TÉMOIGNAGE. Après l’assassinat de Samuel Paty, « un tiers de mes élèves conteste les programmes »

Un mois après l’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre, une professeure de français de banlieue parisienne témoigne de la difficulté à enseigner.

Ouest-France Propos recueillis par Arnaud BÉLIER.Publié le 

Il y a un mois, le 16 octobre, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, était assassiné à la sortie de son lycée à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Son assassin avait appris qu’il avait montré en cours des caricatures de Mahomet publiées dans Charlie Hebdo. Il avait souhaité le punir pour cela. Un geste extrême, qui reste isolé fort heureusement.

Mais la difficulté d’enseigner les programmes, de nourrir sereinement les débats en classe demeure.

En témoigne, Isabelle (prénom d’emprunt), professeure de français exerçant en banlieue parisienne. Elle est tombée de sa chaise après avoir questionné ses élèves à la suite de la minute de silence organisée dans son établissement le 2 novembre.

Voici son témoignage.

« Cela fait six ans que j’enseigne. J’aime ce métier que j’ai découvert par hasard, après avoir travaillé dans le milieu de l’événementiel. Mais j’ai l’impression que les choses évoluent, et pas dans le bon sens. Après l’attentat contre Charlie Hebdo, en janvier 2015, il y a eu spontanément une forme d’unité nationale. Bien sûr, on a entendu des phrases comme : Ils l’ont bien cherché. On a entendu des élèves le dire, mais c’était très rare.

Je me suis demandé comment j’allais pouvoir en parler aux élèves
Après l’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre, je me suis demandé comment j’allais pouvoir en parler aux élèves que j’aurais lors de la minute de silence, le 2 novembre. J’étais étonnée de n’avoir rien vu passer sur les réseaux sociaux, alors que d’ordinaire les élèves réagissent au quart de tour à l’actualité, comme lorsqu’on a interdit à des filles de porter des crop-tops. Là, rien. Je me suis dit : ce n’est pas normal, il y a quelque chose de souterrain.

J’ai commencé mon cours en présentant des dessins de Daumier [un célèbre caricaturiste du XIXe siècle], puis des Unes de Charlie Hebdo, mais pas celles représentant Mahomet. Jamais, je n’ai employé le mot caricatures. Le cours s’est bien passé. Après, je leur ai dit de prendre une feuille et de répondre, anonymement, à ces trois questions : Que s’est-il passé le 16 octobre ? ; Qu’avez-vous retenu du discours d’Emmanuel Macron lors de l’hommage à Samuel Paty ? ; Y a-t-il des points que vous souhaitez évoquer ?

Rassurez-moi, vous n’allez pas me décapiter ?
Et là, je suis tombée de ma chaise. En résumé, un tiers des élèves disait : Ce n’est pas normal de critiquer l’islam, comme les autres religions, d’ailleurs ; C’était mieux avant quand il n’y avait pas de liberté d’expression ; « Pourquoi les caricatures sont-elles aux programmes ? » ; Je ne vois pas l’intérêt de parler de tout ça. Nous avons échangé là-dessus. À la fin, je leur ai dit, pour détendre l’atmosphère : Rassurez-moi, vous n’allez pas me décapiter ? Un élève m’a répondu : Vous inquiétez pas. Pas vous…

Un tiers d’une classe qui conteste le programme, c’est effrayant, ça va être difficile à déconstruire. Que répondre à cet élève de seconde qui, lors d’un exposé, a pixélisé le sexe d’une statue de Modigliani, parce qu’il trouvait ça inconvenant ? Que dire à ces élèves qui se disent choqués par Persépolis [bande dessinée puis film de Marjane Satrapi sur sa jeunesse en Iran] ? Que répondre quand on me demande : « Pourquoi Dieudonné, il perd tous ses procès, et Charlie Hebdo, jamais ? »

On devrait obliger les enseignants à suivre des cours d’instruction civique
Je me sens désarmée. Je pense qu’on ne pourra déconstruire ces discours qu’en étant béton sur les savoirs scientifiques qu’on enseigne aux élèves. Quand j’ai passé mon Capes, il y a quatre ans, on m’a demandé d’apprendre par cœur les dix postures d’un agent de l’État. Des mots-valises qui ne veulent rien dire. On devrait obliger les enseignants à suivre des cours d’instruction civique solides. Or, fort est de constater que nous ne maîtrisons pas suffisamment ces sujets aujourd’hui. »

https://www.ouest-france.fr/faits-divers/attentat/conflans/temoignage-apres-l-assassinat-de-samuel-paty-un-tiers-de-mes-eleves-conteste-les-programmes-7053186?

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Filouthai

50 ans de gouvernement par des énarques, auxquels s’ajoutent la main mise des gauchos bobos écololos sur la culture et l’éducation, et il ne reste rien de ce pays.
Triste constat !

KIGEM

CE N EST PAS QUE L ÉDUCATION MAIS BIEN TOUTE LA FRANCE QUI A BAISSÉ SON FROC.
DEMAIN ILS CHOISIRONT LEURS ENSEIGNANTS ET PLUS SANS EN ÊTRE EMPÊCHÉS