la Tora sans crainte ni oppression. Abandonnez maison, enfants et toutes vos possessions, car la religion que le Seigneur nous a donnée en héritage est bien plus importante que les choses….Si par malheur on vous contraignait à transgresser un seul commandement, il vous est interdit de continuer à résider dans un tel lieu. Partez, laissez tout derrière vous, marchez de jour comme de nuit jusqu’au moment où vous trouverez un havre de paix pour pratiquer votre religion! C’ est que le monde est vaste! »
Ainsi Maimonide montra que celui qui prie en secret et fait de bonnes œuvres reste Juif, malgré son simulacre de conversion. Cependant, il conseilla à chaque Juif de quitter tout pays où on le forcait à se convertir.
Maimonide en Erets Israel
Miraculeusement Maimonide et les siens échappèrent à l’arrestation et parvinrent à s’enfuir par bateau pour rejoindre Erets Israel.
Après une longue et pénible traversée ils arrivèrent à leur destination dominée alors par les Croisés. En octobre de la même année, ils se rendirent à Jérusalem et Hébron, deux des quatre «villes saintes» juives, accompagnés par Rabbi Yeffet, grand rabbin d’Acco (Saint Jean d’ Acre).
Une quatrième étape commença en Égypte
Une quatrième étape commença en Égypte, elle dura trente huit ans. La famille s’installa à Fostat, dans Le Vieux Caire.
Deux disparitions marquèrent vivement Maimonide : d’abord le décès de son père et puis celui de son jeune frère David qui subvenait aux besoins matériels de la famille. Quinze plus tard, il confia dans une épître la profondeur de sa douleur.
Maimonide fut obligé de pratiquer la médecine comme activité professionnelle.
On lui doit la célèbre prière médicale:
« Mon Dieu, remplis mon âme d’amour pour l’Art et pour toutes les créatures. N’admets pas que la soif du gain et la recherche de la gloire m’influencent dans l’exercice de mon Art, car les ennemis de la vérité et de l’amour des hommes pourraient facilement m’abuser et m’éloigner du noble devoir de faire du bien à tes enfants. Soutiens la force de mon cœur pour qu’il soit toujours prêt à servir le pauvre et le riche, l’ami et l’ennemi, le bon et le mauvais.
Fais que je ne voie que l’homme dans celui qui souffre. Fais que mon esprit reste clair auprès du lit du malade et qu’il ne soit distrait par aucune chose étrangère afin qu’il ait présent tout ce que l’expérience et la science lui ont enseigné, car grandes et sublimes sont les recherches scientifiques qui ont pour but de conserver la santé et la vie de toutes les créatures. »
Il eut tellement de succès en tant que médecin, qu’il devint, en 1185, le médecin attaché à la cour du vizir de Saladin : ce dernier souffrant d’une dépression chronique. Il composa plusieurs traités de médecine.
Parallèlement à ses activités intellectuelles et professionnelles, il devint le chef de la communauté juive d’Egypte menacée par l’expansion des idées karaïtes. Il écrivit, en guise de réponse, Le Guide des Perplexes (ou des Egarés).
Il assura cette responsabilité spirituelle en refusant toute rémunération. Maimonide continua d’étudier, de publier des lettres, de faire des conférences publiques sur des sujets philosophiques et d’écrire des ouvrages sur la loi juive. En particulier il finit de compiler le Michné Torah, un ouvrage fondamental. Compilé entre 1170 et 1180, le Michné Torah fut appelé également Yad Ha-Hazaka, La Main forte. Il est composé de quatorze traités et réunit toutes les lois religieuses, morales, civiles et sociales rapportées dans les Talmud de Babylone et de Jérusalem, ainsi que dans les ouvrages de Midrach et les écrits des Guéonim, d’où son titre Michné Torah, la Répétition de la Torah qui fit référence au cinquième livre de Moïse, Dévarim,.
Selon Maïmonide le but du livre est : « En ces temps… la sagesse de nos Sages est perdue, et notre compréhension est enfouie. Les commentaires, responsa et règles compilées par les Gueonim sont devenus trop difficiles pour notre époque, et peu les comprennent comme il faudrait… C’est pourquoi moi, Moshe, fils du rav Maïmon l’Espagnol… je me suis efforcé de réunir toutes les paroles dispersées dans ces compilations, en matière d’interdit et de permis, de pur et d’impur avec les autres jugements de la Torah, de les rédiger dans une langue claire et un style concis, afin que toute la Loi Orale se trouve réunie dans sa plénitude, sans difficulté, et sans subdivision, et sans ‘un tel dit ceci, un autre dit cela’ ; mais au contraire des phrases simples, proches, justes, selon le jugement qui explique tout ce qui se trouve dans ses compilations et commentaires existant depuis l’époque de notre saint Rabbi jusqu’aujourd’hui… jusqu’à ce que tous les jugements soient connus, pour le petit et pour le grand, pour chaque prescription, et pour tous les arrêts rendus par les Sages et les prophètes : le but de cet ouvrage, est qu’il n’y ait pas besoin d’autre source, mais que cette œuvre rassemble toute la Loi Orale, avec tous les nuances, les coutumes et les arrêts rendus depuis Moïse notre Maître jusqu’à la compilation du Talmud… C’est pourquoi j’ai appelé ce code Mishneh Torah, car si l’on commence à lire la Torah écrite, et qu’on lit ceci ensuite, on saura toute la Loi orale, et il n’y aura pas besoin d’autre livre entre eux ».
Dès la préface au Mishneh Torah, Maimonide énonça les 613 commandements avec leurs règles, leurs modalités, leurs exceptions. Maïmonide les a subdivisées en :
– Prescriptions positives (מצוות עשה) : comput des 248 prescriptions à réaliser (le Rama »h)
– Prescriptions négatives (מצוות לא תעשה) : comput des prescriptions de ce qu’il ne faut pas réaliser (ex : mentir, tuer, voler)
Considéré comme un monument de la halakha, le Michné Torah a été maintes fois commenté et critiqué, d’aucuns reprochant au Rambam de fixer la Halakha (loi) selon son opinion personnelle au mépris des autres.
Sur cet ouvrage en particulier que se base l’autre référence en matière de halakha, le Choulhan Aroukh du Rav Yossef Karo ( XVIème siècle).
Il entretint aussi une correspondance avec les savants juifs de toutes les communautés situées autour de la Méditerranée (en particulier, Marseille, Lunel) qui lui posaient des questions.
Il correspondit avec les communautés juives, celle du Yemen, les encourage aà résister à toute tentative de conversion. Il secourut financièrement les communautés en difficulté.
Le 13 décembre 1204, le 20 Tevet (aujourd’hui lundi 4 janvier 2021) Maimonide décéda à Fostat et fut enterré à Tibériade, en Erets Israel.
Admiré par les Musulmans d’Égypte, un jeûne fut institué à Jérusalem, à la nouvelle de sa mort.