© BORIS ROESSLER / DPA / AFP

Mort de Vincent Lambert : l’écrivain Michel Houellebecq publie une tribune dans les colonnes du Monde 11 juillet 2019 

Vincent Lambert est mort ce jeudi 11 juillet après l’arrêt de ses traitements. Ce patient était dans un état végétatif depuis près de  onze ans à la suite d’un accident de voiture.

Michel Houellebecq a publié une tribune dans le journal Le Monde sur le cas de Vincent Lambert.

L’écrivain regrette que Vincent Lambert soit devenu le symbole du débat sur la fin de vie.

« Il m’est difficile de me défaire de l’impression gênante que Vincent Lambert est mort d’une médiatisation excessive, d’être malgré lui devenu un symbole qu’il s’agissait, pour la ministre de la santé « et des solidarités », de faire un exemple. D’ »ouvrir une brèche », de « faire évoluer les mentalités (…) Vincent Lambert n’était nullement en proie à des souffrances insoutenables, il n’était en proie à aucune souffrance du tout (…) Il n’était même pas en fin de vie. Il vivait dans un état mental particulier, dont le plus honnête serait de dire qu’on ne connaît à peu près rien« .

Michel Houellebecq s’est attaqué notamment dans ce texte à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Il l’accuse d’avoir voulu « ouvrir une brèche » et de « faire évoluer les mentalités« .

« J’aurais dû me méfier d’Agnès Buzyn. Je m’en méfiais un peu, à vrai dire, depuis que je l’avais entendu déclarer que la conclusion à tirer de ces tristes événements, c’est qu’il ne fallait pas oublier de rédiger ses directives anticipées. (…) C’est fait. Une brèche a été ouverte, en tout cas. Pour les mentalités, j’ai des doutes. Personne n’a envie de mourir, personne n’a envie de souffrir: tel est, me semble-t-il, l’ »état des mentalités », depuis quelques millénaires tout du moins« .

Michel Houellebecq conclut sa tribune par ces mots :

« Quoi qu’il en soit il paraît évident aux deux (et même à peu près à tout le monde) que la dignité (le respect qu’on vous doit), si elle peut être altérée par divers actes moralement répréhensibles, ne peut en aucun cas l’être par une dégradation, aussi catastrophique soit-elle, de son état de santé. Ou alors c’est qu’il y a eu, effectivement, une « évolution des mentalités ». Je ne pense pas qu’il y ait lieu de s’en réjouir« .

Vu sur : Le Monde

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Jean Daniel Reuss à Rebais

Vincent Lambert : ma réponse à Houellebecq et à Vincent Olivier

°°° « S’il commence à y avoir trop de Vincent Lambert ça va coûter un pognon de dingue (on se demande bien pourquoi : une sonde pour l’eau, une autre pour les aliments, ça ne paraît pas mettre en avant une technologie considérable ».

———> Sur l’aspect financier on peut lire l’article, datant déjà du 14 juin 2015, de Alexandre Delaigue, professeur d’économie :

https://blog.francetvinfo.fr/classe-eco/2015/06/14/vincent-lambert-la-mort-et-les-impots.html

Voir aussi des interventions et des livres sur l’euthanasie de Jacques Attali.

L’argument économique est valable mais est indissociable de la notion de sacrifice.
C’est ce qu’avait, en somme, exprimé Friedrich von Bodelschwingh en 1931 (Institution Bethel en Wesphalie), en parlant de ses patients très diminués mentalement : « Aujourd’hui une aide de l’Etat leur est apportée dans une telle [importante] mesure qu’on peut se poser la question de savoir si cette aide n’est pas donnée au détriment de ceux qui sont moins atteints »

Pour être complet il faudrait encore considérer toutes les dépenses qui ne paraissent pas indispensables aux yeux de certains (feux d’artifices, introduction du loup en France…………etc.)

°°° « Dans certaines circonstances de ma vie, j’ai été prêt à tout, à supplier qu’on m’achève, qu’on me pique, tout plutôt que de continuer à supporter ça. Et puis on m’a fait une piqûre (de morphine) et mon point de vue a changé du tout au tout. {…} Comment certains médecins osent-ils refuser la morphine ? Ont-ils peur par hasard que leur agonisants deviennent accros ? »

———> La morphine n’est pas la solution miracle à la douleur. Elle n’est pas non plus la solution unique. Il y a d’autres analgésiques. Il y a aussi des possibilités (peut-être d’utilisation délicate et restreinte) dans la neutralisation transitoire ou même la destruction définitive des voies nerveuses sensitives. (cf. péridurale)

°°° « Vincent Lambert, infirmier {…} aurait dû savoir, mieux que tout autre, que l’hôpital public avait autre chose à foutre que de maintenir en vie des handicapés (aimablement requalifiés de « légumes ») »

———> On peut dire que l’hôpital public fait au mieux avec les budgets qui lui sont attribués et selon les directives qu’il reçoit.

