Une confédération Jordano-Palestinienne pourrait-elle être le Joker des palestiniens ? Et quelles sont ses chances de voir le jour?

On sent le désespoir qui règne dans les couloirs du pouvoir du siège du gouvernement palestinien, la Muqata à Ramallah. Les responsables palestiniens confient à Al-Monitor qu’il y ont davantage de sources d’irritation avec le monde arabe qu’avec Israël. Ils sont frustrés que les régimes arabes se concentrent sur les conflits en Syrie, l’Irak et le Yémen, au détriment d’un Etat palestinien. Ils sentent qu’ils ont perdu un certain pouvoir de lobbying vis-à-vis des Etats-Unis et en Europe, qui sont désormais concentrés principalement sur l’accord nucléaire iranien.

Ainsi, les Palestiniens sont à la recherche d’idées créatives pour relancer l’intérêt international pour la résolution du conflit tout en y engageant activement les pays arabes. Un haut responsable palestinien a déclaré à Al-Monitor qu’il avait en tête un deus ex machina qui pourrait sauver la situation palestinienne.

Ce fonctionnaire, qui entretient de bons contacts au sein du tribunal jordanien, voudrait raviver l’idée d’une confédération jordano-palestinienne, une projet dont il a apparemment fait part dernièrement au président palestinien Mahmoud Abbas et à l’entourage du roi de Jordanie.

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Les caractéristiques de la confédération, selon une source de haut rang, seraient énoncées dans le cadre d’un accord entre deux Etats indépendants – chacune dirigée par un exécutif indépendant, deux capitales (une à Amman et une à Jérusalem-Est), deux parlements, une institution parlementaire mixte traitant des questions confédératives, un espace économique commun de libre-échange, des coentreprises économiques (y compris les entreprises de la région de la Mer Morte) et des économies conjointes dans les domaines énergétiques et des traitements de l’eau.

Il y aurait aussi des mesures communes en matière de sécurité et des mesures anti-terroristes conjointes et une coopération principalement le long de la rivière du Jourdain.

La confédération, selon cette source, serait à propos seulement après la création de l’Etat palestinien. Pourtant, un accord de principe pourrait être conclu en amont, de manière à donner à la Jordanie un rôle central à jouer dans les négociations sur l’indépendance d’un l’Etat palestinien. L’implication jordanienne dans la négociation est considérée par beaucoup de ses fonctionnaires comme essentielle dans plusieurs domaines.

Tout d’abord, il est essentiel dans le contexte géopolitique actuel de prendre communément des mesures de sécurité communes pour juguler la menace que représentent les structures terroristes active à l’extérieur des frontières et qui pourraient devenir un fléau commun sur les deux côtés de la rivière du Jourdain, pour la Jordanie et la Palestine.

Deuxièmement, la question des réfugiés palestiniens est également très pertinente pour la Jordanie – environ 60% de sa population est palestinienne. Dans un accord israélo-palestinien futur, les deux parties seraient censées agir selon l’Initiative de paix arabe de 2002, en vue d’«une solution juste et négociée. » Bien que la Palestine sera théoriquement la patrie du réfugié, le défi économique que pose l’intégration des réfugiés serait plus facile à résoudre si la Palestine et la Jordanie agissaient ensembles pour trouver une solution viable.

Il y a aussi la question de Jérusalem – le rôle de la Jordanie à l’égard de Jérusalem a été reconnue et officialisée dans le traité de paix israélo-jordanien, mais le Royaume hachémite laisserait sans doute les Palestiniens mener seuls des négociations concernant leurs revendications sur Jérusalem-Est.

Une telle confédération présente encore d’autres avantages aux deux les parties: Côté palestinien, la crédibilité d’un futur Etat palestinien, comme une entité stable, ne pourra qu’augmenter grâce à une entente confédérale avec la Jordanie, un pays respecté par l’Occident.

En outre, dans les négociations, le poids des Palestiniens vis-à-vis d’Israël sera renforcé, puisqu’Israël a toujours considéré la Jordanie comme un partenaire crédible en matière de sécurité. L’intégration des réfugiés serait plus viable dans le cadre de structures de coopération économique jordano-palestinienne adaptées, dans la mesure où les Palestiniens garantiraient de respecter l’intégrité du Royaume hachémite.

