Valérie Toranian
Valérie Toranian. Le nouveau chic décolonial : novlangue, indigénisme et tendances
Dans un article sur la mort d’Ennio Morricone, maestro génial, auteur de musiques de films culte, je lis qu’il commença sa carrière comme “nègre musical”. Malgré moi, je tique. Peut-on écrire “nègre musical” en 2020 ?
On ne dit plus “tête de nègre” mais “meringue chocolatée”. L’auteur dans l’ombre qui travaille anonymement mais pas gratuitement est-il “un nègre” ?
Les maisons d’édition continuent-elles à utiliser cette expression ? Je pense que non. La connotation colonialiste et esclavagiste est trop forte et c’est de l’appropriation d’un statut victimaire indue. Un blanc ne saurait être un nègre.
Black et white
Dois-je écrire : Un “blanc” ne saurait être un “nègre” ? J’écris “blanc” sans majuscule. J’opte pour la nouvelle écriture préconisée par le New York Times concernant les catégories de personnes : le quotidien référent de la gauche américaine écrit désormais black avec une majuscule (Black) mais white continuera à s’écrire avec une minuscule. Car “il y a moins le sentiment que “blanc” décrit une culture et une histoire partagées”.
Surtout pas de critique à gauche, le moins de culture historique possible, un pseudo regard distancié qui fait le lit des mouvements néo-féministes, décoloniaux, indigénistes et racisés. Le gauchisme a toujours amené la droite dure au pouvoir mais ça, on s’en fout, ce n’est pas “tendance” de le dire.
Quand la minuscule devient “signe d’irrespect et de racisme”
Dans les années 1920, nous apprend la rubrique Fact checking (vérification de l’information) de Libé, le sociologue William Edward Burghardt Du Bois avait demandé aux médias de “capitaliser” le terme “Negro” plutôt que “negro”, estimant que la minuscule était “un signe d’irrespect et de racisme”.
En 1930, le New York Times avait adopté cette forme, estimant que c’était un “acte de reconnaissance et de respect pour ceux qui ont passé des générations en minuscule”.
Martin Luther King utilisait Negroes mais Malcom X popularisa en 1964 l’expression Afro-Americans pour reconnecter la cause aux racines africaines. Depuis les années 2000, les études universitaires utilisent le terme African American jugé plus approprié.
Mais attention: beaucoup de Noirs américains rejettent cette expression car “c’est un manque de respect pour ceux qui sont vraiment africains, parlent la langue de leur pays d’origine, et ont migré vers les États-Unis de leur propre choix”, explique l’universitaire Cécile Coquet (1).
Le politiquement correct, cet enfer pavé de bonnes intentions
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1 Cécile Coquet est maîtresse de conférences en civilisation américaine à l’université de Versailles-Saint-Quentin.
Valérie Toranian est Directrice de La Revue des deux Mondes.
Source: La Revue des deux Mondes. 6 juillet 2020.