« L’auteur de l’opération […] menée à Nice en France est un soldat de l’Etat islamique. Il a exécuté l’opération en réponse aux appels lancés pour prendre pour cible les ressortissants des pays de la coalition qui combat l’EI. » C’est par ce communiqué que le groupe Etat islamique (EI) a revendiqué la tuerie qui a fait 84 morts de Nice via son agence Amaq, ce samedi matin. Soit plus de 24h après les faits. Faut-il y croire ? Le journaliste spécialiste du terrorisme, David Thomson, répond à nos questions.

Cette revendication est-elle crédible à vos yeux ?

L’authenticité de la revendication ne fait en tout cas aucun doute. Elle a été diffusée par l’agence Amaaq, le canal de communication officiel de l’agence Etat islamique. Une sorte d’AFP de l’EI. Donc sur ce point, il n’y a pas de doute : ce communiqué vient bien de l’agence Etat islamique.

Cette revendication intervient plus de 24h après l’attentat. Est-ce plus tard que d’habitude ?

Il n’y a pas vraiment de règles concernant le timing des revendications. En général, dans les pays occidentaux, les attaques sont revendiquées rapidement. Quelques heures après le plus souvent. C’est vrai que là c’est plus tard que d’habitude. Mais au Tchad, par exemple, une attaque terroriste a été revendiquée un mois après par l’organisation EI. Encore une fois, il n’y a vraiment pas de règles.

Mais cette revendication tardive trahit-elle une tentative de récupération de l’attaque de Nice par Daesh ?

Jusqu’à présent, l’Etat islamique n’a jamais diffusé une revendication opportuniste. Il y a un début à tout, mais à ce jour, il n’y en a jamais eu. Pourtant l’organisation islamiste aurait déjà pu le faire. L’exemple le plus frappant est le crash du vol MS804 d’Egypt Air [le 19 mai alors qu’il assurait la liaison Paris-Le Caire]. Il n’a jamais été revendiqué par l’EI alors que les autorités égyptiennes pointaient la responsabilité de l’organisation. A l’inverse, six mois avant, l’EI avait revendiqué l’attentat contre unappareil russe reliant Sharm el-Sheikh à Saint-Pétersbourg et avait même apporté les preuves de son implication face aux doutes des autorités égyptiennes. Il est probable d’ailleurs que l’EI fasse de même pour l’attentat de Nice en diffusant les preuves des liens qu’elle entretenait avec le terroriste.

Dans son communiqué, l’EI présente Mohamed Lahouaiej-Bouhlel comme « un soldat qui a répondu à l’appel ». Cela laisse présager des liens forts entre le chauffeur du camion et l’organisation terroriste ?

Il faut en effet toujours prendre en compte la terminologie employée dans les communiqués. Elle n’est jamais utilisée par hasard. Pour l’attentat de San Bernardino, les auteurs étaient un couple terroriste qui avait agi sous l’influence de l’EI sans forcément avoir de liens avec l’organisation terroriste. Ils avaient été alors qualifiés de simples « sympathisants » et l’attaque de San Bernardino n’avait pas été l’objet d’un communiqué de revendication. EI n’avait envoyé qu’un message de revendication. A l’inverse, l’attentat d’Orlando a fait l’objet d’un communiqué de revendication officiel et le terroriste avait été lui aussi présenté comme un soldat. Il y avait eu des liens au moins téléphoniques entre l’EI et le terroriste. Un serment d’allégeance passé avant l’attaque.

C’est ce qu’il reste encore à trouver à Nice ? Le serment d’allégeance de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ?

Tout à fait. Pour l’instant, les enquêteurs n’ont pas encore trouvé d’éléments matériels prouvant les liens entre Mohamed Lahouaiej-Bouhlel et l’EI. Mais l’enquête commence tout juste et il est probable qu’il trouve des éléments dans le téléphone ou le matériel informatique du terroriste.

Mais ces serments d’allégeance ou ces testaments posthumes sont d’habitude moins cachés, non ?

C’est vrai, oui. D’habitude, le terroriste publie lui-même un message de revendication d’ailleurs. C’est la particularité de cet attentat de Nice. Mais je ne crois pas pour autant à une revendication opportuniste de l’EI. Encore une fois, l’organisation islamique ne l’a jamais fait.

20Minutes

« Comme une tondeuse à gazon »
Très rapidement, la nébuleuse djihadiste a célébré l’attaque sur Internet avec le même niveau d’activité que lors des attentats de Paris et de Bruxelles, indique le groupe de surveillance SITE et sa directrice Rita Katz. Sur Telegram, un outil de propagande utilisé par les sympathisants de l’EI, les terroristes ont appelé à utiliser le hashtag #Nice_Attack pour glorifier ce massacre. Sur l’une des photos, on reconnaît Omar al-Shishani, dit « Omar le Tchétchène ». Sa mort a été confirmée par le Pentagone hier/jeudi. Connu pour son épaisse barbe rousse, Omar al-Shishani a occupé « plusieurs postes de responsabilités à la tête de l’organisation militaire de Daesh, dont le ministère de la guerre ». Sa tête était mise à prix à hauteur de 5 millions de dollars.

Si le mode opératoire semble nouveau, Daesh appelait à utiliser un camion dès 2014. Dans son magazine de propagande Inspire, l’organisation terroriste recommandait « d’utiliser un camion comme une tondeuse à gazon. Allez dans les endroits les plus densément peuplés et prenez le maximum de vitesse pour faire le plus de dégâts. Si vous avez accès à une arme à feu, utilisez-la pour finir le travail. » La source de l’AFP précise justement que le chauffeur du camion a tiré avec un pistolet avant d’être abattu par les forces de l’ordre.

Londres en 2013 et Montréal en 2014
Une telle utilisation de véhicules n’est pas une première en Occident: deux attaques au nom du djihad prenant pour cibles des militaires ont récemment marqué les esprits. En mai 2013, deux Londoniens d’origine nigériane avaient renversé en voiture le jeune soldat Lee Rigby à Londres avant de le larder de coups de couteau. En octobre 2014, un Canadien de 25 ans converti aux thèses djihadistes avait foncé au volant de sa voiture sur trois militaires, en tuant un et en blessant un autre, au bord d’une route dans la banlieue de Montréal.

Depuis plusieurs années, Al-Qaïda et le groupe Etat islamique exhortent, à longueur d’articles ou de vidéos sur internet, leurs recrues et leurs volontaires à passer à l’action sans attendre, sans ordres précis, sans organisation pour les entraîner ou les soutenir. Passer à l’action de manière isolée et avec n’importe quelle arme disponible, telle était la consigne donnée en septembre 2014 par Abou Mohammed Al-Adnani, porte-parole officiel de l’organisation État Islamique.

20 Minutes

 

 

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