Enfin, l’économie palestinienne ne pourrait que profiter d’un partenariat entrepreneurial avec la Jordanie, en particulier dans le domaine de l’emploi, dans la mesure où la Jordanie est un partenaire commercial privilégié des pays du Golfe. Pour Israël, une confédération jordano-palestinienne est logique d’un point de vue sécuritaire. Dans un Moyen-Orient instable, les forces de sécurité jordaniennes sont parmi les mieux formées et les plus fiables. De plus, une coopération trilatérale sur les infrastructures comme l’eau, l’énergie et le transport, serait bénéfique économiquement pour Israël, et renforceraient la stabilité régionale.

Les trois pays pourraient, avec le temps construire leur version de l’Union économique du Benelux (Belgique, Pays-Bas et de la Coopération du Luxembourg). Quand à l’opinion publique israélienne, elle ne pourrait qu’être sensible à une confédération dans la mesure où la Jordanie est populaire et respectée, mais pas la Palestine, et augmenterait les chances d’entériner un statut permanent de la Palestine.

Pour ce qui est de la Jordanie, la direction hachémite a toujours été vague quant à la possibilité de mettre sur pied une confédération jordano-palestinienne. Ce flou est le simple reflet de l’ambiguïté jordanienne envers les Palestiniens – d’un côté il y a une parenté forte, résultant souvent des relations familiales communes (la reine de Jordanie est palestinienne), et de l’autre côté, il y a de fortes craintes qui pèsent sur les relations, quant à d’éventuelles ambitions palestiniennes de s’emparer du Jourdain, étant donné que les Palestiniens sont majoritaires dans ce pays. Cette ambiguïté est bien vivante aujourd’hui. Pourtant, la Jordanie gagnerait beaucoup à une confédération, principalement en termes de soutien international accru pour assurer sa sécurité et soutenir l’économie du pays. Un accord de confédération permettrait finalement aussi de statuer sur les relations entre les deux côtés de la rivière du Jourdain, garantissant ainsi la stabilité de la Jordanie. Une source jordanienne de haut rang qui a servi dans plusieurs gouvernements jordaniens, a déclaré à Al-Monitor que la Jordanie serait prête à explorer une confédération, et que la question est réellement venue sur la table l’année dernière dans de discussions entre le roi Abdallah et Abbas. Pourtant, elle ne pourrait être envisagée uniquement après l’établissement d’un Etat palestinien.

Une autre source de haut rang à Ramallah a également dit qu’il était bien conscient que des hésitations à ce sujet règnent au sein de toutes les parties concernées. Néanmoins, il affirme qu’imposer une vision confédérale solide dans le processus de paix pourrait, voire devrait, être la seule façon d’avancer. L’alternative, a-t-il dit, est la violence.

Il a peut-être raison, mais l’expérience nous prouve que sur le terrain, le climat de suspicion prédomine des deux côtés des rives du Jourdain, entre les Jordaniens et Palestiniens, et la méfiance est plus forte que le désir de rechercher des opportunités et des solutions. Cela peut être cependant une alternative au désespoir et permettre de bouster le processus de paix en l’absence de solutions de rechange réalistes, et attirer à nouveau l’attention des politiques. Cela pourrait être aussi offrir à la Jordanie, une occasion de venir au secours de ses frères palestiniens.

Même si, à ce stade, il n’y a aucune chance pour que le nouveau gouvernement israélien soit prêt à s’engager d’une quelconque manière vers un règlement du conflit israélo-palestinien. Pour beaucoup de membres du nouveau gouvernement de Benjamin Netanyahou, la Jordanie est la Palestine et la Cisjordanie c’est Israël. Dans cette constellation politique, l’attente des temps messianiques et l’occupation militaire continueront d’invalider toute pensée politique réaliste.

Ancien ambassadeur, Uri Savir a consacré sa vie professionnelle aux stratégies de rétablissement de la paix en Israël. En 1996, il a créé le Centre Peres pour la paix et il est actuellement président honoraire du Centre. En 2011, il a fondé le mouvement de jeunesse « Yala » un Mouvement pour la Paix en ligne.

adaptation Kathie Kriegel – Al-Monitor

 

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