Tetsavé: les vêtements sacrés des Cohanim (vidéo)

«Tu feras confectionner pour Aaron ton frère (ah’ikha) des vêtements sacrés (bighdé kodech), insignes d’honneur (lechabod) et de majesté (oultif’éret). Tu enjoindras donc à tous les artisans habiles (h’akhmei lev) que j’ai doués du génie de l’art (rouah’hokhma), qu’ils exécutent le costume d’Aaron, afin de le consacrer à mon sacerdoce » (Ex, 2 à 4). Traduction de la Bible du Rabbinat.

Les termes hébraïques originaux mis entre parenthèses indiquent à quel point la traduction précitée, fort approximative, ne rend pas compte de leur signification véritable. ll faut donc y revenir.

La précédente mitsva incombe à Moïse désigné ici comme le « frère d’Aharon », lequel doit officier comme Cohen Gadol, le Grand Prêtre. Chaque fois que des termes fondamentaux sont utilisés dans les quatre livres qui suivent le sépher Beréchit, il faut se reporter à ce livre pour en comprendre les significations initiales.

Ainsi des mots vêtement (BeGeD) et du mot frère (AH’). La première fois qu’il soit question d’un vêtement dans la Thora c’est à propos du premier couple, après la transgression initiale du commandement de ne pas consommer du fruit de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal.

Cette transgression met pour ainsi dire l’Humain à nu et à découvert. Pour se recouvrir Adam et Ève cousent ensemble des feuilles d’autres arbres et s’en font des « pagnes », comme traduit encore la Bible du Rabbinat (Gn,3, 7).

Sans doute ces feuilles-là désignent-elles d’autres modes de connaissance.

Sans entrer une fois de plus dans des questions complexes de traduction, il suffit de comprendre que la notion de vêtement se rapporte physiquement et moralement à cette transgression générique qu’elle a charge de recouvrir et non de dissimuler.

La confection des vêtements du Grand Prêtre ne s’y limitera pas. Il s’agit à leur propos d’aller plus loin: de réparer d’abord, de sublimer ensuite.

Les mêmes observations s’imposent à propos de la notion de frère, de ah’. Ne savons-nous pas qu’Aharon et Moïse sont frères de père et de mère? La mention du mot ah’désigne en réalité un élément problématique découlant du premier fratricide.

En d’autres termes, les mitsvot relatives à la confection des vêtements inhérents au sacerdoce sont voués à la réparation et au dépassement des deux transgressions initiales.

Il ne s’agit pas non plus et seulement de decorum.

C’est pourquoi la vêture du Grand Prêtre est elle même référée à l’idée de sainteté qui n’apparaît pas explicitement dans la traduction précédente.

Dans l’univers biblique la sainteté se rapporte chaque fois qu’elle est mentionnée, sous quelque modalité que ce soit, au choix de la vie, à son établissement pérenne.

De ce point de vue, la confection de cette vêture importe tant par son objet que par les procédés mis en oeuvre.

On observera que cette confection est confiée à des artisans, pour reprendre cette terminologie, qui ne doivent pas seulement faire preuve d’«habileté».

Ils doivent être doués de facultés d’un tout autre niveau, être d’une part des savants de cœur (h’akhmei lev) et, d’autre part, être doués non seulement de sagesse mais d’esprit de sagesse (rouah’h’okhma).

Ce qui conduit au passage à cette observation: il se trouvait donc au sein du peuple des esclaves à peine libérés de la servitude pharaonique des êtres de cette stature qu’il fallait savoir discerner, tout comme il avait fallu savoir le faire pour les juges et autres dirigeants du peuple selon la paracha Ytro (Ex,18, 21).

Que faut-il entendre par sagesse de cœur? Une sagesse qui transcende la simple intelligence technique.

Comme l’expliquera plus tard le rav Kook, toute spécialisation (miktsoâ), efficiente dans son domaine propre, risque d’enfermer le spécialiste concerné dans les bornes de son savoir.

Pour participer à une oeuvre collective, il doit s’avérer capable de relier sa connaissance à celle d’autrui de sorte à former une échelle de savoir complémentaire et supplémentaire, compatible avec ce niveau de l’oeuvre.

En l’occurrence il s’agit de la construction et de l’édification du Sanctuaire, oeuvre homothétique à celle de la Création.

A cet égard le Maâssé Hamichkane devient assurément l’homologue de l’oeuvre de la Création, du Maâssé Beréchit, et de l’Oeuvre de la Structure, du Maâssé Mercava.

