VIDÉO EXCLUSIVE : Les « affaires concrètes » de Lafarge et le partage du « gâteau des profits » avec ISIS. Pascale Joannin, analyste française : « Une tache sur l’image publique d’une entreprise de renommée internationale ».

Parfois, dans leur course désespérée pour faire du profit à tout prix, les grandes entreprises de l’arène du capitalisme mondial, comme les individus, perdent leur boussole morale. Tout comme certains commerçants paient des « frais de protection » à des organisations mafieuses pour les empêcher de piller ou d’incendier leurs magasins, certains États et certaines sociétés transnationales font de même, dans d’autres dimensions, pour poursuivre tranquillement leurs activités dans les zones de conflit. C’est ce qui s’est passé avec la filiale syrienne de la société mère française Lafarge.

  • Les dirigeants de « Lafarge Cement Syria », situé dans la région de Jalabiyeh, dans le nord de la Syrie, ont acheté les matières premières nécessaires à la fabrication du ciment directement auprès de fournisseurs coordonnés par l’organisation terroriste État islamique (ISIS, en arabe Dahesh).

  • Lafarge a plaidé coupable dans le cadre d’un règlement avec le ministère américain de la justice et a accepté de payer une amende de près de 778 millions de dollars, l’une des plus importantes jamais infligées à une entreprise privée pour avoir soutenu des organisations terroristes.

  • L’analyste politique Pascale Joannin, directrice de la Fondation Robert Schuman à Paris, estime que Lafarge a violé les normes internationales et que, par son pacte de non-agression avec les djihadistes d’ISIS, elle a perdu sa réputation internationale.

La filiale de Lafarge en Syrie a fait des dons mensuels aux organisations de l’État islamique et à l’organisation rivale Al Nusra (affiliée à l’organisation terroriste Al Qaeda). En gros, Lafarge offrait de l’argent pour que ses employés et ses clients puissent passer librement les postes de contrôle dans les zones occupées par les djihadistes. La branche de Lafarge a versé près de 6 millions de dollars aux deux groupes terroristes de 2013 à 2014 pour leur protection et pour permettre à sa cimenterie du nord de la Syrie de continuer à fonctionner.

Alors que des dizaines de milliers de personnes souffrent de la violence et de la cruauté des djihadistes de l’État islamique – meurtres, déplacements forcés de populations, destruction de villes et d’infrastructures économiques – et que l’Occident déploie des efforts militaires coûteux pour éliminer l’ISIS, les directeurs de la branche syrienne de l’entreprise française Lafarge passaient des accords lucratifs avec des djihadistes. Tout reposait sur un accord secret entre les dirigeants de Lafarge et les terroristes pour que l’ISIS n’attaque pas, ne détruise pas et ne s’empare pas de la cimenterie de Jalabiyeh. L’accord a été considéré par l’un des cadres de Lafarge comme le partage avec les groupes terroristes d’un « gâteau » dans lequel tout ce qui est profit est inclus.

Sur la base d’éléments d’enquête, les autorités judiciaires américaines ont révélé que Lafarge avait même élaboré des systèmes de rétribution avec les dirigeants de l’organisation terroriste sous la forme d’un « accord de partage des revenus », les revenus provenant de la quantité de ciment qu’elle pouvait vendre. Les djihadistes d’ISIS ont traité la relation d’affaires avec la société française sur la base du principe coranique appelé « zakat » (en anglais, on peut le traduire par « dîme »). 10 % des bénéfices réalisés devaient être versés en « charité » à ISIS.

Le ministère américain de la Justice a présenté des preuves selon lesquelles un directeur de la filiale syrienne de Lafarge aurait déclaré publiquement que pour poursuivre les activités de l’entreprise, la direction et les employés devaient être prêts à partager le « gâteau » avec les terroristes d’ISIS et d’Al Nusra.

Dans son plaidoyer, le procureur général a expliqué sa décision. Il a noté que les dirigeants de la filiale de la société française qui ont fait des affaires avec des terroristes étrangers, des djihadistes sadiques qui ont porté atteinte à la sécurité des États-Unis et de leurs alliés et tué des citoyens occidentaux, l’ont fait pour le profit.

