Des villes d’Espagne révèlent leur passé juif avec leurs anciennes synagogues

Expulsés en 1492, les Juifs séfarades autrefois prospères ont laissé un héritage architectural médiéval considérable. A présent, les propriétaires fonciers sont en train de réaliser des excavations, ce qui peut s’avérer devenir une mine d’or pour le tourisme

MADRID (JTA) – Sous un énorme bâtiment datant du 14e siècle avec des terrasses couvertes de mousses et des espaces intérieurs peints de couleurs criardes violettes et jaunes se trouvent ce qui pourrait être les restes de la deuxième plus grande synagogue d’Espagne de l’époque médiévale.

Le domaine d’une surface d’environ 700 m², actuellement exploré par des chercheurs et des archéologues, est niché dans une ruelle étroite à Utrera, une petite ville de la province de Séville dans le sud-ouest de l’Espagne. Il est recouvert par de nombreux géraniums, populaires dans le quartier juif historique de la ville.

Le devenir de la propriété a été multiforme : un hôpital au 17e siècle, une chapelle catholique, un orphelinat, et plus récemment, au 20e siècle, une école, un restaurant et un bar à cocktails.

Mais le conseil municipal a acheté en 2018 la propriété qui était à l’abandon, et a lancé un projet de fouilles archéologiques en février dernier, dans l’espoir de découvrir une synagogue qui aurait été ensevelie au fil des siècles.

L’objectif n’est pas uniquement la préservation et la promotion de l’histoire et de la culture juives – ce qui est devenu l’une des priorités du gouvernement ces dernières années, afin de rectifier la sombre période de l’Inquisition : alors que le COVID-19 continue de nuire au tourisme dans le monde entier, l’Espagne cherche à rester l’un des pays les plus visités de la planète. Et les anciennes synagogues peuvent être des attraits touristiques, en particulier pour les petites villes qui en sont dépourvues.

La découverte de la synagogue « mettrait notre ville sur la carte du monde, aux côtés de villes comme Séville », a déclaré José María Villalobos, maire d’Utrera et principal soutien du projet. « Ce serait un puissant attrait pour Utrera en tant que destination touristique majeure. »

Utrera est loin d’être la seule à exploiter son passé juif. Bien avant la pandémie, les intérêts gouvernementaux et privés aux niveaux régional et municipal ont tenté de mettre au grand jour, restaurer et exposer des sites hérités du patrimoine juif du Moyen Âge.

« En termes de redécouverte de son héritage culturel, l’Espagne a subi une énorme transformation depuis la fin des années 1980, avec une recrudescence des interventions archéologiques associées à l’industrie de la construction en plein essor », a déclaré Jorge A. Eiroa, professeur d’histoire médiévale à l’Université de Murcie. Il a expliqué que les synagogues surgissent souvent lors des excavations pour les constructions.

Une des rues du Quartier Juif à Utrera. (Utrera City Council/ via ATJ)

Pendant plusieurs siècles, les communautés juives séfarades d’Espagne ont laissé un héritage architectural médiéval considérable. Leurs anciennes synagogues sont des joyaux du patrimoine artistique et culturel qui illustrent la splendeur et la prospérité des communautés juives médiévales d’Espagne.

Mais après 1492 – l’année où les Juifs ont été expulsés d’Espagne par l’Inquisition – la plupart des synagogues ont été abandonnées, nombre d’entre elles ont été couvertes par des constructions, ou ont été englobées dans d’autres bâtiments. Certaines des plus remarquables qui sont restées intactes, ont été transformées en églises catholiques romaines, telles que El Tránsito et Santa Maria la Blanca à Tolède, la synagogue de Cordoue et Corpus Christi à Ségovie. (Certaines sont paradoxalement redevenues des entités à thème juif, en tant que musées et centres culturels qui sont un important apport à l’histoire juive espagnole.)

De nombreuses synagogues en Europe ont été transformées au cours des siècles. En 2018, une organisation britannique appelée Foundation for Jewish Heritage a lancé une cartographie interactive qui les identifie et les classe, montrant l’évolution de leur destinée – certaines sont maintenant des magasins, des restaurants, des installations sportives et même des salons funéraires.

De nombreux lieux de culte juifs dispersés dans toute la péninsule espagnole sont cachés sous terre sans aucune preuve documentée de leur existence.

Lampes trouvées durant les excavations de la Synagogue de Lorca exposées au Musée Archéologique Municipal de Lorca . (Museo Arqueológico Municipal de Lorca/ via ATJ)

« Lorsqu’une synagogue est convertie en église, tous les vestiges Juifs sont rapidement enlevés », a déclaré Eiroa, expliquant les difficultés de retrouver les anciennes synagogues. « Si nous avons de la chance, l’Arche qui renfermait la Torah avait été transformée en petit autel, comme dans le cas de Cordoue », et s’est trouvée ainsi préservée.

