La visite de Haniyeh au Liban creuse encore le fossé palestinien

Le Fatah a critiqué la récente visite du chef du Hamas Ismail Haniyeh dans un camp de réfugiés palestiniens au Liban, où il a reçu un accueil chaleureux (et distribué de l’argent).

al-monitor Le chef du bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh, accueilli par ses partisans lors d’une visite au camp d’Ain al-Hilweh, le plus grand camp de réfugiés palestiniens du Liban (considéré comme un laboratoire du terrorisme), près de la ville côtière sud de Sidon, le 6 septembre 2020. Photo de MAHMOUD ZAYYAT / AFP via Getty Images .

Adnan Abu Amer

Adnan Abu Amer

@ adnanabuamer1

12 sept. 2020

Les Palestiniens sont toujours en train de passer au crible la  visite, le 6 septembre d’Ismail Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas, au camp d’Ain al-Hilweh pour les réfugiés palestiniens au Sud-Liban, où il a reçu un accueil chaleureux, notamment porté sur les épaules par la foule à un moment donné.

La visite de Haniyeh au Liban, qui a débuté le 1er septembre, était sa première apparition au pays du Cèdre, en 27 ans. En 1992, lui et plus de 400 membres du Hamas ont été exilés au Liban par Israël ; il est retourné dans la bande de Gaza en 1993. Cette fois, Haniyeh s’est envolé pour le Liban depuis la Turquie (pays parrain des Frères Musulmans).

L’un des principaux objectifs de la visite de Haniyeh au Liban, ce mois-ci, était qu’il participe à une réunion des secrétaires généraux des factions palestiniennes, le 3 septembre à Beyrouth, parallèlement à une réunion tenue à Ramallah en Cisjordanie.

Après avoir rencontré des représentants des factions palestiniennes à Beyrouth, Haniyeh a conclu sa tournée au Liban par une visite sur le terrain d’Ain al-Hilweh, où il a prononcé un discours louant la résilience des habitants des camps. Il a souligné que les réfugiés palestiniens sont des hôtes au Liban jusqu’à ce qu’ils obtiennent le droit au retour en Palestine.

Raafat Murra, le chef du bureau international des médias du Hamas, a déclaré à Al-Monitor: «Toutes les forces palestiniennes [dans le camp] ont accueilli Haniyeh, qui est originaire de Gaza. Le Hamas est en contact avec toutes les composantes palestiniennes et ses dirigeants résident dans les camps [au Liban]. Nous avons fermement défendu les intérêts des réfugiés au Liban, en modifiant les lois qui leur interdisent de travailler, et nous leur avons fourni d’énormes projets sociaux et de développement. Il y a quelques années, nous avons lancé une initiative sécuritaire et politique pour protéger les camps, et nous nous assurons que toute délégation du Hamas [qui vient au Liban] visite les camps de réfugiés. Plusieurs membres du bureau politique ont en effet visité le camp et rencontré des réfugiés.

Le don d’un million de dollars de Haniyeh aux réfugiés palestiniens à travers le Liban a contribué à sa popularité dans les camps.

Pendant ce temps, les cadres du Fatah au Liban et à l’étranger ont critiqué la visite de Haniyeh tout en accusant également l’Autorité palestinienne (AP) d’abandonner les camps de réfugiés au Liban et de laisser le Hamas imposer son contrôle. Les partisans du Fatah se sont tournés vers les réseaux sociaux pour critiquer le président de l’Autorité palestinienne  Mahmoud Abbas parce qu’il n’a pas accordé aux camps de réfugiés la même importance que le Hamas au fil des années.

Nabil Amr, membre du Conseil révolutionnaire du Fatah et ancien ministre des Affaires parlementaires de l’Autorité palestinienne, a déclaré le 8 septembre que la visite de Haniyeh est un signe négatif qui montre comment l’Organisation de libération de la Palestine a perdu son emprise dans les camps de réfugiés au Liban au profit du Hamas.

Un responsable du Fatah à Ain al-Hilweh a déclaré à Al-Monitor sous couvert d’anonymat: «La conduite de nos dirigeants politiques est la raison de notre baisse de popularité publique et de l’accueil massif de Haniyeh par les gens. Les réfugiés dans les camps peuvent voir la position politique nationale du Hamas, sa résistance et ses services, par opposition à l’absence de visites de nos hauts responsables du Fatah et de l’Autorité palestinienne qui se rendent au Liban et passent des jours dans des hôtels sans aller dans aucun camp. Pour cette raison, les gens nous ont abandonnés et ont recours au Hamas.