Lafarge a admis avoir fait des affaires avec les djihadistes d’ISIS, tout en assumant sa culpabilité morale et criminelle. L’enquête sur les « relations » de Lafarge avec des organisations terroristes est considérée comme un test en France, où aucune entreprise n’a jamais été jugée pour complicité de crimes contre l’humanité.

« Les entreprises qui ne respectent pas les sanctions internationales sont jugées ».

Une analyse pertinente de la signification d’une telle transaction en dehors des normes éthiques du business as usual dans le monde occidental a été faite par Pascale Joannin, analyste politique et directrice de la Fondation Robert Schuman à Paris.

Pascale Joannin est connue comme une promotrice de l’intégration européenne et des valeurs démocratiques dans l’Union européenne. Elle a pris position contre la vague de terrorisme organisée par ISIS qui déferle sur l’Europe, en préconisant des sanctions contre les États et les organisations coupables de violer les droits de l’homme et le droit international. Récemment, il a appelé sur la télévision française à la poursuite des sanctions contre le régime de Vladimir Poutine, accusé de crimes.

Le directeur de la Fondation Robert Schuman à Paris a expliqué le cas Lafarge en exclusivité pour Gândul.

« Que l’on parle de Lafarge ou de toute autre entreprise, une chose est sûre : aujourd’hui, lorsqu’un régime de sanctions ou un boycott international est imposé, les entreprises qui ne respectent pas strictement les sanctions ou les boycotts peuvent entrer en conflit avec la communauté internationale. Ces entreprises sont jugées pour ne pas avoir respecté les règles internationales.

Au début des sanctions contre la Russie, par exemple, la règle suivante a été imposée : « toutes les sanctions, mais rien que les sanctions ». Il y a eu un premier paquet de sanctions, et récemment le huitième a été atteint.

LES SOCIÉTÉS ET ENTREPRISES PRIVÉES SONT ÉGALEMENT SOUMISES À LA RÈGLE : « LES SANCTIONS DOIVENT ÊTRE RESPECTÉES, RIEN QUE LES SANCTIONS, MAIS TOUTES LES SANCTIONS ». LES ENTREPRISES PRIVÉES SAVENT TRÈS BIEN QUE SI ELLES NE RESPECTENT PAS LE RÉGIME DE SANCTIONS IMPOSÉ À CERTAINS ÉTATS OU ORGANISATIONS, ELLES PEUVENT ÊTRE CONDAMNÉES.

IL S’AGIT DAVANTAGE D’UNE CONDAMNATION MORALE – OU ÉTHIQUE, COMME VOUS L’AVEZ SOULIGNÉ – MAIS AUSSI D’UNE GRAVE CONDAMNATION FINANCIÈRE. UNE TELLE CONDAMNATION EST UNE TACHE SUR L’IMAGE PUBLIQUE D’UNE ENTREPRISE DE RENOMMÉE INTERNATIONALE. COMME VOUS LE SAVEZ, SUR LE MARCHÉ INTERNATIONAL, LA NOTORIÉTÉ ET LA RÉPUTATION SONT DES ÉLÉMENTS EXTRÊMEMENT IMPORTANTS POUR ÉVALUER LA VALEUR D’UNE ENTREPRISE PRIVÉE.

Ces règles de respect des sanctions susmentionnées ne sont pas destinées à empêcher le fonctionnement normal des entreprises, mais sont imposées dans le but de faire comprendre très clairement que certains individus, certains États ou certaines organisations ne doivent pas violer le droit international, les droits de l’homme ou le droit international public. C’est donc la règle et elle doit être respectée.

Un tel régime de sanctions peut durer plus ou moins longtemps, mais tant qu’il est en place, qu’il soit imposé aux organisations terroristes, à la Russie, à l’Iran ou contre la Corée du Nord ou contre le Belarus – il n’y a que quelques États, heureusement – il doit être respecté.

Si une entreprise veut avoir une bonne réputation aux yeux de l’opinion publique internationale, si elle veut que sa réputation soit respectée, elle doit veiller à appliquer les sanctions et à les respecter fidèlement », a déclaré Pascale Joannin.

WIZEE

 

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