A propos du premier verset de la paracha Vayechev: Yaakov demeura dans le pays des séjours de son père, dans le pays de Canaan.

Vayéchev Yaakov béerets mégouré aviv béérets kénaan.

 

Chaque mot, chaque lettre de la Torah, est riche d’enseignements.

Le verset nous dit ici que Yaakov s’assoit, vayechev, dans le sens de s’installer. Cela représente un risque: celui de tomber à D.ieu ne plaise dans l’immobilisme, donc de connaître une forme de rétrogradation de son niveau. En effet, l’idée d’installation fait penser à la mise en place d’une certaine routine qui peut se révéler nuisible.

Car nous avons besoin de nous renouveler en permanence, ce qui implique la nécessité du mouvement. Bien que le peuple d’Israël ait hérité de la terre sainte, il a eu d’énormes difficultés à apprendre la notion de renouvellement à son contact.

En effet, bien vite, les enfants d’Israël se retrouvent « assis, chacun sous sa vigne et sous son figuier » …

Cela signifie qu’une forme de routine et de passivité est en train de s’installer.

Israël devient alors passif et tombe « naturellement » dans l’idolâtrie, c’est-à-dire dans une cristallisation figée de la manifestation divine au sein de la Création.

Briser et se débarrasser de l’idolâtrie, c’est comprendre que notre vie n’est pas le fruit d’un fatalisme aveugle.

Nous pouvons changer les choses si nous le voulons vraiment, à condition d’être acteur et pas spectateur …

Comprendre qu’il est possible d’échapper à l’enfermement de la routine « idolâtre » parce que stérile et improductive, pour de nouveaux projets.

Cela dépend seulement de notre regard. Découvrir notre propre réalité quotidienne sous un autre jour.

Par exemple, se rendre compte petit à petit des nombreux miracles cachés que le Créateur du monde met en place pour nous, à chaque instant de notre vie. D.ieu béni soit-Il renouvelle le monde à chaque instant : nous sommes neufs à chaque seconde ! C’est pour cela que tout est possible.

Yaakov s’installe, mais c’est en conservant la force de son regard de vérité, lui qui est « baki béaïn », expert dans l’art du regard (baki aïn = yaakov ce sont les mêmes lettres).

Où s’installe-t-il ? Béérets, dans la terre … C’est-à-dire qu’il parvient à voir la lumière spirituelle agissante à l’intérieur de la matérialité. En d’autres termes, il comprend que le monde est en perpétuel mouvement, en perpétuel renouvellement.

Rien n’est figé définitivement. C’est alors qu’il fait descendre de nouvelles perceptions, ce que nos maîtres appellent les mo’hin, appelés dans la hassidout les facultés intellectuelles : hokhma, bina et daat, dont les initiales sont HaBaD.

Dans les ouvrages de sainteté, elles sont aussi abrégées en ga’’r, initiales de « Guimel (ou trois) Richonot », les trois premiers degrés spirituels, qui représentent la « tête ».

La vitalité propre à chaque jour est liée directement à la descente de ces lumières : tel est le sens à apporter au mot suivant du verset : mégouré, dont les lettres mem guimel vav rech yod sont la fusion du mot yom – jour et de ga’’r, les mo’hin. Ce sont ces degrés-là que Yaakov draine de par sa sainteté, jusque dans la matérialité la plus grossière (béérets).

Pour résumer, l’homme qui développe un regard neuf sur son environnement (yaakov) choisit de résider (vayechev) dans une certaine forme de matérialité (beerets). Son regard de sainteté lui permet d’attirer de nouvelles perceptions spirituelles ou mo’hin, propres à chaque jour (mégouré). C’est de cette manière que l’on comprend le mot suivant : aviv, son père.

Car en hébreu, av peut être vocalisé ev, c’est-à-dire la jeune pousse en formation. Si l’on met de côté les lettres aleph et beith qui forment le mot év, il reste le yod et le vav.

La succession de ces deux lettres invite à faire descendre la lumière qui était concentrée en haut (lettre yod) pour la prolonger et nourrir tous les degrés les plus bas (la forme de la lettre vav est le prolongement vers le bas de la lettre yod). Cela s’appelle prier son Père, aviv en hébreu.

Car la prière consiste justement à demander au Créateur de dispenser Sa suprême bonté à toutes Ses créatures, c’est-à-dire ouvrir le yod, qui est yad, la main généreuse, afin que le flux de bonté irrigue l’univers tout entier.

Et ce développement nourricier investit les mondes les plus bas : le verset répète une nouvelle fois, béérets, dans la terre … Mais cette fois-ci, la terre est qualifiée de Kénaan, soit de kana-noun, c’est-à-dire abaisser et enraciner, car la lettre noun final est liée à l’idée d’enracinement.

L’homme prend alors conscience que la lumière divine le cerne de toute part, et qu’il n’existe rien en dehors de Lui : ein od milévado. La lumière du Créateur remplit l’univers tout entier et cette perception qui est en elle-même la réponse à la prière de l’homme le met en mouvement.

Tel est le sens de Kénaan. En effet, la première et la dernière lettre de ce mot forment le mot ken, qui est une base, un socle, quelque chose de statique et d’immobile.

Par contre, les deux lettres centrales noun et aïn sont liées à la racine no’a, se mettre en mouvement. Ainsi, au sein même de l’immobilisme – ken (première et dernière lettre de Kénaan) se trouve le germe du renouvellement par le déplacement (noun-aïn se trouvent en position centrale).

Ce germe du renouvellement au sein même de ce qui semble immobile rappelle le secret de la croissance. Car grandir ne se fait pas en un jour, il faut du temps, parfois beaucoup de temps. Chaque jour recevoir de nouvelles perceptions (mégouré) pour grandir en conscience (kénaan) en demandant au Créateur d’étendre Sa bonté à l’univers tout entier (aviv).

Pour résumer :
1.L’homme qui possède le vrai regard de profondeur, c’est Yaakov.
2. Yaakov est prêt à s’installer (vayechev).
3. Où ? Dans la matérialité (béérets).
4. Mais il comprend, grâce à son regard, que chaque jour reçoit une nouvelle vitalité du Créateur (mégouré).
5. Il se met alors à prier le Créateur pour accroître la descente du flux de lumière divine qui irrigue le monde entier (aviv).
6. La portée de cette lumière divine s’étend jusque dans les endroits les plus bas (béérets).
7. La prise de conscience que le Créateur du monde nous accompagne partout de par Sa lumière s’appelle Emounah, la foi. Elle est la « force de croissance » qui permet de faire grandir l’homme, en le faisant sortir de son immobilisme pour une mise en mouvement (kénaan), riche en perspectives d’avenir et en nouveaux projets.

Ce cours est dédié à la Mémoire de Yossef Ben Messaouda ELBEZ Zal, patriarche de la famille de Batna.

Samuel DARMON

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