Auteur d’une caricature sur Mahomet en 2007, le dessinateur suédois Lars Vilks en est persuadé, c’est lui que visait le tireur de Copenhague, samedi 14 février, lors de l’attaque du centre culturel où se déroulait la conférence ayant pour thème « Art, blasphème et liberté d’expression », en hommage à Charlie Hebdo. Vivant sous protection policière, le Suédois se sait menacé de mort, une mort que lui promet depuis 2013 Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA), qui l’a placé dans la liste des personnalités les plus détestées et ciblées par l’organisation. A ses côtés figurait Stéphane Charbonnier, dit Charb, le directeur de Charlie Hebdo, assassiné le 7 janvier 2015.

Sous le titre « Yes we can. Une balle par jour tient l’infidèle éloigné pour toujours », les visages de neuf hommes et les noms de deux femmes à abattre s’étalaient en mai 2013 sur une double page du numéro 10 d’Inspire, le magazine trimestriel de la branche yéménite d’Al-Qaida. Outre Charb, Lars Vilks, Salman Rushdie ou le pasteur américain Terry Jones, figuraient également Kurst Westergaard, un Danois qui avait caricaturé Mahomet en 2005, et Karsten Luste, ex-rédacteur en chef du journal Jyllands-Posten, qui avait publié les dessins. Ainsi que Ayaan Hirsi Ali, militante d’origine somalienne et citoyenne néerlandaise, et Molly Norris, une journaliste américaine qui a voulu instituer « le jour de la caricature de Mahomet ». Tous accusés de crimes contre l’islam.

La publication de cette liste n’avait alors rien du hasard. Sous le titre « Nous sommes tous des Oussama [Ben Laden] », ce numéro saluait également l’attentat commis par les frères Tsarnaev lors du marathon de Boston, aux Etats-Unis un mois plus tôt. Quand il est lancé en juillet 2010 par AQPA, ce magazine trimestriel de 40 à 90 pages diffusé exclusivement en anglais marque un tournant dans la stratégie de communication et de recrutement d’Al-Qaida. Riche en images et en infographies et servi par une maquette soignée, la revue s’adresse exclusivement aux musulmans occidentaux susceptibles de se radicaliser.

« La cuisine d’Al-Qaida »

Aux interviews des dirigeants de l’organisation et prêches de ses émirs se mêlent les articles sur « la faillite morale » ou « les crimes » de l’Occident, l’objectif étant de retourner les apprentis djihadistes contre le système de valeurs dont ils sont issus. A chaque numéro sa boîte à outils : des conseils pratiques destinés aux « combattants » isolés. Au menu, conseils de tir ou cours de fabrication d’explosifs réunis dans une rubrique au titre explicite : « La cuisine d’Al-Qaida ». Dans sa dernière livraison (hiver 2014-2015), Inspire apprend à confectionner une bombe susceptible d’échapper aux détecteurs placés dans les aéroports.

Surfant sur ces attaques de néodjihadistes occidentaux, le magazine ne cesse de reprendre à son compte la figure du « loup solitaire », « capable de se fondre dans son environnement et de frapper l’Occident en son cœur, là où il est le plus faible ». Après la tuerie de Charlie Hebdo, le 7 janvier, les militants et sympathisants djihadistes se sont mis à partager sur les réseaux sociaux une nouvelle version de la liste : le portrait du directeur de Charlie Hebdo apparaissant barré d’une croix rouge. Samedi 14 janvier à Copenhague, une deuxième a failli être accolée au visage de la cible numéro 5 : Lars Vilks.

Madjid Zerrouky   Le MOnde

 

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