Maxime Steinberg, l’historien spécialiste de la déportation des Juifs de Belgique, décédé il y a deux ans, a clairement établi dans ses travaux que les autorités belges ont participé à la persécution des Juifs. Par la suite, d’autres historiens belges et le CEGES (Centre d’Etudes et de Documentation Guerre et Sociétés contemporaines), une institution fédérale de recherche consacrée aux guerres du 20e siècle, ont confirmé sa thèse.

L’essentiel est donc connu : l’occupant allemand adopte une politique antijuive qu’il promulgue sous la forme d’ordonnances.

Comme il ne dispose pas d’un personnel administratif et policier suffisant pour mettre en œuvre cette politique, l’occupant a besoin de la collaboration des autorités belges.

Avec l’aval du Comité permanent de législation, un organe composé des plus hauts magistrats du royaume et de juristes éminents, les secrétaires généraux des administrations belges ont accepté de s’engager dans une politique d’exécution des ordonnances antijuives.

Celles-ci organisent l’enregistrement des Juifs et leurs biens, leur isolement du reste de la population, leur mise au travail obligatoire, la spoliation de leurs biens, leur identification (étoile jaune) et leur déportation.

En exécutant ces ordonnances antijuives, les autorités belges ont sciemment violé la Constitution, ainsi que la Convention de La Haye qui, toutes les deux, interdisent la discrimination raciale.

Même si 93% des Juifs n’ont pas la nationalité belge en 1940, le principe constitutionnel selon lequel les autorités du royaume doivent accorder leur protection aux personnes et aux biens s’applique aussi aux étrangers se trouvant sur le territoire belge.

La participation des policiers communaux aux trois rafles organisées à Anvers en août et en septembre 1942 constitue le paroxysme de cette collaboration.

Mais le crime de « papier » n’en est pas moins grave.

« Les razzias contre les Juifs ont été rendues possibles parce que les administrations communales ont accepté de tenir des registres racistes.

Sur leurs papiers d’identité sont apposés les cachets “Juifs, Joden” », insiste Maxime Steinberg, dans un entretien qu’il a accordé à La Libre Belgique en avril 2009.

« Non seulement les administrations ont pris les noms mais les ont donnés.

En 1941, sur ordre du secrétaire général de l’Intérieur, les administrations communales ont envoyé aux Allemands les registres des Juifs ».

Jusqu’à son décès en juillet 2010, Maxime Steinberg n’a cessé de répéter qu’il attendait le Chirac belge qui dirait que les agissements de l’appareil d’Etat belge furent illégaux et anticonstitutionnels.

Dans son discours prononcé le 16 juillet 1995 à l’occasion du 53e anniversaire de la rafle du Vel’ d’Hiv’, Jacques Chirac a mis fin à des décennies d’amnésie en reconnaissant « la faute collective de la France » :

« La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable.

Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux ».

On entend déjà certaines voix s’élever pour dire que le Premier ministre Guy Verhofstadt a présenté à deux reprises des excuses à la communauté juive de Belgique.

Personne ne le conteste, mais il s’agissait à chaque fois d’une vague reconnaissance, et non pas d’une repentance claire dissipant définitivement tout malentendu.

Alors que nous commémorons le 70e anniversaire du départ des premiers convois vers Auschwitz, – ce que Maxime Steinberg a désigné comme les « 100 jours de déportation » (entre le 4 août et le 31 octobre 1942, 16.882 Juifs sont déportés à Auschwitz sur un total de 24.916) -, Elio Di Rupo, le Premier ministre fédéral, honorera de sa présence le 56e pèlerinage de la Caserne Dossin à Malines le 9 septembre prochain.

S’il saisit cette occasion pour tenir le langage de la vérité historique et prononcer un discours aussi beau, aussi juste et aussi vrai que celui de Jacques Chirac en France, Elio Di Rupo sera le premier chef de gouvernement belge à tourner la page de 70 ans d’ambiguïtés.

Par la même occasion, son geste permettra à la communauté juive de Belgique de cicatriser des plaies ouvertes depuis trop longtemps.

Mardi 4 septembre 2012


Nicolas Zomersztajn/ CCLJ Article original

TAGS: Belgique Collaboration Léon Degrelle Caserne Dossin Elio Di Rupo

Mémoire Chirac Discours du 16 juillet 1995 Maxime Steinberg Thielemans

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Armand Maruani

On envoie des millions d’innocents Juifs et non Juifs à la mort et 70 ans après ceux qui n’étaient peut être même pas nés  » reconnaissent  » ces crimes . Je souhaite tout simplement qu’ils combattent aujourd’hui la vermine nazislamiste qui souhaiterait  » finir le travail  » de leur Maître à penser , ce clown moustachu . Une manière de condamner le passé pas seulement en paroles .