Soutenir les Juifs où qu’ils soient et là où ils en sont.

A la suite des attentats terroristes à Paris, en janvier, j’ai réalisé une visite de deux jours dans la capitale française pour assister à une cérémonie célébrant l’Aliyah qu’avait organisé l’Agence Juive, quelques temps auparavant. C’est un hasard, mais elle devait avoir lieu tout près du défilé de la marche unitaire massive, à laquelle plusieurs millions de citoyens français se sont rendus, et j’ai été abasourdi par le contraste entre l’atmosphère chaleureuse de ce rassemblement, l’esprit de camaraderie de ses participants et le climat morose de la soirée à l’Agence Juive.

Des centaines de Juifs sont venus à cet évènement, tous aussi anxieux et pleins d’incertitude, concernant leur avenir en France. Il devenait évident pour moi que l’Agence Juive doit poursuivre ses efforts pour encourager la tendance croissante de l’Aliyah française, mais en même temps, pour renforcer la Communauté juive de France.

J’ai été surpris d’apprendre que mes déclarations visant à encourager l’Aliyah tout en renforçant, en même temps la Communauté Juive ont subi les critiques acerbes des deux bouts du spectre politique israélien. La gauche Sioniste prétendait que j’étais insensible, en encourageant les Juifs de France à quitter la France et à venir en Israël, à une période où ils ont besoin de faire preuve de patriotisme et de se tenir fermement derrière le gouvernement de leur pays. La droite m’accusait d’oublier que mon boulot consiste à promouvoir l’Aliyah et non à encourager les Juifs à rester à l’étranger, en les aidant à restyructurer leurs communautés.

Il semble que les deux camps considèrent le chef de l’Agence Juive comme une sorte de Commissaire du peuple la Révolution Sioniste, ayant la responsabilité principale de mettre un terme à la Diaspora et d’amener tous lesJuifs en Israël. Alors que la gauche pense qu’on n’a plus besoin de mes services,la Droite pense que je ne suis pas assez efficace. Ni l’une ni l’autre n’ont absolument rien à voir avec la réalité dans laquelle vivent les Juifs de France, ni du rôle de l’Etat d’Israël dans le mode de vie juive moderne, en Diaspora.

Le désir des Juifs Français de quitter leur pays n’a rien à voir avec les délcarations de tel oun tel dirigeant juif israélien. Le fait que la moitié des Juifs Français envisagent l’Aliyah est la conséquence de plus d’une décennie d’antisémitisme, de craintes et d’aliénation. L’alliance entre l’Islam radical, l’antisémitisme et lenouvel antisémitisme, qui s’est manifestée à travers la diabolisation d’Israël, a transformé l’Europe et la France en particulier, en l’un des endroits où il devient de plus en plus difficile pour les Juifs de continuer à y vivre.

Sans un bouleversement radical dans la conduite de l’Europe postmoderne et postlibérale, on pourrait bien assister, en ce 21ème siècle à la fin de la Communauté Juive Européenne, vieille de 2000 ans.

Je voudrais mettre l’accent sur le fait que l’antisémitisme n’est, en aucune façon, l’allié objectif du Sionisme. Non seulement parce que l’antisémitisme est fondamentalement immoral, mais aussi parce qu’il existe de nombreux Juifs en Diaspora qui ont décidé de prendre complètement leurs distances avec l’héritage juif. Par conséquent, nous pouvons tirer de la fierté à ce que 70% des Juifs qui décident de quitter la France choisissent Israël pour être leur nouvelle patrie.

Choisir Israël parmi une grande diversité de possibilités ne dépend uniquement que de nous. Il y a deux forces en jeu, ici. La première, c’est le renforcement de l’identité juive et du lien viscéral avec l’Etat juif, Israël. La deuxième, c’est d’offrir aux nouveaux immigrants l’occasion de bien s’intégrer dans la société israélienne. C’est dans ce but et pour cette unique raison que l’Agence Juive a besoin de bâtir des communautés juives fortes à l’étranger. Pourquoi ces deux points sont bien en relation? A mon avis, nous avons besoin du soutien de tous les Juifs où qu’ils puissent se trouver, parce que même si nous acceptons le fait que le rôle essentiel de l’Agence Juive est de stimuler l’Aliyah, la continuité de la communauté juive en France reste un impératif, en tant que source d’épanouissement de l’Aliyah.

Des dizaines de milliers de Juifs pourraient bien quitter la France dans les années à venir. Combien choisiront vraiment de monter en Israël? La réponse à cette question dépend de ce que nous faisons pour soutenir leur identité juive là où ils se trouvent et de nos efforts pour les attirer vers Israël.

Nathan Sharansky,

Directeur de l’Agence Juive 

israelhayom.com

Adaptation : Marc Brzustowski