Miguel Ángel de Dios, l’un des archéologues travaillant sur le projet Utrera, est confiant sur le fait qu’il découvrira une synagogue souterraine. Son équipe est à la recherche de caractéristiques juives, par exemple une division des lieux en sections pour hommes et femmes.

« Nous n’avons toujours pas la moindre idée si la synagogue est bien là ou non, ni dans quel état elle se trouve. Mais, si nous la trouvons, nous supposons qu’un mikvé, ou bain rituel, devrait être à l’extérieur de la salle de prière, ainsi qu’une sorte de bâtiment pour la galerie des femmes », a déclaré de Dios à la JTA. « Il n’a peut-être pas été préservé, mais nous pouvons certainement chercher des traces d’une distinction qui avait été opérée entre les hommes et les femmes. »

À environ 250 kilomètres au nord-est de l’Espagne, dans l’ancienne ville d’Úbeda, se trouve une autre synagogue autrefois inconnue avec un mikveh [bain rituel] médiéval, ce qui lui donne un surnom : la « Synagogue de l’Eau ».

Photos du mikvé à la » Synagogue de l’Eau » à Úbeda,Espagne. (Joaquín Fruiz/ via ATJ)

Enfouie dans les fondations des maisons environnantes de la ville, la synagogue est restée intacte jusqu’à ce qu’elle soit fortuitement mise à jour en 2007. Sa découverte a étonné les propriétaires des lieux, qui construisaient des appartements pour touristes et un parking.

Le propriétaire principal, Fernando Crespo, a rapidement compris l’importance culturelle du site – et son potentiel touristique – et a interrompu les projets de construction. Après trois ans de fouilles et de restaurations, la synagogue a ouvert ses portes au public en tant que musée en 2010.

« Ce fut une grande surprise pour nous tous de trouver ce lieu magique – une découverte saisissante, un voyage à travers l’Histoire », a déclaré Andrea Pezzini, chef de la société Artificis, une entreprise de tourisme qui gère maintenant la synagogue.

La « Synagogue de l’Eau » est divisée en sept chambres interconnectées, y compris le mikveh bien conservé. Le bain rituel, à l’étage inférieur, a été sculpté dans la roche naturelle et est éclairé par les rayons du soleil, ce qui lui donne un aspect mystique. Pendant des siècles, l’eau naturelle d’un puits l’a traversé, se renouvelant chaque jour.

Intérieur de la Synagogue de Lorca à Murcia, Espagne. (Museo Arqueológico Municipal de Lorca/ via ATJ)

Les historiens pensent qu’il n’y a qu’une seule autre trace d’un mikveh naturel similaire en Espagne, dans la petite ville catalane de Besalú.

Avant le COVID, la « Synagogue de l’Eau » accueillait environ 27 000 visiteurs par an. Au cours de la première année de pandémie, ce nombre est tombé à 10 000.

La synagogue de la ville de Lorca , dans le sud-ouest de la région de Murcie, a été découverte en 2003 lors de la construction d’un hôtel. Mais elle n’a pas été découverte sous terre – elle était cachée au sein d’une forteresse médiévale.

Le château se dresse dans le quartier historique d’Alcalá, depuis une époque qui remonte approximativement entre le 9e et le 15e siècle. La synagogue est la seule connue pour avoir été trouvée avec une bimah [plate-forme surélevée] intacte, et l’Arche de la Torah. « De tels vestiges rituels sont conservés dans ces synagogues qui sont devenues
inoccupées », a déclaré Eiroa.

Les archéologues ont trouvé plus de 2 600 fragments de verre, qu’ils ont utilisés pour reconstituer 27 lampes autrefois utilisées pour éclairer la synagogue. Aujourd’hui, ces luminaires sont exposés dans le musée archéologique de la ville, à côté d’autres fragments de hanoukkiot, de céramiques, boucles, anneaux et pièces de monnaie, qui montrent aux visiteurs la vie quotidienne des Juifs de Lorca et la manière dont ils célébraient les fêtes religieuses il y a plus de 500 ans.

D’autres synagogues récemment découvertes comprennent la synagogue Molina de Aragón de Guadalajara, qui est encore à l’état de ruines, et la synagogue de Teruel de Híjar. Dans cette dernière, les travaux de réhabilitation ont été achevés au début de 2021, mais aucune date d’ouverture au public n’a encore été annoncée.

Eiroa a déclaré que l’accent mis sur la récupération des sites du patrimoine Juif ne fera que croître, car les municipalités continuent de capitaliser sur leurs liens avec Sepharad, ainsi que les Juifs appelaient l’Espagne en hébreu.

« Il est évident que le passé de Sepharad a toujours été un atout attractif et captivant et, d’un point de vue patrimonial, très attrayant pour les conseils municipaux et les communautés autonomes », a-t-il déclaré.

Par ORGE CASTELLANO fr.timesofisrael.com

Vue de la salle principale de la « Synagogue de l’Eau » à Úbeda, Espagne. (Andrea Pezzini/ via JTA)

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Machinchose

Francesco Crespo est juif

ce nom est celui du fondateur de l industrie des olives en France

Olives CRESPO