Les jours s’allongent. Les semaines et les mois passent à toute vitesse. Nous sortons, lentement, de l’hiver pour nous diriger allègrement vers le printemps et la fête qui le symbolise par excellence: Pessah.

Comment ne pas penser à ce qui constitue le fondement de notre existence ; la source et la raison d’être de notre vie : la sortie d’Egypte.

Pessa’h, ses longues veillées du Seder, où les familles sont réunies autour de la table, toutes générations confondues. Un instant spécial, source de ressourcement pour tous, où peut s’appliquer l’un des commandements fondamentaux de la Torah, enseigner aux enfants.

Les enfants, sont à l’honneur, parce qu’ils sont l’avenir du peuple juif. Si l’on tentait de donner une explication rationnelle à la survie du peuple juif malgré tous les malheurs qui ont pu le frapper à travers les âges, la célébration  familiale du Seder de Pessa’h pourrait constituer une ébauche d’explication.

Que se passe-t-il le soir de Pessa’h ? Non pas un cérémonial magique, mais simplement un rituel rigoureusement ordonnancé depuis des millénaires. Or, un des moments clés du Seder  tient dans le questionnement lié à cette soirée. Un des passages les plus fameux repose sur les quatre fils de la Haggadah. Un ‘Hakham (Sage), un Rash’a (Impie), un Tam (Simple), un Veshééno yodéa lisheol (qui ne sait poser de question).

La Haggada nous enseigne que la Torah s’est exprimée par rapport à ces quatre fils. Quatre questions sont posées, qui appellent logiquement quatre réponses. Mais comme le fait remarquer le Rav Its’hak Hutner[1] zal, seules trois réponse sont apportées. L’Impie et Celui qui ne sait poser de question ont reçu la même réponse.

Comment expliquer cette énigme ?

Le Talmud[2] enseigne que le soir de Pessa’h deux mitsvot (commandements) doivent êtres accomplis au moment du Seder. L’obligation de raconter la Haggada à d’autres et la nécessité de le faire par le biais de questions-réponses.

Ces deux conditions ne sont pas dépendantes l’une de l’autre ; à telle enseigne que si une personne est seule, et qu’elle ne peut donc pas raconter la Haggada à d’autres, elle se doit quand même de se poser à elle-même des questions et d’y répondre. On voit, dans ce cas de figure, que seule une des conditions a été remplie. Reste à comprendre pourquoi il semble, malgré tout, si important de raconter la Haggada à d’autres.

Le Rambam[3] [Maïmonide] écrit que si une personne est démunie au point de ne pouvoir payer la bougie nécessaire à l’allumage des lumières de ‘Hanouka, elle se doit de vendre même un de ses propres vêtements pour accomplir cette mitsva.

D’où tient-il cette halakha [règle religieuse]? Le Maguid Mishné[4] écrit qu’il l’a déduit d’une règle édictée à propos de Pessa’h, où il est enseigné que l’on vend jusqu’à ses vêtements pour acheter le vin nécessaire à la consommation des quatre coupes de vin le soir du Séder, car il faut proclamer le miracle[5]. Le même principe est retenu pour ‘Hannouka. Or, proclamer un miracle subodore la présence d’autres personnes ; c’est-à-dire commenter la Haggada à d’autres.

Nous pouvons désormais éclaircir le propos du Maître de la Mishna à propos des quatre fils.

Le Hakham et le Tam concentrent tous eux tous les principes énoncés : diction à d’autres et jeu de questions-réponses. Le Shééno Yodé’a Lisheol ne sait pas, par essence, poser de question. Quand au  Rash’a, sa question n’en est pas une ! Pourquoi donc ? Parce qu’il ne vient pas questionner mais détruire en tenant des propos provocants et sans aucun intérêt.

La dernière catégorie ne contient donc que le fait d’enseigner la Haggadah aux autres de manière brute.

D’ailleurs, le Rav Hutner fait remarquer qu’une analyse méticuleuse du texte de la Haggadah, basée sur les versets  afférents de la Torah, nous prouve la justesse de son analyse.

A propos du Hakham, il est dit[6] : « Qu’est-ce que ces statuts, ces lois, ces règlements que l’Eternel, notre D.ieu, vous a imposés ? ». Le Tam déclare[7] : « Qu’est-ce que cela ? »

Dans ces deux cas, la question appelle une réponse qui va être donnée par le rédacteur de la Haggadah.

Le Rash’a dit :[8]  « Que signifie pour vous ce rite ? ». Cette formulation n’appelle pas de réponse objective, elle ne vise qu’à détruire.

C’est la raison pour laquelle, parmi les quatre questions posées le soir du Séder, seules trois réponses sont apportées.

Tout cela pour nous faire prendre conscience de notre identité, de notre appartenance à un peuple plurimillénaire, qui malgré une très longue expérience dans l’histoire de l’humanité, continue de se poser et de poser…des questions.

Pessa’h 2018. De la soirée du: vendredi 30 mars

À la soirée du: samedi 7 avril

Grand Rabbin Daniel DAHAN


[1] Pa’had Its’hak sur Pessa’h ; ch. 4

[2] Pessa’him 116a

[3] Hilekhot ‘Hanoukah ch. 4 ; § 12

[4] Commentaire du Rambam par Rabbi Vidal de Tolosa  (Catalogne XIVème siècle)

[5] Pirssoumé nissa

[6] Deutéronome VI ; 20

[7] Exode XIII ; 14

[8] Exode XII ; 26

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