La décomposition des frontières et le libre mouvement des personnes faisaient partie de la vision centrale du projet d’Union Européenne. Mais si on regarde à travers tout le continent, actuellement, cette vision est en train de devenir un cauchemar. L’afflux de réfugiés et de migrants économiques traversant la Méditerrannée affecte chaque pays d’Europe et génère de nouvelles réalités dérangeantes.

 

Le long de sa frontière avec la Serbie, le gouvernement hongrois a ordonné la construction d’une barrière pour tenter de repousser le flux incessant de réfugiés. Une structure temporaire est constituée de vastes rouleaux de fils de fer coupants. A la frontière italo-autrichienne, on trouve une armée de réserve de gens sans précédent, alors que les autorités autrichiennes refusent l’autorisation de traverser  à ces migrants.

A Calais, c’est le tohu-bohu, alors que les migrants présents sur ce port français tentent une percée par le Tunnel de la Manche ou de trouver n’importe quel autre moyen de traverser vers l’Angleterre. Et dans la ville d’Heidenau, en Allemagne de l’Est, on assiste à des nuits d’émeutes, alors que les résidents locaux manifestent contre un refuge de demandeurs d’asile, ont brûlé le hall d’un centre d’accueil pour migrants et ont hué la Chancelière Merkel, lorsqu’elle est arrivée dans ce secteur. Son gouvernement vient juste d’annoncer qu’il attend 800.000 migrants autorisés à pénétrer en Allemagne cette année.

Des Migrants du Moyen-Orient entrent en Hongrie par la Serbie, le 26 août, en rampant sous une barrière temporaire de fils de fer barbelés mis en urgence par le gouvernement hongrois (Image source: WSJ video screenshot)

 

Partout, le climat politique se transforme à la vitesse de la tornade. La Suède a reçu plus que sa part équitable de migrants en Europe, ces dernières années. Son gouvernement se vante fièrement de l’exemple qu’il pense donner. Mais la seule conséquence qu’on en tire est que les sondages d’opinion donnent une place prédominante au mouvement « Démocrates Suédois », parti anti-immigration, qui surpasse n’importe quel autre parti. Jusqu’à très récemment, les Démocrates Suédois ne figuraient dans les sondages que par un nombre à un chiffre (sous les 10%).

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Ce « réfugié » identifié portant les armes pour Daesh, l’an dernier.

Partout ailleurs, si la situation n’explose pas encore, il semble que plus rien n’aille de façon cohérente. La Pologne, la République Tchèque et la Slovaquie ont toutes annoncé, ces derniers jours, qu’elles ne prendraient plus un seul immigré musulman supplémentaire. Cela peut contrevenir aux politiques migratoires et du droit d’asile de l’Union Européenne, mais ces trois pays ensemble insistent sur le fait qu’ils n’accepteront que des réfugiés chrétiens de Syrie.

Il ne s’agit là, si on peut dire, que des pays qui « subissent » le moins ce problème. Les termes du traité de Dublin affirment que les Réfugiés font leur demande d’asile dans le premier pays de l’UE où ils débarquent, aussi sont-ce l’Italie et la Grèce qui portent maintenant la plus lourde responsabilité. Et cela commence à se voir. En mars, le Ministre grec de la Défense avait menacé les autres pays européens qu’il déverserait des flots de migrants sur le reste de l’Europe, y compris des djihadistes de Daesh, s’ils n’en faisaient pas plus pour aider les finances de la Grèce. En Juin, le gouvernement italien a menacé de diffuser des visas pour migrants leur permettant de voyager n’importe où dans l’Union Européenne. Toutes ces menaces s’alignent difficilement sur l’ambition déclarée de l’UE « d’une union toujours plus resserrée ». Elles ressemblent plutôt à un pistolet sur la tempe de l’intégration européenne.

Evidemment, une immigration massive par le ventre mou de l’Europe n’est pas en soi une nouveauté. Ce qui est nouveau, c’est l’échelle d’un tel mouvement et l’inadéquation de la réponse. L’année en cours témoigne du plus vaste afflux de migrants à ce jour et personne ‘en voit la fin.

