les Juifs sud-africains déboussolés depuis le 7 octobre

AVIS: Où en sont désormais les Juifs sud-africains ?

Les relations étroites entre l’ANC et la communauté juive se sont désintégrées après que l’Afrique du Sud a porté plainte contre Israël devant la Cour internationale de Justice, l’accusant de génocide.

Par  JULIE CARBONARA

Sur le mur du bureau de mon ex-mari, dans le centre-ville de Johannesburg, se trouvaient des photos d’hommes à l’air sérieux, des syndicalistes qui s’étaient battus pour les droits des travailleurs noirs aux jours les plus sombres de l’apartheid en Afrique du Sud. Beaucoup d’entre eux étaient juifs.

Comme l’étaient de nombreuses personnalités de premier plan de la lutte contre le régime de l’apartheid, la majorité des membres blancs de l’ANC étant majoritairement juifs. Pourtant, cette relation historiquement étroite semble s’être désintégrée après la récente décision sud-africaine de poursuivre Israël devant la Cour internationale de Justice, l’accusant de génocide contre les Palestiniens.

L’image du président sud-africain Cyril Ramaphosa portant un keffieh palestinien typique et des responsables de l’ANC saluant bruyamment le jugement de la Cour – qui n’a pas confirmé l’accusation de génocide mais a été généralement considéré comme anti-israélien – a fait frissonner collectivement les 50 000 habitants du pays. -une communauté juive forte.

Nombreux sont les enfants ou petits-enfants de personnes qui y avaient trouvé refuge face à l’avancée des nazis, comme ma belle-famille qui avait quitté l’Allemagne avec juste les vêtements sur le dos.

Ils sont repartis de zéro et ont refait leur vie, comme beaucoup de nouveaux Sud-Africains, reconnaissants d’avoir eu une seconde chance.

Julie Carbonara

Bien que la plupart se soient mis au travail et aient choisi de ne pas faire de vagues, un nombre important de ces Sud-Africains juifs de première génération ont fini par jouer un rôle actif dans la lutte contre la discrimination raciale aux côtés du Congrès national africain (ANC) nouvellement créé.

En tant que membres d’une race qui avait fait l’objet d’une telle discrimination, ils se sentaient tenus de combattre un régime qui pratiquait lui-même une discrimination fondée sur la race.

L’appel des Juifs qui ont combattu aux côtés de l’ANC contre l’apartheid compte quelques noms illustres: Ruth First, Joe Slovo, Norman et Leon Levy, pour n’en citer que quelques-uns. Lors du tristement célèbre procès pour trahison de Rivonia en 1963, cinq des 13 accusés étaient juifs ; le plus important était « l’accusé numéro 3 » : Denis Goldberg qui a purgé 23 ans de prison aux côtés de Nelson Mandela. Mandela lui-même était « l’accusé numéro 1 ».

Dans les décennies qui ont suivi, les membres de l’intelligentsia juive ne se sont pas laissés aller : la députée Helen Suzman était souvent la seule voix dissidente au Parlement blanc, tandis que les livres de Nadine Gordimer ont mis en lumière un pays différent et multicolore. Et n’oublions pas ces syndicalistes dont les photos ont retenu mon attention et qui se sont battus pour les droits des travailleurs noirs.

L’appel des Juifs qui ont combattu aux côtés de l’ANC contre l’apartheid compte quelques noms illustres : Ruth First, Joe Slovo, Norman et Leon Levy, pour n’en citer que quelques-uns.

La libération de Nelson Mandela et l’avènement du régime noir n’ont donc pas provoqué d’exode juif : quelques personnes que je connaissais ont quitté l’Afrique du Sud, principalement vers un autre pays ensoleillé, l’Australie plutôt qu’Israël, et principalement parce qu’elles s’inquiétaient de l’économie. Mais pour l’essentiel, la vie continuait comme avant et il y avait même un leader juif de l’opposition, Tony Leon.

Denis Goldberg aux côtés de Nelson Mandela. Les deux hommes ont passé 23 ans en prison.

Mandela lui-même n’a jamais oublié le rôle des Juifs dans la lutte de libération des Noirs et a réussi un habile exercice d’équilibre entre le soutien à la cause palestinienne (l’OLP était un grand partisan de l’ANC) et le droit d’Israël à exister. Et, plus important encore, il a refusé d’avoir quoi que ce soit à voir avec le Hamas et ses semblables.

Les Juifs sud-africains n’avaient aucune raison de ne pas se sentir en sécurité. Jusqu’à tout récemment, bien sûr.

Le président Cyril Ramaphosa, qui était un homme d’affaires prospère avant de se lancer en politique et qui a apparemment de nombreux amis juifs, a du mal à souligner qu’il est antisioniste plutôt qu’antisémite.

Mandela n’a jamais oublié le rôle des Juifs dans la lutte de libération des Noirs et a réussi un habile exercice d’équilibre entre le soutien à la cause palestinienne et celui d’Israël.

Quoi qu’il en soit, sous sa présidence, l’Afrique du Sud a pleinement adhéré à la cause palestinienne, faisant d’Israël le méchant qui a mis en œuvre un apartheid moderne, comme celui que l’ANC s’est battu si durement pour vaincre.

L’accusation de génocide n’est que le chapitre le plus récent de cette escalade, mais il pourrait amener les Juifs sud-africains à s’interroger sur leur avenir dans le pays.

Même pour ceux qui, comme ma famille sud-africaine, ne sont pas particulièrement religieux ou sionistes convaincus, cette accusation ressemble à la pire forme de trahison. Mon beau-père – qui avait dû quitter l’Allemagne à 13 ans et avait refusé d’y mettre les pieds pour le reste de sa vie – aurait été horrifié.

La réaction de célébration de certains membres du gouvernement sud-africain au massacre du 7 octobre pourrait amener de nombreux Sud-Africains juifs à réévaluer leur avenir dans un pays qui semble s’éloigner de l’Occident et de ses valeurs.

L’Afrique du Sud a accusé Israël – la seule démocratie du Moyen-Orient – ​​de génocide, tout en se rapprochant de l’Iran dont le soutien financier aurait été en partie responsable de ce changement.

Ce n’est pas une décision qui inspire confiance en l’avenir.

JForum.fr avec www.jewishnews.co.uk

La délégation sud-africaine à la CIJ le mois dernier