C’est pourquoi les hommes et les femmes de l’art attachés à cette réalisation doivent également faire preuve d’esprit de sagesse afin que celle-ci ne se réduise jamais à ses modes opératoires, qu’elle ne cesse de se transcender jusqu’à atteindre les degrés de la Création nommé kavod et Tif’éret.

Chacun aura compris que des vocables, comme ceux de H’okhma, de Rouah’et de Tif’éret procèdent chacun et ensemble de l’univers des séphirot par lesquelles l’oeuvre de la Création divine devient accessible à l’entendement humain, sachant que depuis sa propre naissance l’Humain est le coopérateur (choutaf) du Créateur pour le parachèvement de cette Création.

Si les différents vêtements constituant la vêture du Cohen Gadol soulignent sa position singulière, particulièrement élevée, dans le processus de la Création sanctifiée ils ne doivent pas l’isoler du klal Israël.

C’est pourquoi, ces vêtements sont confectionnés par des membres du peuple qui ne doivent pas être considérés comme de simples exécutants.

C’est l’esprit du peuple, à son plus haut niveau, qui se transfère dans cette vêture. La prêtrise au sens biblique n’est pas une caste.

Pareil dispositif se retrouvera d’ailleurs à propos de « la bénédiction des Cohanim » dont on sait qu’elle n’est pas unilatérale, descendant des prêtres jusqu’au peuple, mais qu’elle se formule en sanctification réciproque et dialoguée.

Raphaël Draï zatsal    raphaeldrai.wordpress.com

 

 

 

La Torah orale: une longue chaîne de rédacteurs (5)

La Loi Orale est la deuxième loi qui fut promulguée au mont Sinaï, en même temps que la Torah écrite. Elle vient compléter et expliquer la Loi Écrite, en nous expliquant comment nous devons appliquer les commandements. 

Cette loi orale se transmettait de père en fils oralement : le Cohen Gadol l’enseignait à son successeur etc… ceci se perpétua jusqu’à la destruction du Temple et l’exil et la déportation des juifs en Babylonie. La tradition orale n’avait aucun risque d’être déformée, étant transmise par des personnes dont c’était la mission.

Cependant, lors de l’exil de Babylone, on s’aperçut que déjà, la Torah courait de graves dangers, et tomba, en effet, dans l’oubli. Au retour en Palestine, les Prophètes et les Prêtres, ainsi que des Sages, redonnèrent à la Torah la place qu’elle méritait. Pour éviter qu’elle ne soit transgressée, les Sages au nombre de 71 se réunirent en Conseil (Sanhédrin), et renforcèrent la loi. 

Après la destruction du Second Temple, à la fin du IIème siècle , un érudit répondant au nom de Rabbi Yéhouda HaNassi, ou Rabbi Yéhouda le Saint, prit la décision d’écrire la loi orale, plutôt que de risquer de la voir déformée ou perdue. Toutes les règles (‘halakhot) furent classées et ordonnées, et toutes les opinions émises furent retranscrites.

Halakha Quotidienne - Lois du Kaddish (3) - Shoul'han Aroukh Ch. 55 §1 - Mishna Béroura - Le Jardin de la Torah

Cette rédaction forme la MISHNA, soit répétition, ou étude (car on considère qu’on étudie vraiment en répétant sans cesse) ; elle se compose de six « ordres », ou six sedarim (shisha sidré mishna). Chaque « ordre » se répartit en traités (massakhtot), chaque traité en chapitres, et chaque chapitre en ‘halakha. 

Les ordres sont : « ZERAYIM« , ou semences, soit tout ce qui concerne l’agriculture, depuis la culture jusqu’à la consommation. 

Et puis, il y a « MOED », ou fêtes ; soit tout ce qui concerne le shabbat et les fêtes, les jeûnes etc…  « NASHIM », tout ce qui concerne les Femmes et la vie conjugale, le mariage, le divorce, les vœux etc…  puis « NEZIKIN », soit les dommages, ou droit civil et droit pénal, et un traité de maximes et de morale, les PIRKE AVOTH.

Après, viendra l’ordre de « KIDOUSHIN », ou saintetés, traitant de l’abattage rituel du culte et des sacrifices.

Enfin, le sixième ordre est « TA’HAROT », les Puretés, avec tous les problèmes posés par la pureté en général, et la pureté de la femme mariée en particulier, avec le traité de NIDDA.

Après que la mishna fût terminée, les maîtres de la Mishna, les TANAYIM, recueillirent les opinions de Sages sur des points particuliers en une « Tossefta », ou « Beraïta » (ajouts). 

Les commentaires de la mishna risquant de se perdre aussi à cause de la dispersion du peuple, des érudits se réunirent encore une fois, et écrivirent le complément de la mishna ou GUEMARA, du verbe LIGMOR (finir). 

