Voici ce qu’écrivait au cours de ses dernières années Abba Kovner, rescapé de la Shoah, poète, partisan, et l’un des leaders clandestin du ghetto de Vilna, à propos des survivants qui reconstruisaient leur vie :

« Ces gens… auraient pu rester avec résignation là où ils étaient, et essayer de rebâtir leur vie ruinée. Je n’aurais pas été surpris si ces mêmes survivants étaient devenus des bandes de voleurs, de cambrioleurs ou de meurtriers ; si tel avait été le cas, ils auraient sans doute été les plus humains et les plus justes de leur espèce.

Les commentaires de Kovner reflètent son émerveillement face aux énergies de création et de réhabilitation des survivants. Le fait que ces derniers aient été capables de construire et de créer, après toutes les souffrances et les traumatismes endurés pendant la Shoah, n’a rien d’évident.

Après la Seconde Guerre mondiale, la plupart des rescapés choisissent de se concentrer sur la reconstruction de leur vie. Beaucoup décident de le faire en Eretz Israël, qu’ils considèrent comme leur « foyer » naturel.

Les annales des rescapés de la Shoah qui ont fait leur alyah en Israël sont apparemment sans précédent à l’échelle des migrations humaines. On n’a que très rarement pu observer un groupe d’immigrants fraîchement arrivés si bien s’intégrer dans une nouvelle société pour devenir un partenaire actif de sa construction faciale et identitaire.

Du jour où ils ont rallié la Terre d’Israël, les survivants ont assumé deux missions parallèles : définir et préserver, la mémoire de la Shoah d’une part, et une action sociale constructive de l’autre.

A partir des années 1950, ils commencent à façonner les principes fondamentaux du souvenir de la Shoah. Ils deviennent les premiers chercheurs dans ce domaine, fondateurs des musées et autres institutions commémoratives, auteurs de livres de mémoire collective.

Leurs activités diverses et étendues témoignent de leur profond dévouement quant à cette mission historique qui les motive autant. Mission dont ils ont pleinement saisi l’importance.

Pour avoir personnellement vécu la Shoah, ils sont aussi conscients de leur responsabilité : par crainte que ce qui ne se dit pas immédiatement puisse rester perdu à jamais, par devoir envers les victimes et pour les générations futures, les rescapés initient un effort de documentation et de témoignage.

En outre, ils jouent un rôle actif dans l’édification de mesures législatives qui visent à garantir le statut de la mémoire de la Shoah en Israël, pour les générations à venir. En 1953, la Knesset promulgue la Loi sur la commémoration des martyrs et des héros (qui conduit à la création de Yad Vashem), suivie en 1959 par l’adoption de la Loi sur le jour du Souvenir des martyrs et des héros.

Parallèlement, les survivants contribuent de manière substantielle au développement de la société israélienne, alors en gestation. Beaucoup arrivent jeunes et pleins d’enthousiasme, et intègrent les forces de combat qui luttent pour l’Indépendance : Haganah, Palmach, Etzel ou Léhi, et rejoindront, après la création de l’Etat, les rangs des Forces de défense israéliennes.

Pendant la guerre d’Indépendance, les rescapés de la Shoah constituent environ la moitié des soldats israéliens. Nombre d’entre eux tomberont au champ d’honneur – victimes à peine familiarisées avec cette terre pour laquelle elles combattent et parfois derniers représentants de vastes familles juives quasiment annihilées pendant la Shoah.

Pourtant, leur rôle décisif dans les combats constitue pour eux des « représailles constructives ». Par leur implication, les nouveaux arrivants développent un sentiment d’appartenance et de partenariat avec leur nouveau pays.

Les survivants de la Shoah sont devenus partie intégrante de la société israélienne, de par leur héritage évident dans de nombreux domaines, comme la réhabilitation et le peuplement des terres, l’industrie, la science, l’économie, le droit, le monde universitaire et la culture.

De leurs rangs ont émergé des peintres et des graphistes, des poètes et des auteurs, des athlètes et des artistes de scène, des scientifiques et des intellectuels. Ils ont su lutter pour se reconstruire, en vivant une vie productive et créative.

Voici ce qu’écrivait Leïb Rochman, rescapé, sur le rôle joué par l’Etat d’Israël pour les survivants de la Shoah :

« Au cours des premières années post-Shoah, nous avons vécu des vies de désespoir. Mais désormais, la tasse de notre désespoir contient des gouttes de confort… Je vis ici depuis près de 25 ans, et je peux attester de ma propre réhabilitation. C’est là que sont nés mes enfants… J’ai maintenant une petite-fille. Je pensais ne plus jamais revoir ma mère, ma sœur ou mon frère. Aujourd’hui, je ne cesse de les voir – sous les traits de mes enfants et de ma petite-fille, dans mon domicile de Jérusalem, où c’est comme s’ils avaient pu renaître, sous mes yeux. Rien d’étonnant à ce que tout ce qui se passe ici soit si cher, à nos cœurs et à nos âmes. Peut-être que seuls ceux qui ont connu une vive douleur par le passé peuvent mesurer ce que nous avons accompli ici, ce que nous avons eu le privilège de réaliser. »

Les combats du Yishouv durant la Shoah

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, la situation du Yishouv est fort préoccupante. Le Yichouv désigne la communauté juive de Palestine avant la création de l’Etat d’Israël. On distingue l’ancien yishouv qui comprend les communautés juives orthodoxes installées avant la seconde moitié du XIXème siècle, dans les cités de Jérusalem, Jaffa, Hébron, Tibériade et Safed et le nouveau yishouv, peuplé par les vagues d’immigrants à partir de 1880.