Ain al-Hilweh est l’un des plus grands camps de réfugiés palestiniens au Liban, où vivent 47 000 réfugiés palestiniens sur 450 000. Dans les années 1980, c’était le bastion de l’OLP et du Fatah, mais les choses ont changé ces dernières années en raison de la négligence de l’OLP envers les camps, et il semble que le Hamas ait pu combler le vide qui en résultait.

Yasser Ali, auteur palestinien pour le site d’information Al-Awda spécialisé dans les affaires des réfugiés au Liban, a déclaré à Al-Monitor: «La visite de Haniyeh est historique et exceptionnelle, et son timing est essentiel, en pleine période de tentatives d’imposer l’accord du siècle [Plan de paix des États-Unis au Moyen-Orient] et la normalisation arabe avec Israël, ainsi que les efforts régionaux et internationaux pour faire pression sur le Hamas. Les camps de réfugiés palestiniens [au Liban] englobent toutes les factions palestiniennes et le Hamas entretient de bonnes relations avec elles. L’accueil public n’était pas seulement dédié au Hamas, mais aussi au projet de « résistance » (coordination des groupes terroristes entre eux et avec le Hezbollah, également en difficultés sur le plan national, depuis l’explosion de Beyrouth qu’on lui impute largement) dans son ensemble. Les réfugiés palestiniens ont hâte que leurs dirigeants politiques leur rendent visite dans leurs camps. »

L’agenda de Haniyeh pour sa visite d’une semaine semblait chargé. Il a rencontré le Premier ministre libanais par intérim  Hassan Diab , le président du parlement  Nabih Berri , le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, le directeur général de la sécurité générale libanaise Abbas Ibrahim, le chef du Mouvement du futur et membre du parlement Bahiya Hariri  et le chef du Parti socialiste progressiste druze,  Walid Joumblatt.

La visite de Haniyeh n’a pas uniquement suscité la controverse que parmi les Palestiniens, mais aussi de la part de plusieurs dirigeants politiques libanais qui considéraient sa visite comme de la propagande politique et médiatique pour l‘axe iranien et la considéraient comme irrespectueuse de la souveraineté libanaise, parce qu’il a menacé Israël  lors d’un discours  dans le camp d’Ain al-Hilweh (comme si le Liban était une des bases de lancement pour le Hamas).

Mais Emad Mohsen, un porte-parole du Courant réformiste démocratique dirigé par le dirigeant démis du Fatah Mohammed Dahlan, a déclaré à Al-Monitor: «L’accueil massif que Haniyeh a reçu au Liban était naturel et attendu, car il est le chef du Hamas, qui est un authentique composante du peuple palestinien. L’échec de la direction actuelle du Fatah et son manque de soutien, la négligence et la marginalisation des camps ont donné plus d’élan à cette visite.

Saleh al-Arouri, l’adjoint de Haniyeh, a  déclaré à la  chaîne Al-Mayadeen le 7 septembre: «La visite de Haniyeh à Ain al-Hilweh n’était pas un moyen de marquer des points contre le Fatah, car il a été accueilli par toutes les factions, y compris le Fatah, et le Fatah a participé à ce succès, en aidant à organiser cette visite.

Abdul Sattar Qassem, professeur de sciences politiques à l’université An-Najah de Naplouse en Cisjordanie, a déclaré à Al-Monitor: «Il est normal que la popularité du Fatah et de l’AP dans les camps de réfugiés diminue. Les accords d’Oslo qu’ils ont signés portent atteinte au droit au retour. Pour cette raison, les réfugiés ont chaleureusement accueilli Haniyeh car ils pensent que le Hamas est le seul parti capable de rassembler des foules localement et à l’étranger. Cela indique que les Palestiniens prennent progressivement leurs distances avec l’Autorité palestinienne et le Fatah.

Alors que la visite de Haniyeh à Ain al-Hilweh a constitué un succès pour le Hamas à un moment où les États-Unis, Israël et certains pays arabes font pression sur lui, ce fut un revers pour le Fatah et l’AP, car ils semblent avoir perdu le contrôle d’un bastion historique au profit du Hamas : les camps de réfugiés au Liban. À la lumière de ces changements, l’Autorité palestinienne pourrait essayer d’augmenter ses activités dans les camps pour retrouver un peu de son éclat.

al-monitor.com

Adaptation : Marc Brzustowski

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Ratfucker

450.000 « réfugiés » « palestiniens » au Liban? Sur les registres des bénéficiaires des largesses de l’UNRWA certes. Le gouvernement libanais a mandaté, il y a quelques temps, une société d’étude pour localiser ces réfugiés: elle n’a pu en trouver que 200.000.