°°° « J’aurais dû me méfier d’Agnès Buzyn {…} elle n’a même pas précisé dans quel sens devaient aller les directives anticipées, tant ça lui paraissait aller de soi »

———> En déposant, le vendredi 28 juillet 2019, un pourvoi en cassation, (contre la décision de la cour d’appel de Paris), le gouvernement français et la ministre des Solidarités et de la Santé ont, en fait, ordonné la mise à mort de Vincent Lambert.

°°° « Il n’était en proie à aucune souffrance du tout. Il n’était même pas en fin de vie. »

———> Il n’était pas en fin de vie et était même probablement en meilleur état de résistance physique que plusieurs cas de locked-in syndrome actuellement vivants.

Sur sa souffrance personne n’en sais rien. Personnellement j’aurais tendance à penser qu’il ne ressentait pas grand-chose et qu’il ne souhaitait pas grand-chose.

Par ailleurs il avait survécu sans dommage notable avec une ration d’eau journalière de 200 millilitres (valeur indiquée mais non confirmée) pendant 31 jours, en 2013. Ce qui constitue un record admirable de survie.

°°° « Vincent Lambert est mort d’une médiatisation excessive, d’être devenu malgré lui un symbole »

———> Heureusement qu’il y a eu une certaine médiatisation et que l’euthanasie (extravagante puisque s’étant prolongée pendant 9 jours) de Vincent Lambert n’a pas sombré immédiatement dans l’oubli !

°°° « L’État français a réussi à faire ce à quoi s’acharnait, depuis des années, la plus grande partie de la famille Lambert : tuer Vincent Lambert {…} Il s’agissait, pour la ministre de la Santé, de faire un exemple »

———> Un exemple ou plutôt une jurisprudence ?

D’une part, je peux certifier que je n’ai aucun rapport avec l’église catholique romaine.

D’autre part, devant l’importance du débat civilisationnel qui est désormais posé:(faut-il admettre l’euthanasie, et si oui dans quelles conditions ?), chaque personne de la parenté de Vincent Lambert ne devrait pas avoir plus de poids que n’importe quel autre citoyen de la République Française.

°°° « Il paraît évident à peu près à tout le monde que, la dignité {…} ne peut en aucun cas être altérée par une dégradation, aussi catastrophique soit-elle, de son état de santé ».

———> Je pense, comme Houellebecq, que la dignité (disons alors plutôt Ma dignité) ne peut en aucun cas être altérée par une dégradation, aussi catastrophique soit-elle, de son état de santé ».

Je ne vous précise pas mon handicap, mais le suis assez bien placé pour dire que la merde sur mon corps est pénible pour ceux qui me nettoient, (moi, objectivement, je n’y suis pour rien).

Le sentiment d’impuissance, heureusement, n’est pas mortel.

Lisons Dominique Bauby et les lettres annuelles de l’ALIS !

°°° -% M. Houellebecq, vous prétendez défendre Vincent Lambert mais en réalité je crois plutôt que vous lui prêtez vos propres sentiments. Vos peurs et vos révoltes, votre angoisse de mort. Vous prétendez parler en son nom ? Vous ne parlez que de vous. %-

———> Vincent Lambert étant devenu (certes involontairement) un symbole d’une portée civilisationnelle, il est inévitable que l’opinion de chacun soit influencée par sa propre Weltanschauung.

Je termine par une citation qui me paraît assez juste du docteur Catherine Kiefer :
 » L’affaire Vincent Lambert coche trop de mauvaises cases.

Celle d’un hôpital qui refuse de transférer son patient d’un service de soins palliatifs à un autre service plus approprié. Puis qui entame une procédure d’euthanasie sans en avertir toute la famille. Puis qui séquestre son patient et lui refuse les soins qui seraient adaptés à son handicap. La simple durée de vie de Vincent dans un service de médecine palliative suffit à démontrer que ce n’était pas le bon endroit. »

Mais plus exactement, l’impossibilité d’exfiltrer Vincent Lambert de l’hôpital de Reims provient d’une machination politico-juridico-idéologique, dont on pourra discuter, je l’espère.