Quelques mois avant le début du conflit, le mouvement sioniste dans son ensemble et le yishouv ont subi une grave défaite politique. Il s’agit de la promulgation d’un nouveau Livre Blanc par la puissance britannique mandataire en mai 1939.

Le Livre Blanc restreint à 75 000 personnes le nombre des Juifs autorisés à immigrer dans la Palestine d’alors, pour une durée de cinq ans. Ce fait tragique a provoqué un réel isolement du peuple juif qui se trouve pris dans le piège nazi en Europe.

Pour la première fois au cours de son histoire bimillénaire de persécutions, le peuple juif est pris dans une véritable souricière hors de laquelle aucune fuite n’est possible. Ce phénomène confère à la Shoah tout son caractère tragique.

Malgré les options anti-britanniques du mouvement sioniste on est conscient que le meilleur moyen pour accélérer la libération des Juifs d’Europe consiste en un appui total à l’effort de guerre allié. Ben Gourion lance alors cette formule devenue célèbre :

« Nous devons aider les Anglais dans la guerre, comme s’il n’y avait pas de Livre Blanc, et nous devons combattre le Livre Blanc comme s’il n’y avait pas de guerre.»

Pourtant le fossé entre les Juifs et Arabes se creuse encore davantage. Pour le mouvement nationaliste arabe c’est l’occasion de se rapprocher des forces de l’Axe. Le grand mufti de Jérusalem, de la famille palestinienne Husseini, donne l’exemple en gagnant l’Allemagne en 1942 d’où il encourage les pays arabes à joindre leurs efforts à ceux des nazis pour l’extermination des Juifs dans le monde.

Les choix du Yishouv

Pour le Yishouv plusieurs objectifs sont visés. D’abord il y a le souci constant de faire entrer dans le pays le maximum de ceux qui fuient l’Europe.
En second lieu il y a l’engagement volontaire de soldats juifs dans les rangs de forces armées britanniques : cette participation trouve son expression dans l’engagement volontaire de trente mille soldats du Yishouv dans les rangs des forces armées britanniques.

Les positions de la puissance mandataire sont menacées par l’offensive allemande en direction du Caucase et de la Cyrénaïque. En mai 1941, les aéroports allemands ont leurs bases en Syrie.

Le Palmach , formé par les troupes d’élite de l’armée d’autodéfense juive, est alors dirigé par Isaac Sadé. Tous les courants sionistes veulent combattre le pire des dangers.
Le chef de l’Irgoun , David Raziel, part en mission en Irak pour le compte des Britanniques, il est tué en mai 1941.

Une expédition est lancée, le 7 juillet 1941, contre le poste vichyste de Fort-Gouraud. Dans cette bataille, Moshé Dayan alors jeune officier, est blessé à l’œil.

Le 11 mai 1942, le mouvement sioniste lance le Programme de Biltmore, dans lequel il lie la création de l’Etat juif et la constitution des Forces armées juives organisées de manière indépendante.

Après bien des hésitations et des louvoiements dans sa politique à l’égard du yishouv, les autorités britanniques acceptent pendant les derniers mois que soient constitués les régiments palestiniens, la Brigade juive, qui prend part aux derniers combats, en particulier sur le front italien sous le drapeau juif.
A l’origine les autorités britanniques, puissance mandataire, sont très réservées sur les engagements de volontaires juifs. Elles ont tout fait pour faire obstacle. En effet, elles craignent que la constitution d’une force juive n’irrite les populations arabes locales et la conciliation des pays arabes est plus importante à leurs yeux que la mobilisation du potentiel militaire des juifs.

Les revendications pour que soit établie une force juive importante ne cessent pas. Le mouvement d’engagements volontaires est ralenti par le refus britannique de reconnaître à ses volontaires le statut d’une armée juive luttant sous son drapeau propre, statut reconnu aux unités polonaises, grecques ainsi qu’aux Forces Françaises Libres.

Les volontaires d’Israël, versés dans toutes les armes infanteries, artilleries, marine, transports, génie, commando ont joué un rôle important dans les combats d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d’Italie : en particulier dans bataille de Bir Hakeim, aux côtés de la France Libre sous le commandement du général Koenig.  A suivre…

Adaptation par JForum avec www.yadvashem.org

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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