How to Read the Talmud | My Jewish Learning

L’ensemble Mishna + Guemara forme le Talmud, qui signifie enseignement. 

Sur les 63 traités de la mishna, seuls 35 ont leur commentaire détaillé dans le Talmud, car les autres commentaires n’étant destinés qu’au Temple de Jérusalem et au pays d’Israël, ils ne furent pas inclus dans le Talmud de Babylone (Talmud Bavli) terminé vers l’an 500, au contraire du Talmud Yéroushalmi, ou Talmud de Jérusalem, rédigé environ 80 ans après la clôture de la Mishna. Ainsi que cela a été dit plus haut, le texte concerne plus particulièrement la vie agricole du territoire, aujourd’hui israélien. 

Le Talmud a donc un caractère juridique (‘halakhique). Le Talmud comprend aussi une autre partie : la Agada, interprétation morale du Talmud, sous forme d’histoires ou de relations d’événements historiques ou psychologiques visant à illustrer la pratique religieuse, ou encore sous forme de paraboles, ou encore d’allégories. Cependant, aucune loi ne pourra être déduite de la Agada. 

Le Talmud, force vivante du judaïsme, est enseigné dans des écoles spécialisées, ou yéshivoth, ou dans des instituts d’enseignement supérieur, ou Collel. 

L’étude du Talmud confère une ouverture d’esprit par ses raisonnements poussés et les discussions qui en découlent : « pilpoul », qui permet de comprendre ce que nous proposent toutes les autres disciplines de manière plus aisée. 

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Le talmud, tout comme la Torah, fut commenté par de nombreux érudits, parmi lesquels : Rashi, dont les commentaires mirent le Talmud à la portée de tous. Les autres commentateurs sont appelés les Tossafistes, à cause des commentaires qu’ils ont ajoutés. Parmi ces tossafistes, figurent les trois petits fils de Rashi. 

Animé du désir de faciliter la consultation du Talmud, Maïmonide (Rabbi Moshé ben Maïmon ou Rambam 1135-1204) écrivit une œuvre en 14 volumes (Yad Hazaka ou Mishné Torah), dans le but de rédiger un recueil de lois, coutumes, et doctrines religieuses dans le judaïsme. 

Au XIVème siècle, Rabbi Jacob ben Asher, composa un code religieux en 4 volumes, dont le nom est le Arbaâ Tourim, soit les 4 rangées (allusion aux quatre rangées de pierres précieuses sur le pectoral que portait le Cohen Gadol) : le Orah Hayim, traitant des prescriptions de la vie quotidienne et du shabbat, fêtes et jeûnes, puis le Yoré Déâ,  concernant l’abattage rituel, les lois alimentaires et la vie domestique, le Even ‘haEzer, pour le droit familial, le mariage et le divorce, et enfin, le Hoshen Mishpat, pour le droit civil et pénal dans le judaïsme. 

Un siècle plus tard, au XVème siècle, Rabbi Yossef Caro, ayant commenté le Mishné Torah du Rambam et les Arbaâ Tourim de Rabbi Jacob ben Asher, écrivit le « SHOULHAN AROUKH » ou « Table dressée », allusion au fait que le fidèle n’aura qu’à se servir pour trouver les lois toutes prêtes, et faciliter ainsi la recherche. Ce manuel permet donc aux Juifs de voir les lois classées méthodiquement et expliquées, en les mettant à la portée de tout un chacun.

Le shoulhan aroukh étant d’auteur séfarade, un ajout fut fait concernant les particularités présentées dans les rites des communautés ashkenazes. Cette addition fut préparée par le Rama ou Rabbi Moshé Isserlès, qui avait composé de son côté un shoulhan aroukh semblable à celui de Yossef Caro, et publié antérieurement au sien. Le Rama prit ainsi la décision de brûler le sien. 

De ces écrits ‘halakhiques, il a été fait un manuel abrégé (kitsour shoulhan aroukh). Ceci constitue un guide pour la vie quotidienne. L’un de ces abrégés fut écrit au XVIIIème siècle par le Rav Avraham de Dantzig ; ce livre s’intitule : « Hayé Adam », puis un autre manuel parut au XIXème siècle, écrit par Shlomo Gantzfried. 

A ces ouvrages, s’ajoutèrent au long des siècles, des livres de morale juive, qui permettent à ceux qui les étudient de se maintenir dans un juste milieu, ainsi qu’il est dit :  

« Si vous étudiez la Torah, vous dominerez votre mauvais penchant ». 

Dr Caroline Elisheva Rebouh PhD.
ד »ר קרולין אלישבע רבוה בן אבו

 

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