This photograph taken on February 17, 2017 shows Indonesian Rabbi Yaakov Baruch in prayer at a synagogue in Tondano, North Sulawesi. In a remote corner of the Indonesian archipelago, a modest synagogue stands in a tiny Jewish community that has found acceptance despite rising intolerance in the world's most populous Muslim-majority country. (Photo by BAY ISMOYO / AFP) / TO GO WITH AFP STORY INDONESIA-JUDAISM-RELIGION-RIGHTS,FEATURE BY OLIVIA RONDONUWU

En Indonésie, dans la plus petite communauté juive du Pacifique

Au nord de l’île indonésienne de Sulawesie, bastion du christianisme, le rabbin Yaakov Baruch gère la seule synagogue de l’archipel d’environ 273 millions d’habitants à majorité musulmane.

Lunettes cerclées de noir, kippa sur la tête et tsitsit – des bandelettes blanches pendant le long de son pantalon noir –, le rabbin Yaakov Baruch prépare la prière de shabbat à la synagogue Shaar Hashamayim. «C’est sûrement la seule synagogue au monde qui ne dispose d’aucun dispositif de sécurité», lâche le rabbin de 41 ans en esquissant un sourire. Cette synagogue, la seule de tout l’archipel indonésien, se trouve dans un petit complexe de trois bâtiments de pierres blanches qui détonne au cœur de la végétation tropicale et des maisons en bois du petit village de Tondano, situé à moins de 50 km au sud de Manado, la capitale du nord de la Sulawesie anciennement appelée Célèbes.

Sur cette île à majorité chrétienne contrairement au reste de l’Indonésie, 3e plus grand pays musulman au monde, vit en paix une petite communauté juive de cinq familles, soit une quarantaine de personnes. Au total, l’Indonésie compte une centaine de Juifs, principalement des descendants des familles hollandaises et de commerçants d’Irak venus en Asie au XIXe siècle, qui vivent à Jakarta et Surabaya. Sur l’île de Java à majorité musulmane, ils n’ont d’autre choix que de cacher leur appartenance religieuse.

«A la différence de Jakarta, je me suis toujours senti en sécurité à Manado, j’ai toujours porté ma kippa mais depuis le 7 octobre, nous les Juifs sommes devenus les ennemis publics numéro 1», lâche Yaakov Baruch. Il sort son téléphone et fait défiler les messages qu’il reçoit chaque jour depuis la guerre entre Israël et le Hamas. Au hasard, il en lit un reçu sur Instagram. Son auteur l’exhorte entre autres à quitter l’Indonésie. «Quitter l’Indonésie ? Mais je suis Indonésien, je ne suis pas Israélien, et depuis vingt ans que je m’occupe de cette synagogue, je ne veux qu’une seule chose : c’est construire des ponts entre les différentes religions.»

Ce n’est pas la première fois que les Juifs d’Indonésie sont victimes de comportements hostiles en réaction au conflit entre Israël et les Palestiniens. En 2009, les islamistes indonésiens font fermer la synagogue centenaire de Surabaya, deuxième plus grande ville du pays, en représailles à la guerre de Gaza de 2008-2009.

«Outil politique pour les dirigeants religieux»

Le 3 novembre, pour ne pas laisser la haine gagner du terrain, Yaakov Baruch a invité les différents responsables religieux à venir faire une prière interconfessionnelle pour la paix dans sa synagogue. «J’ai invité toutes les communautés à prier ensemble», raconte celui qui est également maître de conférences en droit international à l’université de Manado. La semaine dernière, l’infatigable rabbin s’est rendu à Jakarta pour assister à une conférence interreligieuse organisée par la plus grande organisation chrétienne d’Indonésie. «Plus que jamais nous devons maintenir le dialogue», explique-t-il.

Mais à peine est-il de retour à Manado qu’il apprend que de violents affrontements ont éclaté dans la ville de Bitung, impliquant des communautés musulmanes affichant leur soutien à la Palestine et des communautés chrétiennes pro-Israël. «Même si nous n’avons rien à voir avec ce chaos, les autorités ont voulu fermer la synagogue, déplore-t-il. Je ne voudrais pas que Shaar Hashamayim serve d’outil politique aux dirigeants religieux qui ont besoin de signaux forts pour leur électorat à l’approche des élections présidentielles et législatives en février.»

«Protection légale»

En ce soir de shabbat, Yaakov Baruch, accompagné de sa fille Rachel et de son fils Lévi, reste optimiste. «Rien ne pourra ébranler ma foi, annonce-t-il. Je suis fier d’être Juif et je vivrais toujours comme tel dans ce pays.» Comme une promesse faite à sa grand-mère, une juive hollandaise mariée à un Indonésien de Manado, qui, elle, a toujours dû cacher son appartenance religieuse. Enfant, Yaakov grandit entre une mère protestante et un père musulman. Pendant son adolescence, sa grand-mère lui confie qu’il a des origines juives. Le garçon se lance alors dans des recherches généalogiques l’amenant à retracer l’histoire de ces Hollandais juifs immigrés dans le Nord de Sulawesi. Il n’a alors qu’un objectif en tête : ressusciter cette communauté et permettre aux descendants de vivre leur foi. Le jeune homme qui avait étudié le droit en Indonésie part à Singapour, en Israël et aux Etats-Unis, pour suivre des études rabbiniques.

En 2004, sur un terrain légué par son grand-oncle à Tondano et avec le soutien d’une famille juive en Hollande, il fait construire une première synagogue. Rénové en 2019, le lieu de culte accueille également un mikvé (un bain rituel) et un petit musée consacré à l’histoire de l’holocauste. «Le judaïsme ne fait pas partie des six religions officiellement reconnues par le gouvernement mais depuis 2017 nous bénéficions d’une protection légale au même titre que 250 autres croyances locales, explique Yaakov. Cette synagogue a été inaugurée par les autorités locales. Nous ne sommes pas des hors-la-loi ici.» A la lueur des bougies allumées par Rachel, Yaakov Baruch récite les prières. «Shalom Aleichem» résonne dans la nuit tropicale.

JForum.fr avec www.liberation.fr par Marion Zipfel, correspondance en Indonésie
le rabbin indonésien Yaakov Baruch en prière dans une synagogue à Tondano, au nord de Sulawesi, le 17 février 2017. (Bay Ismoyo /AFP)

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