Ce n’est pas seulement la situation humanitaire terrible en Syrie et en Erythrée qui provoque la crise, mais aussi les gens de l’Afrique sub-saharienne et de partout ailleurs qui sont en quête d’une vie meilleure pour soutenir leurs familles. Le chaos en Libye rend évidemment le problème des points de passage plus difficile encore à traiter. Mais il y a une très faible probabilité que la situations dans ces pays d’origine ne change avant longtemps.

Ce n’est certainement pas dans les capacités de l’Europe de stabiliser la situation en Syrie et en Erythrée (pour n’évoquer que deux points de conflit) et d’améliorer les conditions de vie en Afrique sub-saharienne et dans le reste de la région. Quiconque penserait effectivement que l’Europe peut résoudre les problèmes de ces pays, en plus des siens propres, est aussi naïf que celui qui croirait que les problèmes commencent vraiment à Calais. Ce défi, cependant, requiert effectivement un type de réponse globale qu’on est bien loin d’être en mesure d’envisager.

Il y a bien des raisons à cette paralysie. A ce jour, la question « Qu’est-ce qu’il faut faire? » demeure politiquement toxique, pour de très nombreux hommes politiques de l’Ouest de l’Europe. Cet été, le Premier Ministre britannique David Cameron a mentionné en passant, »‘l’essaim » de migrants déferlant sur Calais. Ses opposants politiques ont immédiatement sauté sur l’occasion pour dénoncer son « langage insultant ». Mais quelle chance cela représente, qu’en Europe, on puisse se permettre  ce genre de réflexion audacieuse, dont on ne peut vraiment pas se passer, pour réduire toute mesure face à une telle crise à un simple jeu de langage et de mot!

Le premier défi pourrait être d’essayer d’encourager les migrants à demeurer aussi près que possible des pays qu’ils fuient. Le Professeur Paul Collier a récemment suggéré d’installer des ateliers de travail parrainés par l’UE en Jordanie, pour s’assurer que les réfugiés syriens (qui représentent 40% des arrivées dans l’UE) seront incités à rester dans la région.Il ne s’agit pas seulement de leur permettre de meilleurs chances d’intégration, mais aussi de faciliter leur retour vers leurs maisons d’origine si et quand la situation s’améliorerait. Des projets similaires peuvent être envisagés dans d’autres régions.

Il y a également un besoin urgent d’améliorer le processus permettant de faire le tri entre les réfugiés authentiques et les migrants économiques. Le processus en cours n’est pas adapté à cet objectif. Ce qui est encore aggravé par le fait que dès que ces gens ont mis le pied en Europe, il devient excessivement difficile de les renvoyer, qui qu’ils soient en réalité. Cela serait infiniment plus sensé que les pays européens maintiennent les migrants hors d’Europe, avant de pouvoir vérifier de qui il s’agit (la plupart des arrivants sont arrivés sans papiers) et ensuite qu’on puisse évaluer la légitimité de leurs revendications.

L’UE doit envisager de verser des subventions aux pays d’Afrique du Nord pour qu’ils fournissent de tels centres de rétention. La Tunisie est, de toute évidence, une possibilité, comme le Maroc. Peut-être le gouvernement français a t-il les moyens de négocier avec les Algériens. A moins que quiconque exprime le désir de retourner militairement en Libye, ce sont les partenaires qui s’imposent et avec lesquels il faudrait pouvoir travailler d’arrache-pied à des solutions transitoires.

Dès que les réfugiés éligibles à ce statut sont en Europe, il serait aussi crucial de créer un système-tiers plus nuancé de résidence, plutôt qu’un système unilatéral. Aussi, au lieu d’un droit permanent de résidence, il serait utile de mettre en place des visas temporaires, strictement valables pour le lieu où ils sont diffusés avec des dates précises d’expiration.

 

Ces quelques suggestions seront à un certain point nécessaires à adopter. En privé, de nombreux députés le réalisent à courte échénace. Mais comme les dirigeants de l’Europe attendent que de telles idées puissent devenir politiquement acceptables, ils démultiplient le problème à travers toute l’Europe. Il serait, au contraire, largement temps pour eux qu’ils commencent véritablement à diriger. S’ils échouent, alors les frontières de l’Europe vont voler en éclat à travers tout le continent et au moins une partie du rêve européen, si ce n’est plus, va mourir avec elles.

Adaptation : Marc Brzustowski.

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